Les États peuvent faire faillite. France et Italie citées dans la dernière analyse de Natixis

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Par Charles Sannat Modifié le 29 novembre 2018 à 10h02
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@shutter - © Economie Matin
3%Chaque année, la France accuse un déficit de l'ordre de 3 %.

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Alors que les tensions montent terriblement dans le pays, il faut prendre le temps d’expliquer les complexités.

Il ne faut pas uniquement informer, il faut aussi former.

Je reste persuadé que l’on peut expliquer simplement des choses mêmes difficiles sans être simpliste pour alimenter des débats constructifs, et c’est le sens et l’objectif de mes derniers articles.

Par exemple, hier, j’essayais de montrer et de démontrer que nos situations économique et sociopolitique nécessitaient une approche nettement plus large que de juste se focaliser sur cette histoire de transition énergétique, qui n’est qu’une facette d’un problème nettement plus complexe.

Depuis que les États sont devenus des États, ils ont dû gérer leur puissance et leur souveraineté par laquelle passe la matérialisation du pouvoir. Battre monnaie, décider de la paix ou de la guerre, ou encore faire les lois et les appliquer tels sont les attributs admis d’une nation souveraine.

On peut souhaiter revenir à une souveraineté nationale en sortant de l’Union européenne, ou vouloir au contraire faire émerger une souveraineté européenne puisque c’est déjà l’Europe qui décide pour l’essentiel des lois, et qui frappe monnaie avec la Banque centrale européenne.

Mais il manque beaucoup trop d’outils techniques, et on parle ici d’intendance, pour que l’Union européenne actuelle soit fonctionnelle. On peut le déplorer, ou s’en satisfaire. Peu importe. Mon propos ici est de dire que techniquement, cela n’est pas opérationnel pour le moment, ou de manière bien imparfaite.

Nous pouvons donc résumer une partie de nos difficultés parce que nous manquons d’Europe, ou que nous avons trop d’Europe.

Mais ce n’est qu’une partie encore de nos difficultés.

L’on peut accuser l’Europe de nombreux maux, mais l’Europe n’a jamais forcé la France à se surendetter massivement au cours des 40 dernières années, puisque cela fait maintenant plus de 4 décennies qu’aucun de nos dirigeants, de gauche comme de droite, Européen convaincu ou Européen moyen, n’a réussi à équilibrer les comptes de la nation.

Aujourd’hui, le résultat est dramatique.

Nous avons 100 % de dette sur PIB, un déficit de l’ordre de 3 % chaque année, avec un taux de croissance de notre PIB très inférieur et allant de 0 à 2 % les très bonnes années.

Si la BCE ne « monétise » pas véritablement et officiellement les dettes des États de la zone euro, il est objectivement juste de dire que l’euro et la taille de la zone euro permettent de maintenir des taux à zéro ou négatifs, ce qui serait impossible pour un seul des pays européens pris séparément, y compris la France.

Les taux négatifs de la BCE permettent donc le maintien de la solvabilité des pays endettés de la zone euro, Italie et France arrivant en tête (en dehors du cas grec).

La BCE, il faut le dire, donne un « parapluie » de taux bas, qui a pour conséquence un coût de la dette très faible. Si demain le coût de la dette est de 5 ou 6 %, nous devrons trouver, pour chaque pour cent supplémentaire de coût de la dette, 20 milliards d’euros (si ce 1 % s’applique sur tout notre stock de dettes, soit environ 2 000 milliards). Si le coût de la dette est de 3 points de plus, en totalité il faudrait trouver 60 milliards.

Ce coût de la dette très faible entraîne aussi un problème : c’est qu’il pousse à s’endetter encore plus et n’incite pas à la modération. L’argent n’est pas cher ! C’est le moment d’emprunter. Tout le monde a déjà entendu cette phrase.

NATIXIS groupe BPCE indique implicitement que la France peut faire faillite !

Ce n’est pas faire de la politique que de dire cela, mais bien de l’économie. Évidemment, l’économie c’est qu’un des moyens et des outils de la politique. Disons simplement que quand l’économie va très mal, les politiques, quels qu’ils soient, sont totalement coincés et encore une fois, les marges de manœuvre sont réduites.

Elles sont réduites et nous l’avons vu hier par un cadre mondialisé et européanisé très complexe, et par de multiples crises qui rentrent en résonances les unes avec les autres. Lisez les articles de la fin d’un monde de LCI où Cochet et Jancovici débattent. Les limites et les problèmes environnementaux y sont très bien expliqués.

Mais elles sont réduites aussi et c’est le sujet sur lequel je voulais m’arrêter longuement par notre endettement.

Voici donc ce que dit Natixis en introduction de son dernier papier d’analyse.

La dette publique est-elle un actif sans risque ?

« Dans la théorie la plus simple, la dette publique est un actif sans risque parce que :

– Un État peut toujours augmenter la pression fiscale ou réduire les dépenses publiques pour redevenir solvable ;

– Un État peut toujours monétiser sa dette publique (utiliser le seigneuriage).

La dette publique n’est plus un actif sans risque et il peut y avoir défaut sur cette dette dans les pays où ces deux propositions sont fausses toutes les deux :

– Parce que la pression fiscale est déjà si élevée qu’il est impossible de l’accroître encore ;

– Parce que le goût de la population pour les dépenses publiques est si fort que les gouvernements renoncent à les réduire ;

– Parce que le pays n’a pas de banque centrale propre ou que les règles lui interdisent de monétiser la dette publique.

Cette situation où un défaut sur la dette publique est en théorie possible apparaît peut-être dans certains pays de la zone euro comme la France et l’Italie. »

Nous sommes vulnérables. Quand on est vulnérable, on ne peut pas faire n’importe quoi !!

Nous vivons une crise politique majeure, pour ne pas dire une révolution, et le mouvement des gilets jaunes en porte quelques critères. Pour les observateurs que nous sommes, il est impossible de rester sourds à la colère et aux difficultés du quotidien du plus grand nombre, et évidemment, l’action publique doit être orientée vers les plus fragiles d’entre nous.

Cela est une évidence. De même qu’il est une évidence que le dialogue entre les mamamouchis et le petit peuple de sans-dents doit être modernisé afin de s’adapter aux besoins d’expression actuels.
Il ne faut pas moquer la colère populaire parce que parfois elle manque de mots. Il faut au contraire l’aider à s’exprimer, car tant que l’on peut poser les mots sur les maux, alors la violence peut être endiguée.

La violence arrive souvent quand les gens n’ont plus les mots nécessaires.

Il faut logiquement expliquer la complexité de la situation.

Le mouvement des gilets jaunes rend la France économiquement plus vulnérable, et dire cela ne constitue pas une critique du mouvement ni un jugement.

Factuellement, ce mouvement signifie que les contribuables ne veulent plus payer. Cela vous renvoie donc directement au premier point de l’analyse de Natixis. « Parce que la pression fiscale est déjà si forte qu’il n’est plus possible de l’accroître. »

La solvabilité de notre pays et la confiance des créanciers sont assises essentiellement sur la capacité du gouvernement à lever l’impôt nécessaire pour assurer le remboursement de la dette. Si les marchés pensent que l’État ne pourra plus lever l’impôt alors… nous aurons un gros problème et nous ne trouverons plus d’investisseurs pour nous prêter de l’argent pour nos fins de mois.

Certes, la France des gilets jaunes ne veut plus payer, mais il y a toute une autre France, celle qui reçoit aides et subventions, qui n’a pas l’intention de renoncer à ses revenus de subsistance. Sans opposer, nous sommes tous un peu des deux. Comme je le dis régulièrement, quand on paye les taxes, elles sont trop chères, quand on sauve votre gamin à 4 heures du matin gratuitement à l’hôpital, on est tous pour la solidarité.

Les choses ne sont pas manichéennes.

Sauf que notre incapacité à réduire la dépense publique, et nous en sommes tous des bénéficiaires à un moment ou à un autre, nous renvoie au second point de l’analyse de Natixis : « Parce que le goût de la population pour les dépenses publiques est si fort que les gouvernements renoncent à les réduire. »

Alors autrefois, nous aurions fait fonctionner la planche à billets, et nous aurions terminé par une énorme dévaluation qui aurait ruiné tous les épargnants. Aujourd’hui, nous ne le pouvons pas, car nous n’avons plus notre monnaie, mais que nous dépendons de la BCE qui gère la politique monétaire pour l’ensemble de la zone euro.

Natixis conclut de façon pudique et prudente de la manière suivante : « Cette situation où un défaut sur la dette publique est en théorie possible apparaît peut-être dans certains pays de la zone euro comme la France et l’Italie. »

La France est l’Italie sont donc les deux pays en situation de faiblesse.

Nos compatriotes ont la furieuse impression d’être pris pour des imbéciles. Peut-être est-il temps de les estimer et de leur expliquer les complexités auxquelles nous sommes collectivement confrontés et auxquelles nous devons trouver des réponses collectives.

Cela veut dire très concrètement qu’il faut que nous choisissions ce que nous voulons faire croître comme dépenses et ce que nous souhaitons faire décroître.

Il apparaîtra alors à tous l’ampleur de la tâche, car quoi que nous fassions, en restant dans l’euro ou en sortant, il n’y a aucune bonne solution dans le sens où il n’y aucune solution indolore.

Il faut faire apparaître l’ampleur de la tâche et responsabiliser chacun.

Cela fait des années que nous avons posé ce constat en résumant les choses en disant que les conséquences de la faillite ou les conséquences de la politique à mener pour éviter la faillite sont sensiblement les mêmes.

Il y a une différence tout de même de taille. En cas de faillite, c’est comme en Argentine ou au Venezuela. Tout s’arrête brutalement et le chaos peut vite survenir. Personne n’y a intérêt. Pourquoi ? Parce que plus personne ne prêtant à votre pays, et les revenus n’étant pas suffisants pour payer toutes les dépenses, il faudrait dans l’instant trouver environ 100 milliards d’euros d’économies… dans la seconde pour assurer la continuité de fonctionnement de notre pays. Ce serait une réduction très violente. Presque ingérable. Impossible en réalité sans dégâts sociaux considérables.

En évitant la faillite, l’idée c’est d’augmenter les taxes et de réduire les dépenses… Évidemment, c’est douloureux. Évidemment, cela fait des dégâts sociaux, mais moins que dans la première hypothèse de la faillite brutale. En plus, cela peut être fait par « itération » comme en Grèce, où chaque année on baisse un peu plus les retraites et on augmente un peu plus l’essence. C’est très douloureux, mais… la Grèce ne s’est pas totalement effondrée dans le sens où elle n’est pas tombée dans un chaos de type argentin ou vénézuélien. Ce n’est pas une perspective enthousiasmante, mais c’est peut-être moins funeste qu’un effondrement total.

Nous n’avons jamais voulu payer le véritable prix de nos dépenses. Si la France n’avait pas eu recours à l’endettement et que nous avions toujours payé chaque année le véritable prix de nos dépenses, les gilets jaunes seraient sortis dans la rue depuis plusieurs décennies pour dire que cela suffisait.

L’heure du paiement de l’addition vient de sonner, et ce sera pour tous un moment pénible.

Paradoxalement, les Français comprendraient sans doute mieux les choses en expliquant simplement que l’enjeu est d’éviter la faillite, pas de faire de la fiscalité écologique, alibi de communication pour rendre l’impôt « populaire » et « acceptable ».

La question qui vient généralement en tête à ce niveau du raisonnement, c’est que se passerait-il si on ne payait pas la dette. « Yaka » pas rembourser. C’est tout à fait possible, je dirais même qu’il n’y a rien de plus facile techniquement. Nous verrons ça demain !

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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