La fin de l’euro fort n’est pas pour demain

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Par Christopher Dembik Publié le 17 avril 2014 à 2h59

La perspective évoquée de nouvelles mesures de soutien à l’économie de la part de la BCE n’a pas réduit la demande d’euro ces dernières semaines. La forte résilience de la monnaie unique n’est pas liée directement à une amélioration des perspectives économiques mais bien plus au rempart de taille que constitue la BCE aux yeux des investisseurs. Depuis l’annonce du programme OMT (Outright Monetary Transactions), la confiance est revenue sur les marchés. Les flux de capitaux favorables ont soutenu la progression de l’euro face au dollar rendant possible de nouveau un taux proche des 1.40.

Cette évolution a ouvert une énième fois le débat sur le seuil de douleur, c’est-à-dire le niveau à partir duquel le taux de change joue négativement pour un pays. En raison de la fragmentation de la structure économique dans la zone euro, un taux de change idéal est inconcevable pour la monnaie unique. Cependant, une poursuite de la hausse au-delà des 1.40 ouvrirait la voie aux seuils des 1.50 voire des 1.60 qui seraient des niveaux trop élevés y compris pour l’Allemagne. Les récents propos tenus outre-Rhin par des membres de la BCE et du gouvernement allemand doivent être interprétés à l’aune de cette donnée. Il serait trompeur de croire que la BCE souhaite un taux de change substantiellement plus bas, elle tient surtout à éviter un taux beaucoup plus élevé. La nuance a son importance.

La BCE face à ses propres limites

Traditionnellement, la BCE a toujours opéré une stricte séparation entre politique de change et politique monétaire. De fait, intervenir sur le niveau de l’euro ne fait pas partie de ses attributions. C’est pourquoi Mario Draghi et son prédécesseur, confrontés à un euro trop fort par rapport aux fondamentaux de la zone, se sont toujours contentés, avec jusqu’à présent un certain succès, de la stratégie du discours.

Cependant, dans un monde où les investisseurs sont à la recherche de placements sûrs, cette stratégie risque de rapidement montrer ses limites. Une intervention ne pourrait être envisageable que si la BCE confirme que la force de l’euro est un frein réel à l’accomplissement de son mandat. En l’occurrence, garantir une inflation proche mais inférieure à 2%. C’est uniquement par ce biais que la BCE pourrait influencer le taux de change.

Les conditions d’une baisse durable

Notons toutefois que, bien que l’inflation soit faible, elle reste en donnée annuelle au-dessus de la zone de danger comprise entre 0% et 1% définie par Mario Draghi. La nécessité d’une intervention n’est donc pas évidente sur le court terme, ce qui conforte l’idée d’un euro ayant encore un potentiel haussier substantiel jusqu’à la zone des 1.40 – 1.42 au maximum.

Sur le moyen terme, en revanche, le ralentissement économique constaté, en particulier outre-Rhin, rend crédible de nouvelles mesures de soutien. Elles sont connues : taux de dépôt négatif, baisse du taux directeur, troisième opération de LTRO, ou encore QE à l’européenne.

Le QE semble être l’option la plus probable mais celle-ci ne devrait être mise en œuvre qu’à la rentrée de septembre une fois que les détails techniques auront été résolus au cours de l’été. Etant donné la forte intermédiation bancaire dans la zone, le QE devrait s’orienter vers le secteur privé, avec des rachats d’ABS et de prêts d’entreprises plutôt que des rachats d’obligations souveraines. L’impact sera plus direct et conséquent au niveau de l’économie réelle. Cette mesure sera apte à faire baisser l’euro sur le marché mais la capacité de résistance de la monnaie ne sera pas à négliger. Dans cette optique, un objectif de cours face au dollar à 1.30 est possible d’ici le mois de décembre.

La porte de sortie pour les gouvernements

Il apparait rapidement que le débat actuel à propos du niveau de l’euro ne doit pas servir de prétexte pour éviter d’engager les réformes structurelles qui s’imposent dans de nombreux pays de l’Union tant une action sur la devise est incertaine à court terme. C’est uniquement sous l’effet des réformes structurelles que les économies les plus fragiles parviendront à réduire leur dépendance au taux de change. Trois vecteurs dans cette perspective sont à privilégier : les gains en termes de compétitivité-prix, qui seront plutôt limités pour les grands pays européens, la montée en gamme sur le modèle de l’Allemagne, en privilégiant les pôles d’innovation et les partenariats public privé, et enfin l’internationalisation des chaînes de production. Le bénéficie immédiat sera moindre qu’avec une baisse du taux de change mais sera, néanmoins, plus durable.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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