Covid-19 : dans l’attente d’éléments tangibles, beaucoup d’incertitudes demeurent

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Par Benjamin Melman Publié le 2 avril 2020 à 9h58
Confinement Emotions Fenetre
65%L'économie française tourne à 65% de sa capacité.

Le manque de visibilité demeure important en ce début du mois d’avril et nous empêche d’opérer de grands choix d’allocation d’actifs. Toutefois, les incertitudes ont changé de nature. Mi-mars, nous assistions à une dislocation des marchés, caractérisée notamment par de fortes tensions sur les emprunts d’Etat qui manquaient de liquidités et une remontée des taux longs. Nous observons désormais un retour à la normale sur les marchés d’emprunts d’Etat dans les grands pays et une réapparition progressive de la liquidité sur le marché de l’Investment Grade.

Cette dynamique a permis à de nombreux émetteurs, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, de revenir sur le marché ces derniers jours. Cette normalisation d’un compartiment important du marché obligataire, grâce à l’action des banques centrales, constitue un point positif. Néanmoins, la dette émergente et le High Yield continuent de souffrir d’un assèchement de la liquidité, même s’ils profitent du retour à la normale d’autres marchés.

Le changement de mentalité des banques centrales, entrées dans une logique « whatever it takes » et prêtes à aller au-delà de ce qu’elles ont déjà annoncé, est de nature à rassurer les marchés, tout comme l’annonce de plans de relance massifs de la part de nombreux pays de part et d’autre de l’Atlantique. Ainsi, les Etats-Unis ont adopté le plus gros plan de relance de leur histoire et envisagent déjà de débloquer une nouvelle enveloppe. Cet engagement sans faille des autorités monétaires et fiscales face à cette crise sans précédent apporte indéniablement de la visibilité.

Le pic et le coût de l’épidémie restent incertains

La question du pic de l’épidémie est dans tous les esprits. En Europe, nous observons des signes encourageants même s’il faut bien sûr rester prudent. Une idée plus précise se dessine. Ainsi, certains assureurs estiment ce pic dans un avenir proche, au cours des prochaines semaines, ce qui peut aider les marchés à se projeter au-delà de la période du confinement.

Par ailleurs, quelques premières estimations - fragiles - mettent en lumière le coût exorbitant du confinement. En France, l’Insee indique pour sa part que l’activité tourne à environ 65% de son régime ordinaire, soit approximativement un point de PIB en moins sur la croissance par mois passé en confinement. En Italie, dont l’économie accuse un arrêt plus brutal que dans l’Hexagone, le coût serait le double.

Les plans de relance décidés par les Etats apportent un soutien majeur mais ne couvriront probablement pas toute la période de confinement si elle se prolonge. Les mesures mises en œuvre en Italie couvriraient environ cinq semaines de l’effet récessif du confinement, alors que le confinement devrait a priori durer 8 semaines a minima.

Une reprise très progressive de l’activité

A la période de confinement succèdera une période de latence qui pourrait durer deux trimestres ou plus, avec un retour progressif à la normale, comme le montre l’exemple de la Chine. La reprise de l’activité se matérialisera mais pourrait être freinée par la prolongation des mesures de distanciation sociale. De plus, nous n’avons pas de visibilité sur le rythme auquel les frontières vont rouvrir, ni sur un éventuel retour de l’épidémie à l’automne. La problématique de l’explosion des déficits publics devra quant à elle être traitée une fois la crise passée.

Concernant un éventuel retour de l’inflation lié à l’action des banques centrales qui relancent leurs politiques de « quantitative easing » pour lutter contre le risque de déflation, nous écartons ce risque. En effet, nous n’observions aucun signe d’inflation il y a encore quelques semaines, alors que les écarts de production s’affichaient en terrain positif au sein des principales zones, alors il nous semble compliqué d’imaginer l’inflation repartir quand les écarts de production seront extrêmement négatifs et les taux de chômage à des niveaux très élevés. Par ailleurs, les banques centrales aident de fait les Etats à s’endetter mais elles ne monétisent absolument pas la dette.

Chaque jour qui passe est un jour de crise en moins et nous permet de nous projeter vers l’avenir mais beaucoup d’incertitudes demeurent. Davantage d’éléments tangibles doivent apparaître pour nous permettre de procéder à des choix d’allocation d’actifs plus marqués. Dans ce contexte, nous réitérons notre position neutre sur les marchés actions qui présentent des valorisations attractives et bénéficient de la conduite de politiques monétaires et économiques ambitieuses. Toutefois, il est encore trop tôt pour surpondérer la classe d’actifs.

Par ailleurs, nous sous-pondérons légèrement le crédit. Nous avons mis un terme à notre surpondération sur les emprunts d’Etat pour revenir à la neutralité car les taux longs ont très fortement baissé. Enfin, nous nous repositionnons sur les obligations Investment Grade en Europe et aux Etats-Unis, mieux rémunérées et très protégées par l’action des banques centrales.

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Benjamin Melman est directeur des gestions chez Edmond de Rothschild AM.

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