Uberiser l’économie pour sortir de l’austérité

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Par Didier Kling Publié le 17 octobre 2015 à 5h00
France Economie Austerite Entreprises Uberisation
2/3Les deux-tiers des entreprises en France sont des TPE.

S’il est vrai que la France n’est pas la seule, parmi les nations européennes, à vouloir sortir de l’asphyxie qui paralyse notre économie depuis l’entrée en récession, conséquence de la crise débutée durant l’été 2007, il n’en reste pas moins que les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics montrent leurs limites quant ils ne démontrent pas leurs insuffisances.

Si toutes les faiblesses hexagonales ne peuvent être interprétées uniquement par les analyses de Moody’s, agence de notation qui a dégradé la note de la dette souveraine de notre pays, il convient de toutefois de comprendre les conséquences de l’abaissement d’un cran, à Aa2 contre Aa1 de la France.

Plus que jamais, les contraintes politiques et institutionnelles pèsent sur nos finances publiques, entrainant « un défaut de compétitivité du pays et une réelle difficulté à le réformer ». Les rigidités du moment, néanmoins accumulées depuis ces trois dernières décennies permettent à peine d’envisager une hypothèse de croissance après 2017 alors même que la France compte pourtant une économie diversifiée, une démographie favorable et à un accès aux financements à faibles coûts.

Les professionnels de la finance et de la gestion de patrimoine que nous représentons s’inquiètent légitimement, particulièrement pour les entreprises dont les volumes d'émission devraient s'inscrire à la baisse au regard des niveaux atteints l'an dernier. En effet, les sociétés qui ont refinancé par anticipation l'essentiel de leurs besoins de liquidité en 2015, adopteront pour l’année à venir, une stratégie d'investissement prudente au regard des perspectives de croissance nulles voire limitées.

Du côté des établissements bancaires, nous observons malgré les dispositifs mis en place par l’Union Européenne pour financer l’économie réelles et les PME et les ETI, un manque d’appétence de leur part. Quant à l’épargne, elle ne s’inscrit pas assez durablement pour amorcer la relance attendue. Plus globalement, la chaîne de financement subit la pesanteur législative et la frilosité des épargnants.

Quant à notre modèle social et à notre rapport au travail, il y a tout lieu de tirer les mêmes enseignements. Il est temps de libérer les énergies pour sortir de l’austérité, non plus par le recours à l’emprunt par nos institutions qui ont grevé les déficits publics mais bien par un recentrage des missions de l’Etat sur ses fonctions régaliennes. Ce serait déjà une forme de courage mais n’est-il pas trop tard, au regard de ce que nous observons et qui s’annonce comme le « tournant économique du siècle « : l’ubérisation ». Si ce néologisme formé à partir du nom d’Uber, la fameuse société de transport californienne n’a pas retenu les faveurs des Sages de la rue de Montpensier, il s’empare tout de même de toute la société française : transport, numérique, hôtellerie, conseil juridique…La liste est non exhaustive mais prouve à quel point la mutation des modèles commerciaux et de services est profonde. La planète finance n’échappera pas elle non plus à ce phénomène, car nos métiers ont été encadrés par une réglementation, source d’évolutions. Elle nous amène à penser qu’il faut nous tourner désormais vers la digitalisation du conseil.

En effet, avec le projet de directive européenne de l'union des marchés de capitaux, s’exprime la volonté de favoriser le financement de l'économie à partir de tous les dispositifs captant des flux, notamment ceux des épargnants, à partir d’une approche par le numérique. Naitraient alors des prestations de conseil et d'investissement sur les différentes classes d'actif, sans intermédiation avec des conditions de frais d'entrée et de gestion faibles, pour le plus grand nombre.

L’ubérisation de l’économie et de la finance est donc une solution d’avenir à moyen terme. Certes, elle nécessitera sans doute de se concentrer sur une clientèle plus haut de gamme, tout en disposant des outils et des moyens pour exercer son activité dans le cadre d'une prestation personnalisée. On pourrait objecter alors une concentration de acteurs financiers. Mais les récentes dispositions réglementaires MIF II, DIA, PRIP’S qui ont remis en cause nos modèles économiques l’envisageaient déjà.

La démarche des CGP est donc aujourd’hui menacée par deux tendances opposées :
- Le conseil de très haut niveau, qui impose des compétences accrues et conduit à un phénomène de concentration ;
- Le conseil vers une clientèle plus traditionnelle, qui sera de plus en plus sollicitée par des offres nouvelles nées de la numérisation de l’économie.

Ainsi, les récentes dispositions réglementaires, non seulement remettent en cause nos modèles économiques, mais encore incitent à l’émergence d’initiatives qui rechercheront des voies directes échappant à l’arsenal normatif.

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Diplômé de l'Institut d'études politique de Paris, titulaire d'une maîtrise de droit et du diplôme d'expert-comptable, Didier Kling est actuellement président du Cabinet Didier Kling & Associés, cabinet d'expertise comptable qu'il a créé en 1979. Il est également Commissaire aux comptes depuis 1978, expert auprès de la Cour d'appel de Paris depuis 1983, expert agréé par la Cour de cassation depuis 1999 et Président de la Chambre nationale des conseils et experts financiers (CNCEF) depuis 2004. Il est Président de la Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France depuis 2016.

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