Crise : « il n’y aura pas de moyens faciles de s’en sortir »

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Par Charles Sannat Publié le 10 décembre 2012 à 9h03

Franchement, ce qui me vient à l’esprit ce dimanche matin alors que je me mets à écrire cet édito que vous lirez demain lundi, tandis que les pommes de terre sont en train de sauter gentiment derrière moi, c’est que bien manger c’est agréable, avoir de la bonne viande est un vrai plaisir, et cuisiner en famille, c’est la vraie vie, surtout avec un bon feu de cheminée et… un poêle à bois qui chauffe, ce qui est essentiel vu la première offensive de l’hiver que vous n’avez pas pu rater grâce à nos chaînes de télévision.

Bref, samedi je voulais écrire un vague truc sur le Téléthon et le Banquothon, il y avait matière à faire un article léger et rigolo du style « pour donner à votre banque, un seul numéro, le 36 37, et si vous n’êtes pas volontaire d’office, de toute façon on vous taxera via vos impôts ». Mais dimanche, tout a changé. Brutalement, d’un coup, ce qui m’est venu à l’esprit c’est qu’on ne s’en sortira jamais… Et là, impossible d’écrire sur le Banquothon. Vous vous souvenez certainement des dernières déclarations de Normal 1er roi des Gaules nous indiquant que la crise du sesterce, heu pardon, de l’euro était derrière nous et que le pire était passé. C’était sans compter pour lui (le pauvre) les derniers revirements de ce week-end en Europe.

D’un côté, on apprend que l’Irlande (vous savez le pays dont on a tant vanté le miracle économique, basé uniquement sur du dumping fiscal ce qui est une GRAN-DE idée) ne pourrait pas rembourser comme prévu les aides européennes de 85 milliards d’euros perçues en 2010 pour leur Banquothon national. Oui, n’oubliez pas que globalement les pays ne vont pas forcément si mal que ça, s’ils ne devaient pas payer les pertes de leurs banquiers… mais c’est un autre débat dans lequel il est formellement interdit d’entrer sous peine d’être immédiatement qualifié de « populiste ».

Donc l’Irlande ne pourra pas rembourser ses crédits conformément à l’échéancier prévu au « contrat de prêt ». En langage clair, cela s’appelle faire un défaut de paiement. Et de un. Pour le « et de deux », et là franchement je m’esclaffe, c’est l’Italie. La troisième économie de la zone euro, celle qui avait failli embraser l’Europe entière il y a quelques mois et faire exploser la monnaie unique en vol. Figurez-vous que là-bas c’est la crise politique. Mario Monti, désigné d’office par Angela et Nicolas comme délégué de la classe italienne suite à un « coup d’état » qui n’avait pas grand-chose de démocratique, a décidé qu’il allait présenter sa démission. Cela dit, c’est sans doute une très mauvaise nouvelle pour l’euro, surtout que Berlusconi (celui qui s’était fait sortir de façon très démocratique par Angela et Nicolas) a décidé de se représenter.

Et là, le problème, ce sont les italiens. Vous savez qu’ils n’ont pas vraiment le moral, et franchement je les comprends moi les Italiens. Déjà que Jean-Marc Ayrault je ne le trouve pas très drôle, mais à côté de Mario Monti notre Jean-Marc c’est un joyeux drille. Moi je serais italien, pour me remonter le moral je voterais pour la liste « bunga-bunga » (les espèces de parties fines de jambes en l’air de l’ère Berlusconi). C’est tellement plus léger comme ambiance. Ça, ça me donne envie de consommer et cela me redonne foi dans l’avenir radieux de la dépense publique et des déficits éternels…

Alors au moment où j’écris ces quelques lignes, l’Europe est dans la situation suivante :

Allemagne : s’en sort à peu près tant que ses voisins européens peuvent encore lui acheter quelques BM ou Mercedes. Ne devrait pas tenir longtemps dans la mesure où ses partenaires commerciaux, qui représentent 60 % de son PIB, sont en train de s’effondrer, et que ces mêmes partenaires commerciaux essaient désespérément de faire les poches d’Angela…

France : pays en voie de sous-développement, surendetté, incapable de réformer et de faire des choix difficiles. La dette grossit de jour en jour sans que rien ni personne ne souhaite l’arrêter. Devrait s’en sortir quand même à peu près dans la mesure où l’État (de droite comme de gauche) va « mobiliser » l’épargne des ménages. En clair : on va tous donner à l’ÉtatThon que l’on soit volontaire ou pas, et notre épargne finira « réquisitionnée ».

Italie : pouvait espérer s’en sortir grâce à la « magie » du docteur Mario Monti… Hélas, Silvio B. ayant besoin d’une immunité, il faut qu’il se fasse réélire. Ce ne sera sans doute pas sur les thèmes de la rigueur et de l’austérité à la Mario Monti si vous voyez ce que je veux dire. Donc le pays devrait repartir à la dérive mais…. Avec le moral !

Espagne : Banquothon international en cours pour renflouer des dizaines de banques qui ont tout raté sauf la bouffonnade des « stress tests ». Vous vous souvenez des « stress tests » ? On avait bien rigolé à ce moment-là. Résultat : un peuple saigné à blanc, et un pays dont vous assistez en direct à l’effondrement de type grec…

Portugal : un cocktail d’Espagne, d’Irlande et de Grèce. Plus rien à faire. À transférer en soins palliatifs. Il n’y a plus rien à faire.

Grèce : encéphalogramme plat. Mort clinique constatée. Débrancher le patient. Heure du décès ?

Europe : ensemble hétérogène de pays n’avançant pas au même rythme et dans des directions opposées et tentant par tous les moyens de faire croire en leur capacité à concilier des choses inconciliables et réussissant à se mettre d’accord sur la date de la prochaine réunion… et encore.

Monnaie unique : l’euro est la monnaie utilisée dans cet ensemble brinquebalant n’en ayant plus pour longtemps.

La question qui se pose est de savoir si l’euro va exploser à cause de l’explosion de l’Europe ou si l’explosion de l’euro entraînera celle de l’Europe… N’en déplaise à notre Président, fort sympathique au demeurant, la crise de l’euro vient de repasser devant lui et l’instabilité politique en Italie pourrait remettre le feu aux poudres pas tout de suite mais à la rentrée. Là, on est en période de rallye boursier de fin d’année afin que tout le monde puisse se gaver de bonus. Dans ces cas-là, les « zinvestisseurs » sur les marchés débranchent la radio et les télés, déconnectent les boutons « vente » et ne laissent actifs que les boutons « achats ». Résultat : les cours montent.

Comme ils n’en sont plus à une crétinerie près et que le seul objectif est de gagner de l’argent pas d’être intelligent, ils n’auront aucun problème je suppose à continuer leur mouvement de hausse, jusqu’au moment où les marchés ne pourront plus nier ni les dettes américaines, ni les dettes européennes, ni l’absence de croissance au niveau mondial, ni encore les tripatouillages massifs des statistiques du chômage américain, qui est presque annoncé en baisse tous les mois, alors que tous les mois on revoit à la hausse les stats du mois précédent du même montant que la baisse du mois suivant… sans que personne ne semble vouloir s’en émouvoir.

Là, je fais la leçon aux Américains, mais pour nous ce n’est pas mieux (bien que l’on ne fasse pas baisser notre population active). Nous, là où on est très fort, c’est pour comptabiliser de la dette hors dette de l’État… on transfère. C’est beau la créativité comptable. Le problème c’est qu’un jour il faudra passer à la caisse. Alors je le dis, je le redis, et le crie encore haut et fort alors que l’écrasante majorité des gens préfère rester dans le déni pour des raisons de confort psychologique aisément compréhensibles : IL N’Y AURA PAS DE MOYENS FACILES DE S’EN SORTIR. Ce sera douloureux quelle que soit la stratégie. C’est une crise d’endettement de tous les acteurs, avec une crise de croissance, un ajustement mondial en cours et une crise environnementale…

Alors, dans ces cas, on fait ce que fait tout bon marin, on affale les voiles, on ferme les écoutilles, tout le monde à son poste et on affronte les éléments déchaînés. Pour votre patrimoine, c’est pareil. Le patrimoine financier sera beaucoup plus facilement saisissable que votre maison !! Que voulez-vous que l’État fasse de votre maison ! Alors que de votre livret A, il sait tout de suite quoi en faire. Encore une fois, débancarisez, ayez le minimum d’actifs financiers, migrez vers les actifs tangibles au maximum de vos possibilités. Diversifiez au maximum vos actifs tangibles. Or, argent, terres, forêts, maison de campagne avec grand jardin etc. N’oubliez pas non plus de vous faire plaisir. Tout ce qui est pris ne sera plus à prendre… par l’État !!

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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