Le 27 novembre la Commission européenne a donc trouvé une majorité pour prolonger le glyphosate de 5 ans, provoquant aussitôt un joli cafouillage au gouvernement français.
Alors que le ministre de l’Agriculture se félicitait de cet accord, celui de l’Écologie regrettait de ne pas avoir obtenu une limitation à trois ans. Et c’est finalement un tweet du président de la République qui trancha : quoiqu’en dise Bruxelles pour Paris ce sera « trois ans si des alternatives sont trouvées d’ici là ».
Voilà une posture bien surprenante pour un président Macron qui a fait de l’Europe son pôle magnétique et de la compétitivité de l’économie son credo, d’autant qu’elle fait débat tant sur le plan juridique qu’au sujet des dites alternatives.
Soulignons que la Commission européenne a quand même réussi un joli coup en démontrant que les institutions de l’Union sont robustes face à la polémique.
La chasse aux pesticides
Mais au fond quel est le véritable objectif du Président en matière de pesticides ? Le candidat voulait placer la France à l’avant-garde du « renoncement aux pesticides » repris sous une forme plus radicale par un Nicolas Hulot qui veut les « éradiquer ». Rue de Varenne l’expression est variable selon les jours mais on est plutôt à la recherche d’alternatives alors qu’au Quai d’Orsay on prône la « sobriété »… pour l’Europe.
En clair, est-ce la poursuite des plans Ecophyto pour réduire la « dépendance des productions agricoles aux pesticides » ou leur fin pure et simple pour passer à un régime de prohibition ?
La recette du chef
Cette incertitude entretenue sur le cap du gouvernement en dit peut-être plus sur le style Macron que l’intéressé ne le souhaiterait.
Sur la méthode de gouvernement : cela revient à appliquer le management par le stress bien connu dans le monde de l’entreprise où LREM recrute l’essentiel de ses troupes. Avantage : il pousse les acteurs du jeu (agriculteurs, agro fournisseurs, scientifiques, gouvernants) dans leurs retranchements et permet au Président de rebattre les cartes.
Inconvénient : quand le désordre dure trop la parole publique finit par se démonétiser et cela a déjà commencé chez les paysans.
Prudence est mère de sûreté
Autre piste : Emmanuel Macron flaire un danger. Nombreux sont les conseillers en image qui alertent sur les risques pour la suite d’une carrière publique si celle-ci était marquée par un scandale sanitaire. On se souvient du sang contaminé. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si la préoccupation de santé humaine est l’élément moteur de la mission d’information sur les phytosanitaires de l’Assemblée nationale.
Le terrain est donc glissant pour quelqu’un qui pense déjà à sa réélection.
Enfin cette affaire permet de dévoiler un peu le style politique du chef d’État.
Jusqu’à l’ère Chirac, l’agriculture relevait du supplément économie des journaux nationaux. Avec Sarkozy et Hollande c’est l’agro-écologie qui est portée sur les fonts baptismaux et vient enrichir la rubrique « débats ». Macron nous fait passer sans transition aux gros titres de la une. Autrement dit la concordance entre les arbitrages politiques et les attentes de la société sera sa boussole. Une forme de realpolitik où, pour espérer le soutien de l’Élysée, il vaudra mieux ne pas se retrouver au cœur d’un cyclone médiatique comme celui du glyphosate.