2014 : un bilan économique gris foncé pour la France

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Par Jacques Bichot Publié le 18 mai 2015 à 5h00
France Bilan 2014 Economie Indicateurs
1,6 milliard €Le déficit de la France n'a régressé que de 1,6 milliard d'euros en 2014.

L’Insee a publié mercredi deux « comptes » importants de l’année 2014 : les comptes de la nation et ceux des administrations publiques.

Certes, ces comptes feront l’objet de révisions, les chiffres ne sont pas encore définitifs, mais ils fournissent suffisamment d’indications pour que l’on puisse se faire une idée de la performance 2014 de notre pays et de ses administrations.

Un déficit qui régresse peu

Cette performance n’est pas glorieuse ! Le déficit public ne régresse que de 1,6 milliards, à 84,8 milliards, et seulement pour une très mauvaise raison : le recul massif des investissements publics. Les collectivités territoriales ont diminué les leurs de 9,6 %, et ceux de l’État sont en recul de 5,9 %, alors qu’ils avaient déjà bien baissé en 2013 (de 3,1 %). Autant dire que c’est l’avenir que l’on sacrifie ; c’est dans le muscle que l’on taille, bien plus que dans le gras. L’armée est une fois de plus la grande victime : l’INSEE nous informe que la baisse des investissements de l’État s’est produite « essentiellement sous l’effet de moindres livraisons de matériels militaires ». Cela au moment où nos troupes sont sollicitées de toutes parts, en France et dans le vaste monde.

Pourquoi le déficit public a-t-il si peu reculé, ce qui nous a valu bien des « discussions » avec Bruxelles ? Là encore, l’INSEE nous fournit la réponse : la cause numéro 1 est le CICE, dont la montée en charge annule les effets positifs de l’augmentation des taux de TVA et de certaines cotisations sociales. Et ce fameux CICE, a-t-il au moins rempli sa mission, à savoir regonfler le taux de marge des entreprises ? Que nenni ! L’excédent brut d’exploitation a encore baissé, certes moins qu’en 2013 (0,6 % au lieu de 1,1 %), mais enfin il ne s’est pas redressé, ce qui était le but intermédiaire de ce cadeau, le but final étant la reprise de l’investissement et de l’embauche.

Le CICE dans la poche des salariés

Ne voyons pas tout en noir : la formation brute de capital fixe des sociétés non financières a quand même progressé de 1,7 %. Mais soyons justes : la baisse des taux d’intérêt n’y est pas pour rien. L’argent du CICE, lui, semble avoir filé dans la poche … des salariés ! Pas tellement du fait des embauches, puisque les effectifs n’ont progressé que de 0,3 % (c’est quand même mieux que la diminution de 2013 !) ; surtout du fait de l’augmentation du salaire moyen (+ 1,2 %). Autrement dit les entreprises ont utilisé le CICE pour donner satisfaction à leurs employés déjà en place plutôt que pour créer de nouveaux postes. Ce qui est un grave échec pour la politique de l’emploi. J’avais, en son temps, exprimé mon peu de confiance dans le « pacte pour l’emploi » dont le CICE est la pièce maîtresse ; hélas, trois fois hélas, je n’ai pas été démenti par les faits !

La consommation des ménages en hausse

Qu’ont fait les ménages de ces revenus supplémentaires ? 1,1 % d’augmentation du revenu disponible brut, ce n’est pas le Pérou, mais dans la conjoncture présente (seulement 0,2 % d’augmentation du PIB), ce n’est pas mal. La réponse est simple : ils ont acheté encore un peu plus de produits importés. La baisse de nos importations de biens (0,8 %) provient en effet d’une très forte diminution du prix des hydrocarbures, qui laisse une marge confortable pour l’augmentation des achats de produits manufacturés. Autrement dit, les salaires et les prestations sociales (+ 2,3 %) que chefs d’entreprise et pouvoirs publics distribuent assez généreusement servent davantage à stimuler la production en Allemagne et en Chine qu’en France. C’est logique : les Français ont de l’argent mais ils ne produisent pas beaucoup, donc ils le dépensent en achats de biens et services produits hors de nos frontières. Des produits que nos concitoyens vont de plus en plus consommer sur place, puisque l’INSEE nous dit : « la consommation des touristes français à l’étranger augmente fortement » (hélas, cette indication qualitative n’est pas accompagnée de données quantitatives).

Des fondamentaux qui restent mauvais

Il est donc difficile de sauter de joie à la lecture des « INSEE Première » n° 1548 et 1549 qui viennent de sortir. Les fondamentaux de l’économie française restent mauvais. Par-delà les chiffres, nous voyons se dessiner une France dont les habitants, à la fois dorlotés et corsetés de tous côtés par les pouvoirs publics, et assommés de prélèvements obligatoires, perdent progressivement leur dynamisme. La France a un atout principal : les Français, traditionnellement râleurs et indisciplinés mais astucieux et rapides, poussés par une forte volonté de vivre. Ce sont ces qualités qui sont en train de s’user, laminées par la nullité de notre classe politique, et cette force vitale qui commence peut-être à s’effriter, comme le font craindre les mauvais chiffres de la natalité au premier trimestre 2015.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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