Introduction en Bourse d’Euronext, une aubaine pour l’économie française

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Par Laurent Meriaux Modifié le 5 juin 2014 à 14h57

Après une phase préparatoire plutôt longue, puisqu'entamée en décembre 2012, avec l'offre d'IntercontinentalExchange (ICE) sur NYSE Euronext, le document de base de la société Euronext ne devrait pas tarder à arriver sur le bureau des régulateurs. L'opérateur boursier tentera d'y défendre la vision qu'il se fait de son avenir, mais aussi de celui de la place boursière européenne, qu'il souhaite mieux équipée face à la concurrence féroce venue des Etats-Unis et d'Asie.

La bourse à la rescousse des entreprises de toute taille

L'histoire d'un opérateur boursier qui souhaite entrer en bourse n'intéresse a priori pas grand monde. Tout indique que l'on se trouve en face d'un scénario en vase clos, dont les tenants et les aboutissants ne concernent, somme toute, que les acteurs d'un microcosme déconnecté de la vie et, surtout, de l'économie réelles. Faux. Les préjugés ont la peau dure. Pour celui selon lequel la Bourse ne servirait qu'à enrichir banques ou autres investisseurs, sociétés de courtages et opérateurs boursiers, on peut carrément parler de cuir de rhinocéros. Quelques éclaircissements s'imposent.

La Bourse n'a historiquement qu'un seul but : financer l'économie. Les premières structures boursières dignes de ce nom apparaissent dans le sillage de la Renaissance, avec pour vocation de sponsoriser les grandes expéditions maritimes. A ce petit jeu, la Hollande, bout de terre humide privé d'à peu près tout si ce n'est d'ouverture sur la mer, va vite s'imposer. Très tôt, les commerçants hollandais se rassemblent pour apporter leur participation au commerce d'outremer. Objectif : faire de l'ombre au Portugal dans le contrôle de la route des épices, marché le plus fécond de l'époque.

400 ans plus tard, la raison d'être de la Bourse n'a pas tant changé. Elle constitue une alternative privilégiée au crédit bancaire, permet de lever davantage de fonds, de diversifier les sources de financement. On y opposera qu'on ne donne qu'aux riches et que seules les grosses entreprises ont accès à de telles plateformes, en raison de coûts administratifs et financiers trop élevés pour les autres. C'est de moins en moins vrai. A l'heure actuelle, 40 % du passif des entreprises françaises est financé par le marché. Un chiffre qui devrait aller croissant.

En effet, d'un côté les capacités de financement des banques et des assurances, via les fonds de capital investissement, vont être impactées à long terme par Bâle III et Solvency II. D'un autre les bourses déploient beaucoup d'efforts pour saisir cette opportunité, comme en témoigne le lancement par Euronext d'Enternext, filiale du groupe dédiée aux PME et aux ETI. Un lancement qui, conjugué à celui du PEA PME, pourrait permettre de drainer une partie de l'épargne des investisseurs particuliers vers ces entreprises. 2,5 milliards d'euros de liquidités nouvelles sont attendus, selon Anthony Attia, PDG d'Euronext Paris. Une plateforme qui vient prêter main-forte à Alternext, le marché d'Euronext à destination des PME de la zone euro, visant à leur fournir une alternative de cotation et à leur proposer un trait d'union entre le marché réglementé et le capital-investissement.

Une IPO pour quoi faire ?

C'est dans ce contexte qu'Euronext prépare son introduction en bourse. Pourquoi une telle manœuvre ? Tout simplement parce que ICE, qui s'était porté acquéreur de NYSE-Euronext en 2012, lorgnait essentiellement sur le segment des dérivés, installé à Londres au sein de la filiale NYSE-Liffe. Euronext faisait partie de l'ensemble, ICE l'a donc achetée, mais les activités de l'opérateur boursier européen ne correspondent pas toutes au cœur de métier de l'Américain, ni d'ailleurs à sa zone d'activité : les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Propriétaire d'un opérateur rentable mais hors-sujet pour lui, ICE décide donc de céder Euronext via une IPO dans l'espoir de se désendetter en partie. L'opérateur européen ne devrait pas avoir trop de mal à trouver preneurs. Son bilan plaide pour lui. Il permet chaque année à ses entreprises cotées de lever 100 milliards d'euros, et affiche une bonne santé, notamment due aux transformations et investissements réalisés depuis 2007.

Voilà pour les raisons officielles. Mais en disant cela, on n'a rien dit de l'intérêt que la place boursière européenne pourrait tirer à relocaliser son actionnariat dans ses frontières et, a fortiori, en France. Cet intérêt est multiple.

Relocaliser la souveraineté des besoins de financement de l'économie réelle en France, c'est contribuer à édifier une Bourse forte et active et, par corollaire, s'assurer que les entreprises françaises puissent être listées sur des marchés réglementés par un régulateur national et puissent rester en étroite relation avec leurs actionnaires. Une vérité particulièrement criante s'agissant des PME et des ETI puisque, selon les statistiques de l'Association des marchés financiers (AMAFI), 80 % des ordres de la Bourse de Paris sur les actions de ces structures proviennent de traders ou d'intermédiaires localisés en France. On le voit, le besoin de proximité actionnariale n'a rien d'un fantasme.

Par ailleurs, relocaliser l'actionnariat d'Euronext, c'est le ramener dans le giron des régulateurs européens, à l'heure où les entreprises hexagonales ont un peu trop tendance à jouer les filles de l'air. Arnaud Montebourg veut faire passer un décret régulant les acquisitions d'entreprises jugées stratégiques. Grand bien lui fasse. Il sera sans doute retoqué par la Commission européenne. Cimenter Euronext à un actionnariat européen vaut tous les décrets du monde et permet de s'assurer que l'AMF aura toujours son mot à dire.

Ces trente dernières années, les règles des marchés financiers ont été édictées par les Anglo-Saxons. La première directive sur les marchés d'instruments financiers (MIF 1) en est la démonstration flagrante. Cette directive a eu pour effet de renforcer encore davantage l'emprise de la City et des Etats-Unis sur le reste du monde, y compris l'Europe, avec les effets qu'on connait. La crise de 2008 ne traduit pas autre chose qu'une absence de régulation idoine. Si elle a depuis laissé place à MIF 2, plus ferme et d'avantage en adéquation avec la philosophie d'un marché européen prônant la transparence, il semble impératif que les gestes se joignent aux mots, et que l'Europe continentale se dote d'infrastructures sous contrôle européen.

Euronext pourrait être valorisé entre un et deux milliards d'euros. Une douzaine d'investisseurs se sont déjà fait connaître au sein de tous les marchés du groupe (France, Belgique, Pays-Bas et Portugal). Les noms de BNP Paribas, de la Société Générale, de KBC, d'ABN Amro ou encore de la SFPI sont avancés. Tout se profile donc pour le mieux pour l'opérateur boursier mais aussi, par ricochet, pour l'économie européenne, et notamment française.

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Laurent Meriaux est cadre dans le business development. Depuis maintenant plus de dix ans, il accompagne les sociétés de haute technologie dans leur développement à l'international.

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