Non l’ISF n’a pas été supprimé, il a été remplacé par l’IFI !

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Par Charles Sannat Modifié le 12 décembre 2018 à 11h28
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10 MILLIARDS €Emmanuel Macron vient d?annoncer environ 10 milliards d'euros de dépenses en plus qu'il faudra bien financer.

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Je n’aime pas la démagogie pas plus que l’idéologie et pour ceux qui me suivent régulièrement, je refuse d’être accusé de « macronmania »… Néanmoins, quand on parle de sujets économiques et fiscaux, il ne faut pas nier la complexité.

Ne pas nier la complexité ne veut pas dire que rien n’est possible. Cela veut dire que nous devons donner les moyens à tous les citoyens de ce pays de comprendre ces complexités pour pouvoir se positionner en toute liberté.

Un citoyen éclairé, c’est un citoyen à qui on explique les choses. Il n’y a pas de démocratie sans connaissances. D’ailleurs, les gilets jaunes sont nettement plus informés que ce que l’on veut bien dire ou croire. En France, nous adorons en réalité la politique !! Et c’est une excellente chose.

Revenons donc à cette suppression de l’ISF qui n’a jamais été une revendication de départ des gilets jaunes, mais une demande qui a été insufflée par la France Insoumise et ses militants, ce qui est parfaitement respectable.

Pourtant, si cette mesure peut sembler « injuste », et je parle de la suppression de l’ISF, elle était nécessaire économiquement parlant… dans le cadre qui est le nôtre.

L'ISF doit être supprimé ou les frontières fermées !

Je ne vous promets pas du sang et des larmes si on remet l’ISF !!!! Ce ne sera pas la fin du monde, mais j’attire l’attention de tous sur l'indispensable cohérence des politiques économiques par rapport au cadre dans lesquelles elles sont menées !

Si vous voulez imposer encore plus fortement les méchants riches, il faut les attacher au fauteuil pour leur faire les poches tranquillement, parce que vous savez, tondre un mouton qui bouge, ce n’est pas simple, mais dans un monde ouvert, et où il y a la libre circulation des capitaux, des biens et des personnes, vos moutons courent à toute vitesse se réfugier sous des cieux où la tonte est plus douce. Ils vont en Irlande, grande terre d’élevage de moutons, pour les entreprises, ou au Luxembourg. Pour les particuliers, vous pouvez trouver asile fiscal dans un pays très agréable qui est le Portugal où de surcroît la vie est douce, et nos amis portugais tellement accueillants et aimables.

On peut remettre l’ISF donc, mais si nous faisons le choix de mettre l’ISF alors… les sous partent de France, les petits « riches » partent de France. Je parle des petits « riches », ceux dont la fortune est de 1 à 5 millions d’euros. Certes, cela peut sembler beaucoup de sous, mais tous ces sous ont déjà été taxés, retaxés et surtaxés… L’ISF est l’impôt de trop, surtout dans un environnement de taux bas ou proche de 0.

L’ISF n’a pas été supprimé, il a été remplacé par l’IFI !

Macron avait annoncé, et j’en avais fait tout un dossier spécial consacré au fait de « comprendre la nouvelle fiscalité » dans ma lettre STRATÉGIES. J’y expliquais que l’idée cardinale était de taxer « l’improductif non délocalisable » et de détaxer le « productif délocalisable ».

Je vais vous donner un exemple. Le mien. Étant un bon citoyen, j’accepte de payer tous mes impôts, charges et taxes, y compris ma CFE de 344 euros et tous les autres trucs que ma femme, qui s’occupe de mes papiers (heureusement), me demande de payer… Quand il y a un abonnement vendu à 98 euros que nous allons arrondir à 100, l’État prend environ 70 euros, soit 70 %… Après, il y a les charges, les frais techniques, les honoraires du comptable ou encore les frais de la banque… Bref, quand vous faites 100 euros de chiffre… au bout du compte, il vous reste entre 10 et 15, mais les taxes pures et impôts et TVA, c’est plus de 70 %, oui, vous avez bien lu, plus de 70 % !!!! C’est considérable.

Ayant la chance de travailler « sur Internet », je peux le faire de n’importe où dans le monde. Je peux aussi le faire du Portugal, où on ne me taxera juste pas !!! En partant à Porto, je peux, avec une simple décision de partir, multiplier par deux mes revenus… Franchement, parfois, je me dis que je suis un gros imbécile !!!

L’idée de Macron était donc de réduire les charges, taxes, et impôts sur ce type d’activités dites « productives » (les entreprises petites et grandes) et délocalisables surtout… pour taxer plus le non-délocalisable.

Dans le non-délocalisable, il y a évidemment l’immobilier, déjà objectivement là aussi surtaxé !!! Vos loyers, quand ils sont payés et vos logements non dégradés, sont imposés aux revenus, donc cela peut monter jusqu’à 45 % des loyers perçus… C’est évidemment considérable, car les propriétaires ont des charges, doivent assurer l’entretien des logements et l’adaptation aux nouvelles normes de plus en plus complexes et… coûteuses ! Bref, le rendement immobilier est très souvent négatif.

Pourtant, le gouvernement a laissé peser l’ISF… sur l’immobilier. C’est ainsi que l’ISF, ou impôt de solidarité sur la fortune, est devenu l’IFI, ou impôt sur la fortune immobilière. Le gouvernement aurait pu l’appeler l’Impôt de Solidarité sur la Fortune immobilière ou ISFI, FI pour France Insoumise ou encore Fortune immobilière !!!!

Le secteur immobilier va craquer...

La logique n’était donc pas franchement ultralibérale, et de vous à moi, à force de surtaxer ainsi le secteur immobilier non délocalisable, nous nous préparons une crise immobilière d’anthologie, car tout ce secteur finira par craquer.

La raison est simple.

D’un côté, vous avez des locataires surprotégés, y compris quand ils commettent des dégradations, car évidemment il n’y a rien à voir entre un locataire qui devient insolvable et laisse une ardoise avec un locataire qui en plus détruit son logement. Un simple fichier des locataires indélicats suffirait à remettre chacun face à ses responsabilités individuelles et forcerait les gens à se tenir convenablement. Du simple bon sens.

De l’autre côté, des propriétaires qui doivent payer 50 % de taxes (rajouter les impôts fonciers qui explosent et qui représentent souvent jusqu’à 2 mois de loyers par an), l’entretien et les problèmes, et vous allez assister au fait que plus personne ne voudra investir dans l’immobilier.

La seule chose qui sauve pour le moment le secteur, ce sont les taux proches de 0. Dès que les taux remonteront, massivement, les épargnants délaisseront l’immobilier. Les prix baisseront, la construction chutera et… il n’y aura plus assez de logements disponibles.

Alors de vous à moi, l'IFI n’est même pas une bonne idée économiquement parlant si l’on veut construire encore plus de logements et faire baisser les prix à la location.

On ne doit pas opposer les « riches » et les « pauvres » !

Je ne paye ni l’ISF ni l’IFI, je suis à l’abri de l’argent !! Mais lorsque mon voisin à plus que moi, il ne m’a rien retiré. Quand le gus d’à côté est heureux, je le suis pour lui. Son bonheur ne retire rien au mien. Au contraire, si mon voisin est heureux et épanoui, il y a peu de chance qu’il vienne vraiment m’emmerder sur la hauteur de la haie qui vient de dépasser de 3 centimètres la taille réglementaire !!

Il en va de même avec les « riches ». Le problème n’est pas la richesse de mon voisin (je ne parle pas des milliardaires), le problème c’est la pauvreté de mon autre voisin.

Nous avons besoin de riches, et pas de pauvres, nous avons besoin d’un pays où les conditions de création de richesses sont présentes, car il n’y a rien de pire que les pays dans lesquels plus rien n’est possible.

L’ISF était totalement contre-productif et coûtait beaucoup plus cher à notre pays en perte d’opportunité qu’il ne nous rapportait en milliards sonnants et trébuchants…

Si la France souffre aujourd’hui, c’est justement parce que rien n’est possible. Ouvrir un resto est devenu tellement compliqué que plus personne ne veut se lancer. Ouvrir son échoppe est devenu tellement complexe que les commerçants en ont assez. Voilà le vrai problème.
Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde le bout du doigt.

L’ISF devenu IFI c’est objectivement regarder le bout du doigt. Car les mêmes qui veulent remettre l’IFI ne veulent surtout pas sortir ni de l’Union européenne, ni de la zone euro, or si nous voulons notre propre fiscalité, et continuer à l’augmenter encore et encore, alors il faudra nous refermer sur nous-mêmes parce que c’est une politique impossible à mener dans le cadre actuel.

Enfin, et c’est important, la France a la pression fiscale la plus élevée des pays développés. Génial non ? De quoi part la manifestation des gilets jaunes ? D’un problème de trop de taxes !

Le vrai sujet pour notre pays n’est pas de rajouter des impôts, mais bien d’en supprimer.

Le vrai sujet pour notre pays c’est de rendre l’effort individuel « rentable » et « utile ».

Le vrai sujet pour notre pays c’est de rendre les incitations positives vraiment positives. Si je crée mon commerce, de l’activité et de l’emploi, oui, je dois pouvoir devenir riche. Devenir riche n’est pas sale ni mal.

Ce ne sont pas les grands riches à milliards qui « ruissellent », mais les milliers de petits riches, de petits bourgeois qui peuvent prendre un jardinier, une assistante maternelle, une employée à domicile et qui sont les gros, très gros créateurs d’emplois et de « ruissellement ».

Le vrai ruissellement est un ruissellement de proximité.

Tous ceux qui vivent dans des petites villes savent de quoi je parle. Dans mon petit coin de Normandie, les petits patrons font de la responsabilité sociale sans même le savoir. Quand le club de foot doit acheter une nouvelle camionnette, « on » se cotise pour la financer. C’est du ruissellement rendu possible uniquement parce qu’il peut y avoir un peu de gras et une « bourgeoisie » locale. Lorsqu’il faut des sous pour la kermesse, c’est toujours les mêmes qui « payent » et qui remplissent les gamelles.

Oui le ruissellement existe, mais pas celui des GAFA vers les gens d’en bas !

Le vrai sujet qui se pose après, c’est la justice sociale, et la justice sociale n’a rien à voir avec l’égalitarisme qui est une excroissance erronée de l’égalité parce que l’égalitarisme dégénère forcément en un alignement vers le bas et vers la négation des capacités différentes de chaque individu.

La véritable justice sociale c’est d’aider chacun à atteindre son plein potentiel pour le bien de la collectivité, la véritable justice sociale consiste à ne laisser personne sur le bord de la route, pas à mettre un droit opposable au dernier iPhone ou aux vacances au ski !

Si Macron a échoué, ce n’est pas parce qu’il a supprimé l’ISF et qu’il l’a transformé en IFI. Il a eu raison, et même l’IFI est économiquement de trop en réalité.

Il a échoué pour d’autres raisons et notamment des raisons que nous qualifierons pudiquement avant tout de « comportementales ».

Attention à ne pas s’égarer !

Si nous voulons plus d’impôts et de taxes sur un mouvement qui est né d’un ras-le-bol fiscal ? Eh bien c’est une erreur !

Si nous voulons un ISF dans un monde ouvert ? Eh bien c’est une erreur qui fera fuir les riches dont on a besoin pour créer un écosystème économique fonctionnel et dynamique !

Si nous voulons rester dans l’Union européenne et dans la zone euro en augmentant les déficits, et en rajoutant encore plus d’impôts qui finiront par étouffer totalement notre économie ? Eh bien c’est une erreur !

Macron vient d’annoncer environ 10 milliards de dépenses en plus qu’il faudra bien financer… par plus d’impôts et de taxes puisque nous ne sommes pas en mesure de réduire la dépense.

Bref, rien n’est réglé, au contraire. Nous venons d’acter que la France ne peut pas supporter les conséquences d’une politique d’austérité permettant d’éviter la faillite. Ce n’est pas une surprise en ce qui me concerne. La question c’est le « et après ».

Notre économie crève littéralement d’un excès de taxes, de règles, lois et normes. Notre économie et notre pays crèvent de la complexité. C’est cela qu’il faut régler.

Enfin, si notre seule ambition collective est de répartir équitablement la misère, excusez-moi, mais cela ne peut pas me faire rêver !

Tout n’est pas possible « en même temps ». Il faut faire des choix, débattre, encore et encore, et définir collectivement la société que nous voulons. C’est pour cette raison que la mise en place du référendum populaire dont on peut aussi discuter des modalités pratiques était une solution positive pour sortir de cette crise et en faire une réelle opportunité.

Je reste persuadé qu’en mettant nos concitoyens face aux complexités, ils sauraient prendre les bonnes décisions. Nous devons faire confiance et enfin, parler à l’intelligence et aux raisons, inlassablement. Nous devons avoir une grande, une immense ambition pour tous.

L’heure des choix de fond approche.

Nous avons éludé le débat sur la souveraineté, l’Europe et l’euro.

C’est évidemment ce débat-là qu’il faut avoir et qui est refusé depuis… 2005 ! Car c’est là que réside la seule manière de créer ou de recréer des marges de manœuvre et de pouvoir décider réellement comment et à qui les attribuer.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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