Dubaï : l’échec de la gouvernance d’Internet #Bestof

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 25 décembre 2012 à 17h24

A Dubaï, la Conférence mondiale des télécommunications internationales, qui s’est tenue du 4 au 14 décembre, sous l’égide de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), organisme spécialisé de l’ONU, n’a débouché sur aucune modification significative de la gouvernance du Net. Cet échec, que les défenseurs de la neutralité du Net espéraient, témoigne de la difficulté pour les Etats de reprendre en main un mode de communication mondialisé, mais dominé par les Etats-Unis, où l’initiative privée demeure le modèle de référence.

Pour mémoire, la conférence devait examiner le traité de Melbourne de 1988 qui fixe les grands principes applicables à Internet. Ceux-ci sont largement dictés par une conception libérale, avec une présence minimale des Etats et une libre initiative des individus.

Dans l’esprit de plusieurs gouvernants, notamment dans les pays émergents, cette conférence aurait pu jeter les bases, même discrètes, d’une reprise en main de cet espace par l’imposition de règles de convergences ou de connectivité enfreignant la neutralité du trafic. En particulier, l’idée de prioriser certains trafics d’information par rapport à d’autres était apparue dans différentes propositions.

Celles-ci s’étaient heurtées à l’opposition des Etats-Unis et de l’Union Européenne, qui sont extrêmement méfiants vis-à-vis d’une telle modification des règles du jeu. Cette méfiance s’explique particulièrement aux Etats-Unis, où quelques tycoons jouent un rôle essentiel dans l’animation du réseau.

Dans la pratique, la conférence de Dubaï n’aura pas modifié la donne. Le communiqué de presse final souligne d’ailleurs la difficulté des discussions et le coup de théâtre par lequel, le 13 décembre, « le Président M. Mohamed Nasser Al-Ghanim (Emirats arabes unis) est parvenu à faire sortir la Conférence de ce qui semblait alors être une impasse, après que les discussions qui s'étaient poursuivies tard dans la nuit le mercredi 12 n'avaient pas permis d'avancer sur les tous derniers points d'achoppement. Revenant en séance jeudi soir après une reprise tendue des négociations plus tôt dans la journée, M. Al-Ghanim a présenté un nouveau document regroupant tous les textes de compromis acceptés, qui avaient été négociés de haute lutte, section par section, au cours des deux semaines précédentes par la Commission 5, les groupes ad hoc et les groupes informels. »

Ce texte en dit long sur les antagonismes diplomatiques qu’Internet suscite aujourd’hui, entre pays émergents et anciens pays industrialisés. Dans la pratique, les seules initiatives validées par les 2.000 délégués issus des 193 Etats-Membres ont porté sur des points mineurs.

Une résolution a porté sur les petits Etats sans littoral et les petits Etats insulaires, une autre sur le numéro d’urgence harmonisé à l’échelle mondiale. Pour le reste, une résolution d’attente a permis à tout le monde de sortir la tête haute de ce sommet, en appelant à « promouvoir un environnement propice à la croissance accrue de l’Internet ». Cette résolution invite les Etats membres à «exposer dans le détail leur position respective sur les questions internationales techniques, de développement et de politiques publiques relatives à l’Internet qui relèvent du mandat de l’UIT. » Cette formule minimaliste montre donc que les pourparlers patinent, mais ne sont pas clos.

Une autre résolution prévoit un réexamen tous les huit ans du traité, notamment pour tenir compte de l’essor d’Internet. Le sommet se termine donc par une mise en échec des stratégies destinées à reprendre le contrôle du réseau. Néanmoins, il est très probable que, dans la durée, les revendications des pays émergents soient de plus en plus fortes et contribuent à modifier les règles du jeu international.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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