L’Etat est-il un actionnaire fiable ?

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Par Ludovic Grangeon Modifié le 20 novembre 2018 à 10h52
Carlos Ghosn Nissan Renault 1
40 MILLIONS €Les dissimulations de Carlos Ghosn au FISC dépassent les 40 millions d?euros.

Carlos Ghosn a été arrêté au Japon. Il est accusé de dissimulation de revenus. Mais ce n'est pas la seule affaire...

Renault, la bombe Carlos Ghosn

La bombe Carlos Ghosn vient d’exploser avec la dissimulation de revenus personnels et d’utilisation de biens sociaux du groupe Nissan-Renault. Ces dissimulations dépassent les 40 millions d’euros pour le moment. Pourtant depuis juin 2017, de nombreuses voix s’étaient étonnées de la mollesse de l’Etat dans les résolutions de Renault sur la rémunération de son président. Même si l’assemblée générale avait statué légalement sur ce principe à la très faible majorité de 53 %, on avait vu l’Etat user ailleurs de moyens de pression indirecte bien plus persuasifs sur d’autres dossiers comme par exemple Valeo, Dexia, Carrefour, Alcatel, et même le concurrent de Renault : PSA avec l'affaire Varin. Ces pressions ont souvent abouti dans des sociétés dont l’Etat n’était même pas actionnaire. Ceci rend encore plus étrange cette mollesse, surtout lorsqu’on connait les moyens d’investigation qui sont à sa disposition.

Les personnels de Renault ayant fait l’objet d’opérations sociales peuvent légitimement se demander s’ils ont bien été défendus par un actionnaire comme l’Etat dont la présence devait rassurer et défendre l’intérêt collectif.

EDF, des filiales aux opérations exotiques

Malheureusement ce dossier n’est pas le seul. A l’heure de la transition énergétique, les filiales d’énergies renouvelables d’EDF ont fait l’objet d’opérations pour le moins exotiques, malgré la lourde présence de l’Etat au conseil d’administration de l’électricien. Ces opérations ne sont toujours pas clarifiées. L'équipe de dirigeants de ces filiales a empoché des transactions personnelles considérables via plusieurs sociétés de droit luxembourgeois sans que l’Etat n’y trouve à redire. Plus étrange encore, cette délocalisation fiscale s’est faite sur une activité financée à 100 % par une taxe publique obligatoire, la CSPE. Alors que l’affaire Carlos Ghosn se chiffre en dizaines de millions d’euros, les transactions ayant concerné les filiales d’énergies renouvelables d’EDF atteignent des montants apparents de cinq à huit fois plus importants et même au delà des 525 millions annoncés, chiffre déjà énorme. Elles ont régulièrement fait l’objet de communiqués publics d’EDF EN, notamment sur la SIIF, société de droit luxembourgeois, et même d'un pacte d'actionnaire déclaré à l'AMF. D'autres sociétés bénéficiant du régime spécial d'achat des énergies renouvelables ont utilisé des moyens similaires.

Alors que l’Etat se faisait le champion du rapatriement en France des évasions fiscales logées dans des paradis fiscaux à travers sa célèbre cellule de dégrisement de l’administration des impôts, il laissait partir à l'étranger un montant considérable issu d’une société dont il était administrateur. Il n’a jamais réclamé par la suite le rapatriement de ces revenus. Ces opérations ont elles bien été maitrisées au niveau légal et fiscal ? Et d'autre part, en est-il de même au niveau de l’éthique ? Apprécieront particulièrement les 15 millions de Français en état de précarité énergétique, dont beaucoup de foyers non imposables, qui ont pourtant alimenté ce système, malgré des fins de mois difficiles.

Bientôt des gilets jaunes pour l'électricité ?

Parallèlement, l'Etat ponctionnait à son seul profit sur la trésorerie d'EDF le financement du trou des énergies renouvelables pour près de 5 milliards, se permettant ainsi d'en dissimuler temporairement la véritable ampleur à l'opinion publique. Ce tour de passe-passe a minoré artificiellement le montant de la CSPE qui dépasse désormais le quart des factures d'électricité, dans un phénomène qui rejoint les protestations des gilets jaunes sur les carburants. Ce type d'opération est pourtant sévèrement réprimé en matière de gestion des sociétés anonymes sous le terme des conventions réglementées soumises aux commissaires aux comptes, telles que les cite l'article 225 du Code de Commerce. Ces règles s'appliquent même à l'étranger. l'Etat actionnaire semble s'être assis sur des règles que l'Etat fait respecter aux autres.

Ecomouv, une facture de 11 milliards d'euros

Autre partenariat public-privé : l'abandon des portiques écotaxe devait "ne coûter" qu'un milliard et demi à l'Etat mais la Cour des Comptes a révélé que l'addition finale de ce désastre "Royal" serait bien plus salée à 11 milliards d'euros, sans récupération possible, comme par exemple le repérage des véhicules volés qui aurait pu être envisagé, ou encore la lutte contre les go-fast, les véhicules non assurés, etc ...

Le minimum est de s’interroger sur les performances de ce contrôle, ou sur les motifs plus obscurs qui ont laissé se faire ces opérations, qui ont poursuivi leur cours malgré l’alternance politique.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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