Une épée de Damoclès de 84 milliards d’euros pèse sur les banques

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Par Laurent de Badts Publié le 7 octobre 2014 à 2h47

Potentiellement, 1,4 millions d'emprunteurs pourraient assigner leur banque au sujet des irrégularités condamnables que contiennent leurs crédits immobiliers. C'est un véritable risque systémique qu'encourent les banques.

Découvrons comment, en détail, un emprunteur sur deux pourrait en tirer profit.

Les données chiffrées de la Fédération Bancaire Française

Au 1er aout 2014, la Banque de France dévoilait l'encours de crédit des établissements français : 824 milliard d'euros. Dans son bilan, une banque raisonne en effet en termes d'encours, et non en termes de capital prêté initialement.

Au-delà du raisonnement comptable, c'est également la somme sur laquelle elle génère sa marge. Nos statistiques montrent un taux moyen pratiqué de 3,95% sur cet encours. À mettre en rapport avec le coût auquel cet argent est acheté par elle. Le taux de refinancement auprès de la BCE, principal source d'approvisionnement de cet encours, est au 5 juin 2014 de 0,15%, et a encore baissé depuis. Passons sur ces marges fabuleuses...

Les analyses que Les Expertiseurs du Crédit ont pratiquées, du 1er janvier au 31 juillet 2014, montrent que 47% des crédits ont une, ou des, irrégularités condamnables.

1,4 million d'emprunteurs concernés

Quelques données chiffrées, indispensables pour bien prendre la mesure du problème.

Le montant moyen des crédits analysés est de 176.000 €, une date moyenne de début en septembre 2009, et un taux moyen de 3,95%, sur une durée moyenne de 208 mois.

Ces données produisent un encours moyen, à fin août 2014, de 136.800 €. On en déduit que près de 6.023.000 crédits sont en ce moment en cours de remboursement.

Avec 47% d'irrégularités, ce sont 2.831.000 crédits qui sont concernés. Nous en supprimons la moitié par hypothèse : en effet une contestation n'est possible, théoriquement, que les 5 années suivants l'accord du contrat de crédit. Même si l'article 1304 du Code civil dispose que « ce temps ne court (...) dans le cas d'erreur ou de dol, (que) du jour où ils ont été découverts ». Ainsi, un crédit de 2005 pourrait être aujourd'hui même contesté si le profil du particulier est « néophyte » des choses financières et bancaires.

Mais restons sur cette base prudente : ainsi, ce sont 1.400.000 emprunteurs qui pourraient demander réparation à leur banque.

La sanction pour la banque ? L'annulation des intérêts conventionnels et leur substitution par le taux d'intérêt légal. Cette sanction est technique, nullement soumise à la moindre subjectivité ou appréciation du juge. Elle est binaire et mathématique : nos calculs montrent une réparation moyenne de 59.500 € d'intérêts par crédit.
C'est ainsi que nous arrivons à cette épée de Damoclès de 84 milliards d'euros de sanction. Hypothèse pour le cas où tous les particuliers concernés contesteraient.

2 irrégularités détectables en 1 minute

Le chiffre de 47% d'irrégularités parait toujours incroyable.
Et pourtant, deux exemples simples, détectable très simplement, vont nous montrer qu'elles sont commises par 2 des 5 premiers établissements bancaire français. Sans parler de la trentaine d'autres irrégularités qui sont plus difficiles à détecter, nécessitant l'intervention d'expertiseurs. Et qui concernent tous les établissements de la place.
Prenez votre crédit immobilier, et détectez simplement cette mention ou cette omission.

360 jours

Comment se fait-il que certaines banques continuent d'effectuer le calcul de leurs intérêts sur la base de 360 jours ? Il est révolu pourtant le temps du boulier et de cette pratique hors d'âge du calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, dite année lombarde. Le simple fait de l'avoir mentionné dans le contrat, qui fait la loi des parties, rend la banque fautive.
Après un long cheminement, où la jurisprudence mettait en garde sur cette pratique, un arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2013 condamne définitivement cet usage pour un particulier.

Omission du taux de période

En cas de règlement mensuel de ses échéances, la base de la performance d'un crédit est le taux de période mensuel. Dans le calcul de TEG à indiquer, sans rentrer dans trop de technique, c'est initialement le calcul actuariel du taux de période effectué qui permet d'aboutir, une fois remis annuellement et de manière proportionnelle, au Taux Effectif Global annuel.
Sans lui, aucune possibilité de calculer le TEG, c'est donc comme ne l'avoir pas cité. Sans l'indication de ce taux de période la banque est fautive. Cette irrégularité est commise, sur certaines régions, par l'une des toutes premières banques françaises.

Une visite sur le site des Expertiseurs du Crédit permet d'avoir des copies d'écran exactement similaires aux textes et irrégularités que vous avez sur votre crédit.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Comment obtenir réparation ?

Logiquement, on pourrait penser que les banques corrigeraient le tir.
Il n'en est rien.
C'est avec stupéfaction que nous avons vu que l'une des banques commettant l'irrégularité 360 jours l'a supprimé de ses offres en début d'année pour... s'engouffrer dans la seconde, concernant l'omission du taux de période !!! Et ceci pour une offre émise le 30 juillet 2014, qui est l'analyse la plus récente que nous avons effectué pour un contrat de cet établissement.

Notre expérience montre également l'utilité de mener et faire mener ce type de contestation par des professionnels du droit. L'industrie bancaire, car c'en est une, a des gènes, en France, où la reconnaissance de ses erreurs et les réparations qu'ils seraient logique d'apporter n'ont pas cours.

C'est donc vers la voie judiciaire que la juste réparation et surtout la récupération d'intérêts conséquents est à chercher. Cette solution passe obligatoirement par le Tribunal de Grande Instance, avec l'intervention obligatoire d'avocat. Ces solutions existent, à prix abordables, quand on arrive à jouer sur des effets de masse.

Quoiqu'il en soit, il est primordial de savoir ce qu'il en retourne pour chacun des emprunteurs d'un crédit immobilier. A minima, savoir si l'on est ou non concerné, prendre la pleine mesure des enjeux, pour ensuite décider du type d'action à mener.
Une personne sur deux est concernée. Vous peut-être. Il n'y a aucun cadeau à faire à sa banque.

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Gérant Associé de la société "Orcialis", spécialisée dans la gestion de patrimoine depuis 15 ans. Grâce à cette expérience dans le montage de dossiers de financements immobiliers, il crée la société "Les Expertiseurs du Crédit" en 2013, dont la mission est de détecter les vices de forme dans les crédits immobiliers. Il rédige régulièrement des articles sur le site de cette société : www.expertiseurs-du-credit.fr

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