Crise économique : que la fête commence

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Par Charles Sannat Publié le 8 novembre 2012 à 14h01

Haaa, ça y est ! Nous sommes le 8 novembre, l’élection du roi du monde est passée. Le nouveau président de la planète est l’ancien.

Ouf général de soulagement en dehors de l’Amérique. Les démocrates ont gagné, Obama est à nouveau avec nous pour 4 ans. Maintenant, les choses sérieuses vont pouvoir commencer. D’ailleurs, elles semblent vouloir commencer rapidement. Il ne faudrait pas non plus aller trop vite en besogne.

Soyons sérieux. On nous a dit et répété depuis 6 mois que tout allait beaucoup mieux que bien, et hop voilà t’y pas Wall Street qui nous fait une belle glissade. Non, il faut rassurer les "zinvestisseurs". Il ne faut surtout pas oublier que la crise est enfin derrière nous. Bon, nous avons rigolé de toutes ces simagrées, nous savions bien que tout ça c’était pour amuser la galerie.

Le programme des quatre prochaines années du mandat du nouveau chef du monde libre (tous les autres sont les méchants) est assez simple à deviner. D’ailleurs, c’est invariablement le même.
Année 1 : toutes les mauvaises nouvelles, mauvais chiffres, et mauvaises actions. Bref c’est une année noire.
Année 2 : on continue à s’enfoncer et on ne voit pas le bout du tunnel.
Année 3 : l’espoir revient car on en a marre d’en avoir marre mais rien n’a changé.
Année 4 : il faut préparer la réélection des petits copains donc tout va mieux que bien grâce à la politique menée brillamment par l’administration sortante, on sait que l’on va s’en sortir.

On peut trafiquer les chiffres et demander aux médias d’être "responsables" et de ne pas interférer dans le jeu démocratique. D’un autre côté, ce programme pourrait être mis à mal par une réalité cette fois-ci vraiment noire. Où en sommes-nous en ce jour zéro du nouveau monde ? Exactement dans la même situation qu’il y a six mois mais en pire, avec des défis économiques majeurs à relever.



Côté États-Unis, les agences de notations ont déjà prévenu aujourd’hui même qu’elles dégraderaient les USA si ces derniers n’étaient pas capables et rapidement de montrer des signes tangibles de redressement budgétaire. Les marges de manœuvre fiscales en Amérique existent puisque les impôts, là-bas, sont de 15 points plus faibles qu’en France par exemple. Mais il ne faut pas se leurrer. Couper dans les dépenses et augmenter les impôts fortement dans une économie fragile ne conduiront qu’à la récession.

Certains évoquent déjà le chiffre de 3 % si les coupes automatiques prévues par l’accord entre républicains et démocrates venaient à être mises en œuvre automatiquement en début d’année 2013. Les différents QE de la FED menée par Ben Bernanke, qui redit qu’il souhaitait partir, montrent des signes d’efficacité de plus en plus douteux et font peser des risques importants sur la valeur du dollar.

En Europe, les choses ne sont guère plus réjouissantes. Endettement excessif, récession, et austérité au menu, qui n’aideront pas à améliorer la croissance économique. Les problèmes de la Grèce et de l’Espagne sont toujours en suspens et attendent un règlement alors que les différents pays membres de la monnaie unique n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur une solution pérenne de règlement des difficultés.

Alors nous risquons fort de reprendre les mêmes sujets et de recommencer là où nous avions tout laissé il y a six mois. Mario Draghi, qui avait mis fin à une séquence de panique par des déclarations tonitruantes sur le mode "vous allez voir ce que vous allez voir, car moi j’ai la planche à billets et soyez-en sûr, ce que je ferai sera suffisant", n’est toujours pas passé à l’action.



Aujourd’hui, le Commissaire "politique" européen en charge des Affaires économiques, Olli Rehn, nous a fait quelques déclarations fort sympathiques et qui vont certainement remonter votre moral (ce qui est ironique bien sûr). Pour Bruxelles, "la zone euro va encore traverser une zone de turbulences en 2013, marquée par une croissance en berne, des dérapages budgétaires et un chômage de masse, avant d’espérer une éclaircie, notamment en Grèce après six années de récession".

Il faut donc comprendre que cela va être pire qu’avant et peut-être qu’un jour ce sera mieux, mais pas pour le moment… Plus pessimiste qu’auparavant, Bruxelles estime, dans ses prévisions économiques d’automne publiées mercredi, que la zone euro devrait sortir de récession en 2013 mais avec une croissance au point mort (+ 0,1 %). Elle devrait renouer avec la croissance l’année suivante (+ 1,4 %).

Avec cette croissance atone, la zone euro fera face en 2013 à un chômage s’approchant des 12 %, un niveau record, et une dette publique à 94,5 % du PIB. Il faut donc comprendre que la Commission Européenne tente de nous faire le coup de la croissance Z’Ayrault… Nous, on y a déjà eu droit chez nous, alors nous n’y croyons absolument pas.

Pour le patron de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, "les chiffres du chômage sont tragiquement élevés. La situation économique d’ensemble est faible et cela ne devrait pas changer dans un délai proche". Ça, s’il m’avait posé la question, j’aurais pu lui répondre très rapidement et facilement. D’ailleurs, vous pourrez lire plus bas que, désormais, les barquettes de viandes sont équipées d’antivol…



Pour notre Olli Rehn internationnal, "l’Europe traverse une période difficile de rééquilibrage macroéconomique qui va encore durer un certain temps. (…) Les tensions sur les marchés se sont apaisées, mais il est trop tôt pour s’en réjouir". Il faut comprendre que cela va durer et s’empirer et que personne ne sait combien de temps cela va durer. Sans compter que celui qui croit que sur les marchés ça va mieux risque de déchanter rapidement. Pour lui, il est donc indispensable de "continuer à combiner des politiques budgétaires saines et des réformes structurelles afin de créer les conditions qui permettront une croissance durable, capable de réduire le chômage par rapport aux niveaux élevés actuels, qui sont inacceptables".

Il faut comprendre qu’il va tous falloir que nous fassions de gros efforts de compétitivité, que l’on baisse nos salaires et que l’on paie beaucoup, beaucoup plus d’impôts et rien ne dit qu’en plus cela marchera… Concernant l’Allemagne, même si le pays se porte mieux que la plupart de ses voisins, son économie devrait être encore ralentie par la crise en 2013 (+ 0,8 %), ont toutefois prévenu mercredi les cinq "sages" qui conseillent le gouvernement allemand.

Il faut comprendre qu’en Allemagne cela commence à aller mal aussi… Enfin, devant le Parlement européen, la chancelière Angela Merkel a plaidé pour un renforcement "courageux et ambitieux" de l’Union économique et monétaire, quitte à changer les traités. Elle a insisté sur la nécessité de "corriger les erreurs de conception" de la zone euro, tout en soulignant qu’on pourrait "aller plus loin en donnant à l’UE un droit de regard sur les budgets nationaux". Il faut donc comprendre que les finances de tous les pays devraient être confiées à nos "amis" allemands, il suffit de changer les traités… La difficulté n’étant pas de les changer mais de se mettre d’accord sur les modifications…

Alors je trouve cette avalanche de mauvaises nouvelles étrange, alors que vous savez, tout allait bien et la crise est derrière nous. Parfois, je me demande si nous n’attendions pas le 7 novembre pour ne pas interférer dans l’élection américaine… meuh non, impossible, tu vois le mal partout dirait ma femme… Nous devrions donc connaître assez rapidement plusieurs séquences de psychodrames de part et d’autre de l’Atlantique.

La fin d’année 2012 et l’année 2013 s’annoncent difficiles. D’un autre côté, c’est normal, c’est bientôt le 21 décembre 2012 et les Mayas avaient tout prévu il y a déjà 2 000 ans ! Alors ce soir je suis content, je me dis qu’il va se passer plein de choses, et que je vais avoir plein de machins à critiquer, de bidules à juger, bref, on va bien s’amuser… Enfin, s’amuser, intellectuellement, parce que dans la vraie vie, hélas, cela risque d’être nettement moins drôle pour beaucoup d’entre nous.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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