Les risques commerciaux compliquent la situation sur le marché obligataire

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Par Fred Belak Publié le 24 juillet 2018 à 5h02
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1,25%Les rendements réels des obligations de l'État allemand sont désormais négatifs, à -1,25%.

La menace de guerre commerciale et les risques politiques en Italie justifient de rester prudent sur les obligations. Nous prévoyons une consolidation des marchés obligataires avant les élections américaines de novembre. Nous sous-pondérons les marchés du crédit et restons prudents tant que les spreads ne s’écartent pas davantage.

Aux États-Unis, le programme de baisse d’impôts et les pressions visant à réduire le fardeau réglementaire dopent l’économie américaine. Dans un contexte de croissance proche de 4% au deuxième trimestre, d’économie de plein emploi ou quasi plein emploi et de baisse des taux d’épargne personnelle, le cycle peut être étendu et bénéficier d’une remontée des investissements du coté des entreprises.

Dans le cadre de la réforme fiscale, les entreprises ont également reçu un traitement favorable sur leurs liquidités offshore, majoritairement libellées en dollar US. Cela a contribué au resserrement de la liquidité mondiale en dollars américains, parallèlement au rapatriement de capitaux aux États-Unis. La Fed ayant déjà bien avancé dans son cycle de resserrement, nous sommes à présent dans une situation inhabituelle dans laquelle la devise de réserve mondiale est chère et moins disponible que les années précédentes. Selon nous, cette situation perdurera tant que l’économie américaine ne ralentira pas, ce qui ne devrait pas se produire à court terme, sauf en cas de choc commercial important.

Nous observons une revalorisation à la hausse du billet vert, et sur une base glissante, certains marchés d’actifs sont revalorisés à la baisse. Dans un cycle normal, où la devise de réserve mondiale non risquée offrirait des rendements plus attractifs, nous anticiperions une revalorisation des actifs plus risqués à mesure que les investisseurs rééquilibreraient leurs portefeuilles pour conserver les obligations refuges. Cependant, nous ne sommes pas dans un cycle normal, puisque ces dernières années les banques centrales ont ramené l’offre de dette souveraine à un niveau de rendement tellement bas que les investisseurs ont été forcés de s’aventurer en dehors des courbes de risque pour générer des rendements.

Les portefeuilles obligataires sont donc plus risqués à l’échelle mondiale, mais les investisseurs hésitent à les rééquilibrer en faveur d’actifs non risqués compte tenu du niveau toujours faible des « terms premiums » et des rendements absolus pour la plupart des obligations refuges en dehors des États-Unis.

La dette émergente en dollars américains commence à être attractive

Aux États-Unis, où la Fed a mis fin à son programme d’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing) en 2014 pour passer au resserrement quantitatif (Quantitative Tightening), le rééquilibrage des portefeuilles en faveur d’obligations non risquées plus sûres se poursuit. Sur certains marchés, tels que celui de la dette émergente en dollars américains, les spreads se sont suffisamment écartés pour commencer à devenir attractifs. Alors que les craintes d’une guerre commerciale affectent les crédits américains investment grade, les prévisions d’une solide croissance domestique ont encouragé les investisseurs américains à rester surpondérés sur le high yield américain.

La vigueur du dollar a également contraint les pays émergents vulnérables à relever leurs taux, leurs devises s’étant considérablement dépréciées. Nous pensons que le marché des obligations émergentes libellées en devise locale devient également plus intéressant. Pour devenir bullish à l’égard des obligations émergentes, nous devons espérer soit la fin des relèvements des taux américains, soit, plus probablement, une nouvelle accélération de la croissance en dehors des États-Unis.

À l’extérieur des États-Unis, on observe les premiers effets de ralentissement sur l’économie suite à sa nouvelle politique visant à contrôler son système financier et à réduire la croissance du crédit. Cela a également commencé à affecter la croissance asiatique et l’Europe par le biais des liens commerciaux.

La guerre commerciale pourrait s’aggraver

Nous sommes plus préoccupés que de nombreux autres analystes par les risques d’une guerre commerciale. La popularité de Trump chez les Républicains est aujourd’hui proche de 90%. Sa politique protectionniste est clairement bien vue par la majorité d’entre eux, ce qui motive le président américain à poursuivre sur ce thème jusqu’aux élections de novembre. Résultat : nous sommes passés à Neutre sur les bons du Trésor. En cas de repli massif des actions, nous n’hésiterions pas à prendre une position sous-pondérée si les rendements passaient largement sous la barre des 2,7%, car nous continuons de penser que les mesures de relance de la croissance restent importantes aux États-Unis.

Les élections italiennes et la réponse au nouveau gouvernement de coalition ont ravivé d’anciennes craintes que la zone euro demeure une union monétaire ingérable. Avec des primes de risque qui ont considérablement augmenté sur la dette italienne en mai, et une certaine contagion à d’autres pays périphériques, la BCE a une fois de plus adopté un ton accommodant et encore reporté l’éventualité d’une hausse des taux à 2019. Nous ne pensons pas que Draghi relèvera les taux avant la fin de ce trimestre.

La pénurie d’obligations d’État allemandes pourrait faire baisser les rendements

Le flottant des obligations allemandes privées a diminué à presque 10%. Cela a créé une prime de rareté pour les actifs AAA en Europe, les rendements réels du Bund atteignant à présent -1,25%. Alors que la BCE a indiqué qu’elle mettrait fin à son programme de QE d’ici à la fin de l’année, nous pensons que l’effet de cette politique sur les titres continuera de plafonner les rendements du Bund à moins de 80 pb. Si la nouvelle coalition en Italie devait menacer l’intégrité de l’euro, la pénurie des Bunds privés pourrait, selon nous, se traduire par des rendements nettement inférieurs, voire négatifs.

Compte tenu de l’extrême répression financière en Europe, de la réduction de la liquidité de marché et de l’accroissement des risques politiques en Italie, l’augmentation récente des spreads suscite des craintes chez les investisseurs obligataires sur les marchés du crédit. Selon nous, les spreads ne sont pas encore à des niveaux intéressants.

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Fred Belak est responsable de l’équipe Global Fixed Income Macro chez Robeco.

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