De la pénurie de monnaie à l’inventivité monétaire

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Par Oberthur Fiduciaire Publié le 6 novembre 2014 à 4h29

« Tu es étonné parce que le monde touche à sa fin ? Étonne-toi plutôt de le voir parvenu à un âge si avancé. Le monde est comme un homme : il naît, il grandit et il meurt. » C'est ainsi que l'évêque d'Hippone, devenu Saint-Augustin évoque, dans un sermon devenu célèbre, la chute de l'Empire romain d'Occident. De fait, cet événement représente bien, sinon la fin du monde, du moins la fin d'un monde.

Au plan monétaire aussi, le Moyen-Âge est celui d'un effroyable retour en arrière. « Les proto-Etats qui succèdent à l'effondrement de l'Empire sont obligés de recourir aux prélèvements en nature, alors qu'au même moment la part de l'échange monétaire régresse dans une économie revenue largement au troc. Même au temps de Charlemagne [...], le denier d'argent n'était pas utilisé pour les échanges de la vie quotidienne. Les gens se débrouillaient sans monnaie », écrivent les économistes Philippe Simonnot et Charles Le Lien.

Cette régression n'est bien sûr que le reflet d'une régression généralisée. Les barbares qui s'installent sur les ruines fumantes de l'Empire y importent aussi une organisation sociale archaïque semblable à celle qui existait au début de l'Antiquité. « Ces peuplades n'avaient ni armée, ni administration, ni infrastructure publique. Elles n'avaient aucune ville axée sur le commerce, juste des villages qui subsistaient d'agriculture, d'élevage et parfois de troc avec le monde extérieur. Le commerce était moins fréquent que le pillage du voisin en cas de disette. », explique Vincent Lannoye. Et de préciser : « Plus d'un millénaire allait s'écouler avant d'égaler l'efficience économique, administrative, fiscale et donc monétaire de l'Empire romain. »

De fait, le retour à une vie économique et sociale plus riche et élaborée sera extrêmement lent et laborieux. Dans des territoires morcelés en une multitude de fiefs seigneuriaux, la monnaie elle-même est morcelée, souvent de piètre qualité et en quantité insuffisante. Signe de la lenteur du redressement opéré, il faudra attendre sept siècles pour que les Princes européens ne lèvent à nouveau l'impôt en monnaie plutôt qu'en nature !

Durant cette période encore, l'histoire de la monnaie est un formidable révélateur de l'état d'avancement des sociétés. Ainsi, en France, l'édification progressive d'un État moderne sous l'impulsion de la monarchie trouve aussi sa traduction au plan monétaire. Tandis que les Mérovingiens ne frappaient pas monnaie, Charlemagne remplace les pièces anciennes par une nouvelle monnaie frappée en argent. Surtout, les monarques s'ingénient à constituer sinon un monopole de l'émission de monnaie, du moins à assurer progressivement la prééminence de leur monnaie sur celles émises localement par les seigneurs ou les institutions religieuses.

Louis IX, le fameux Saint-Louis, a ainsi édicté une série d'ordonnances visant à assurer la primauté de la monnaie royale. Dans son Histoire monétaire de l'Occident médiéval, Étienne Fournial en déduit cinq principes « simples et clairs » : 1. « La monnaie du roi court seule dans le domaine royal » 2. « Elle a cours dans tout le royaume. » 3. « La circulation des monnaies étrangères est interdite ». 4. « Il est interdit d'imiter la monnaie du roi. » 5. « Il est interdit de rogner les pièces. »

De la sorte, en favorisant l'unification monétaire, les monarques visent bien sûr à accroître leur pouvoir au détriment des seigneurs rivaux. Comme le soulignent Philippe Simonnot et Charles Le Lien, monétarisation et constitution d'un État moderne vont de pair : « La monétarisation de la dépense aura d'importantes conséquences politiques, sociales et juridiques. Par exemple, au lieu de payer les armées de ses barons en fiefs, c'est-à-dire en terres, le prince réglera des mercenaires et leurs conducteurs (condottieri) en espèces. Il pourra aussi accorder des pensions monétaires aux aristocrates qu'il veut soumettre, ou encore des privilèges, sous forme d'exemptions fiscales. Un tel usage de la monnaie signale la fin du féodalisme – lequel peut s'analyser, du point de vue économique, comme une chaîne compliquée de trocs bilatéraux entre suzerain et féal. »

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