L’urbanisme temporaire pour réinventer la ville

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Par Joachim Azan Modifié le 4 juillet 2019 à 12h35
Littoral Communes Urbanisation Construction Protection Loi Senat

Cherté de l’habitat, étalement et mitage urbain, coupures et no man’s land dans le tissu causés par de gros chantiers, hiatus entre les besoins particuliers ou associatifs non satisfaits et un immobilier d’activité pléthorique mais insuffisamment occupé, gaspillage des ressources et pollution subséquente,..

Des bureaux inoccupés et des mal logés

Dans le registre de la crise de l’urbanisation, l’exemple de la zone dense de l’Ile-de-France vient immédiatement à l’esprit : 1,2 million de Franciliens mal logés, mais deux millions de m² de bureaux inoccupés, un foncier rare et cher, un bâti trop souvent inaccessible ou encore des stratégies de construction en grande couronne parfois peu maîtrisées, à l’instar du programme des villes nouvelles – dont on fête le cinquantenaire – qui rappelle combien il est nécessaire d’anticiper et de penser à la bonne échelle.

Ainsi, les effets pervers de l’urbanisation contemporaine, en particulier dans les métropoles, sont bien connus et mobilisent à juste titre les concepteurs de la ville de demain, souhaitée à juste titre plus accessible, durable et conviviale. L’un de ses leviers prometteurs est l’urbanisme temporaire, encore en enfance dans notre pays mais dont les atouts, indiscutables, méritent qu'on s'y arrête.

Il consiste à permettre l’occupation temporaire par des particuliers ou des activités culturelles, sociales, solidaires, voire économiques, de locaux vacants, notamment dans le cadre de grands chantiers de construction ou de transformation immobilières, qui s’étalent parfois sur des années sans aucune plus-value pour quiconque.

Pour ses locataires, identifiés et sélectionnés, c’est la chance d’accéder à un logement ou à des locaux contre un loyer très faible, voire nul. Pour les promoteurs et investisseurs, c’est l’opportunité de prévenir les occupations illicites, diminuer les coûts de gardiennage et même de percevoir des loyers avant réception des travaux. Pour les municipalités et les riverains, enfin, c’est la faculté de trouver des espaces de vie vacants au profit de l’économie sociale et solidaire, si souvent en mal de points de chute, tout en restaurant la continuité urbaine par des projets d’animation sociale inclusive et co-construite.

Au-delà de ce triple bénéfice, il va de soi que la sobriété financière, économique, immobilière et industrielle de la démarche, contribue au façonnement d’une ville durable, plus conviviale et plus sûre au profit de tous. A l’évidence, l'urbanisme temporaire participe pleinement de l’économie circulaire en permettant d’augmenter la valeur d’usage des biens dans le temps et en favorisant la limitation de l’étalement urbain, la mobilisation des acteurs de l’économie sociale et solidaire, l’optimisation de l’utilisation des ressources, etc.

Mieux encore, quelques expériences particulièrement réussies ont démontré grandeur nature que l’urbanisme temporaire, loin d’être une utopie, constitue au contraire une approche sérieuse et déjà concrète de la ville de demain. Ainsi, à Paris, un hôtel particulier en reconversion a permis la mise à disposition de 4 700 m² vacants au service de 47 structures associatives, artisanales et artistiques. Une pièce de théâtre a pu se produire devant près de 10 000 spectateurs. Enfin, 12 places d’hébergement ont été créées pendant 25 mois au bénéfice de 17 personnes. Comment s’étonner, dans ces conditions, que le comité Paris 2024 ait expressément demandé que les chantiers à conduire dans le cadre de la préparation des JO soient générateurs de site ouverts à l’occupation temporaire ?

Paradoxalement, l’urbanisme temporaire se heurte à des freins. L’innovation fait peur, suscitant de classiques phénomènes de résistance au changement. Faute de dialogue, des craintes se font jour parmi les riverains, tandis que les instances de concertation, comme les outils permettant de baliser et standardiser cette démarche, font encore défaut.

C’est pourquoi il temps d’ouvrir en grand ce débat et de déployer des instruments d’évaluation et d’accompagnements fiables pour offrir à l’urbanisme temporaire un cadre de mise en œuvre balisé et sécurisé. Il convient ainsi de mobiliser l’ensemble des acteurs, de faire émerger les nouveaux outils (une méthode d’évaluation charpentée sur 16 critères objectifs et mesurables sera ainsi disponible dès septembre prochain) et même de commencer à réfléchir à son intégration aux procédures normatives – on pourrait par exemple l’intégrer à tout appel d’offre public ou privé.

Face à l’urgence du mal logement, et au potentiel inexploité pour les milieux culturel, associatif et économique, nous demandons des actions concrètes pour oser inventer la ville de demain, où les lieux vacants deviennent des lieux d’expérimentation au bénéfice de tous. Nous appelons l’ensemble des acteurs à se mobiliser pour que l’urbanisme temporaire devienne une pratique courante de transformation urbaine.

Saisissons-nous de cette chance, maintenant !

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Fondateur de NOVAXIA, société spécialisée dans le montage d'opérations immobilières et hotelière à Paris et sur la Cote d'Azur.

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