Le défaut de paiement de la Grèce

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Par Nicolas Tarnaud Publié le 3 juillet 2015 à 13h12
Grece Grexit Athenes Europe
3,5 MILLIARDS ?Le 20 juillet 2015 la Grèce devra rembourser 3,5 milliards d'euros à la BCE.

Une crise politique

La Grèce est en défaut de paiement depuis le mardi 30 juin. De nombreux acteurs économiques internationaux avaient anticipé cette situation ces derniers jours. Nous sommes passés d’une guerre économique à une guerre politique. Depuis plusieurs mois, la Grèce fait cavalier seul contre la Troika.

L’affrontement politique a été intense entre les deux camps. En effet, chacune des parties a tenté d’obtenir le premier rôle comme c’est souvent le cas dans les grandes négociations internationales. Les propositions et contre-propositions ont été quotidiennes depuis janvier entre la Grèce et ses créanciers [FMI, BCE, l’Union Européenne]. Les pays européens et étrangers ont également essayé d’influencer la Grèce afin qu’elle modifie sa politique économique. En réalité, l’Union Européenne a manifestement sous-évalué l’importance des faiblesses institutionnelles de la Grèce. C’est un pays qui ne s’est jamais réellement modernisé depuis son entrée dans l’Europe en 2001. Tsipras s’est fait élire le 25 janvier 2015 sur un programme anti-austérité mis en place en Grèce depuis 2009. Le choc a été violent pour la population. Nous en voyons aujourd’hui certaines limites. La baisse des salaires n’a pas eu d’incidence sur les prix. Les Grecs ont perdu 25% de pouvoir d’achat depuis 2009. Le gouvernement grec a souhaité montrer au monde entier tout au long de cette période qu’il était le garant de sa population et qu’il allait tenir ses engagements électoraux. L’opposition au pouvoir actuel est d’autant plus affaiblie aujourd’hui par une opinion publique qui le rend responsable d’une crise antérieure à l’arrivée de Tsipras. Alors que le Grexit [sortie de la Grèce de la zone euro] était inimaginable il y a quelques mois, il devient plausible dans la configuration actuelle. La Grèce traverse une crise économique et politique depuis 2009 qui se commuent en crise politique européenne.

Une crise des banques

Le défaut de paiement à l’égard du FMI a entraîné la cloture des lignes de crédit du FMI. Contrairement à ce qui avait été avancé par certains acteurs économiques, ce premier défaut de paiement n’a pas eu de conséquence majeure sur les places financières. Le non-remboursement au FMI n’a pas d’impact sur la dette privée. Athènes n’a pas pu recevoir la dernière tranche d’aide de 7,2 milliards d’euros qui était soumise à un accord sur des mesures d’économies. La Grèce a refusé de l’argent frais contre des économies à réaliser.

Les banques grecques fonctionnent grâce à une ligne de crédit de la BCE de 90 milliards d’euros. Dimanche 28 juin, la BCE a refusé d’augmenter ce plafond. Les banques grecques sont aujourd’hui fragilisées.

Le monde s’est financiarisé depuis une quinzaine d’années. Le montant des produits dérivés représente 10 fois le PIB mondial. Cette crise devient internationale. Le risque d’une crise financière systémique augmente chaque jour. Dans ces conditions, les indices boursiers baissent et les taux des pays les plus endettés de la zone euro repartent à la hausse. Le marché obligataire devient plus que jamais volatile. Au niveau des monnaies, l’euro baisse au profit du dollar et du franc suisse, véritable devise refuge. Depuis l’annonce du référendum, les marchés financiers considèrent que la Grèce restera dans la zone euro. La prochaine mensualité à la BCE arrive bientôt à échéance. La Grèce doit rembourser le 20 juillet 3,5 milliards d’euros à la BCE. Sans aide d’urgence de l’Europe, la Grèce accusera un nouveau défaut de paiement.

La mise en place d’un contrôle des changes le lundi 29 juin devait permettre réguler les sorties de liquidités afin de protéger le système bancaire grec. Les retraits aux distributeurs sont fixés à 60 euros par jour pour les Grecs et sans limitation pour les touristes. Ils devraient être 25 millions [avec les croisiéristes] en 2015. Ces derniers contribuent à générer un emploi grec sur quatre.

La sortie de la zone euro

Les statuts européens n’ont jamais prévu la sortie d’un pays de la zone euro. Pour quitter l’union monétaire, un état doit en faire la demande. Une fois ce processus enclenché, la BCE n’apportera plus les liquidités nécessaires aux banques grecques. Ces dernières ne pourront plus se refinancer pour prêter. L’état grec sortait chaque mois environ 1,8 milliard d’euros pour honorer les salaires et les retraites de ses fonctionnaires.

Faute de liquidités, l’état Grec utilisera l’ancienne monnaie, la drachme fortement dévaluée, pour payer ses fonctionnaires et ses retraités.

Au delà d’une crise économique, nous sommes également en situation de crise politique qui est autant grecque qu’européenne. La sortie potentielle des Grecs de la zone euro ne peut se faire si rapidement.

Il existe deux configurations possibles à cette sortie. Soit les marchés financiers considèrent que le mauvais élève ne pouvait pas rester dans la classe. Dans ces conditions, la sortie reste la meilleure alternative. Premièrement, les marchés financiers craignent un effet domino auprès d’autres pays ayant un ratio dette publique PIB trop élevé comme le Portugal, l’Espagne ou l’Italie. C’est sur le marché des dettes souveraines que le risque de contagion de la crise grecque à d’autres pays de la zone euro est important.

Dans ces conditions, ils s’allègeraient en euro pour se renforcer en dollar, en franc suisse et en livre sterling. Ils s’interrogeraient également sur l’avenir à moyen terme de l’euro. Quid du financement, de l’épargne et des réserves en euro ? D’autres pays utilisent une autre devise que leur monnaie souveraine. Le dollar américain n’est pas seulement utilisé aux États-Unis. L’Equateur, le Zimbabwe, le Timor Oriental, le Salvador, le Panama, entre autres, l’utilisent officiellement. Ces pays ne peuvent pas imprimer le dollar. Ils sont donc dépendants de l’économie américaine. Le Monténégro et le Kosovo qui ne sont ni dans la zone euro ni dans l’Union Européenne l’utilisent également. La Grèce pourrait éventuellement sortir de la zone euro sans sortir de l’Union Européenne. Le maintien de ce pays dans la zone euro est aussi une question de géopolitique.

L’avenir économique de la Grèce

La politique d’austérité mise en place en Grèce depuis 5 ans est un échec. Peut-on exiger d’un pays en récession d’obtenir un excédent primaire [solde budgétaire avant le remboursement des intérêts de la dette] de 1% ? Peut-on exiger d’un pays dans une telle situation économique des hausses de TVA et de cotisations en échange d’argent frais ? Le modèle de la Grèce est-il compatible avec la zone monétaire européenne ?

Pour rembourser ses créanciers un pays doit avoir de la croissance. Sans croissance, il n’y a pas de création de richesse et d’emplois. Ainsi, le taux de pauvreté augmente. La Grèce bénéficie d’un potentiel économique sous-exploité. Le problème de fond de la Grèce est son manque de compétitivité économique. L’industrie est encore assez peu présente par rapport à la moyenne européenne puisqu’elle représente seulement 22% de son produit national brut. L’économie du tourisme est la première source de revenus pour la Grèce et représente 15% de son PNB. La Grèce a accueilli 18 millions de touristes étrangers en 2014 contre 10 millions en 2010. Elle a profité du désintérêt pour les pays d’Afrique de nord depuis la révolution du printemps Arabe. L’arrivée du gouvernement de Tsipras en janvier dernier en pleine crise n’a pas diminué le nombre de touristes étrangers. Au contraire, ils continuent d’affluer régulièrement. Si la Grèce revient à la drachme, le pays sera encore plus attractif pour les vacanciers. Aujourd’hui, malgré une maturité de sa dette moyenne de 16 ans contre 7 ans pour la France, la Grèce n’a pas les ressources suffisantes pour faire face à ses engagements financiers. La question de la restructuration de la dette doit être posée rapidement par les créanciers d’Athènes

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.

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