Bientôt une étoile rouge sur la blouse des médecins

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Par Patrick Crasnier Publié le 16 février 2016 à 5h00
Loi Sante Medecins Opposition Francois Hollande
3 100 eurosMarisol Touraine a annoncé un congé maternité pour les femmes médecins avec une rémunération de 3 100 euros brut mensuels.

A la fin de la « grande conférence sur la santé » passée à travers le boycott et le remaniement, Marisol Touraine la ministre restée en poste a fait une annonce plutôt surprenante.

Elle a annoncé deux mesures concernant la couverture sociale des médecins libéraux. En premier la suppression du délai de carence de 91 jours imposé par la CARMF (Caisse d’assurance retraite des médecins Français) Un délai de carence décrit comme insupportable face aux trois jours des salariés et au zéro jour de l’administration.

Seconde mesure un congé de maternité pour les femmes médecins (qui n’existe pas jusqu’à présent) avec une rémunération de 3100 euros bruts mensuel, pendant trois mois. Jusqu’à présent aucune disposition pour ces femmes qui doivent travailler jusqu’à la veille de l’accouchement et reprendre le plus vite possible.

Cela pourrait être vu par le corps médical comme une avancée importante, et salué comme il se doit. C’est un torrent de critiques qui s’est déversé sur les réseaux sociaux et dans les réunions syndicales pour dénoncer cette annonce.

Pourquoi ces positions négatives à une mesure apparemment positive ? La réponse est contenue dans le texte de la proposition, Marisol Touraine, appuyée par son premier ministre, précise que cette mesure ne s’appliquera qu’aux médecins ne pratiquant pas de dépassement d’honoraires. A savoir les médecins restés en secteur 1 (conventionné) ou en secteur 2 (avec dépassement autorisés) mais seulement s’ils ont signé les C.A.S (contrat d’accès aux soins) Une stigmatisation des médecins pratiquant légalement en secteur 2, ajoutée d’un chantage à la signature du CAS, jamais cela n’avait été fait auparavant.

La colère des médecins libéraux est légitime, certains de leurs syndicats ont eu le malheur de signer dans la convention (en 2014) ce contrat d’accès aux soins qui stipule que les dépassements d’honoraires autorisés ne doivent pas dépasser un certain plafond. A l’époque nombre de médecins libéraux avaient critiqué vertement l’attitude de ces syndicats, affirmant qu’ils faisaient entrer le loup dans la bergerie. Il était évident que ce CAS était l’outil de l’état pour supprimer à terme le secteur 2 ou bien faire pression sur les médecins, sachant que moins de 20% ont signé ce CAS.

Rappelons que le secteur 2 a été fermé il y a quelques années (ce qui est déjà discriminatoire) et que les médecins qui n’y avaient pas souscrit à l’époque n’en ont plus la possibilité maintenant. Rappelons aussi que les tarifs de consultations conventionnées sont bloqués depuis très longtemps, s’ils avaient évolués parallèlement aux augmentations du SMIC la consultation généraliste serait aujourd’hui à 48 Euros (ce qui correspond a la moyenne Européenne.) Par contre il ne faut jamais oublier qu’un cabinet libéral c’est une entreprise, avec les coûts d’investissements en local matériel, les coûts de fonctionnements eau, électricité, téléphone. Ces charges et taxes n’ont jamais cessé d’augmenter, ce qui pose un réel problème de fonctionnement.

L’acharnement de l’état à faire en sorte que le secteur 2 n’existe plus est évident. Même les mutuelles à qui l’état a donné le gâteau, avec la loi santé, sont autorisées à rembourser moins les secteurs 2 qui n’ont pas signé le CAS, là aussi nous sommes en face de discrimination. Depuis le premier Janvier on entend même ces assurances complémentaires téléphoner à leurs clients ou aux entreprises pour expliquer « qu’il ne faut pas aller consulter chez les médecins secteur 2 qui n’ont pas signé le CAS. » Menaçant même de ne pas rembourser les consultations de ces médecins. Certains patients obéissent aux mutuelles, d’autres deviennent agressifs envers leur médecins habituel « car il n’a pas signé »

Enfin ces coups de téléphone deviennent réellement préoccupants pour le bon fonctionnement des cabinets médicaux, certaines associations sont même sur le point de déposer plainte pour détournement illicite de patientèle.

La boucle sera donc bouclé avec la mesure discriminante de l’état (contre laquelle des recours seront certainement déposés) les médecins conventionnés seront traités différemment que ceux du secteur 2 (ne parlons pas des médecins secteur 3, non conventionnés, pour l’état ils n’existent pas) Jamais un état n’avait autant méprisé la profession médicale, jamais un état n’avaient autant divisé les Français. Mais rassurons nous dans son « grand remaniement » François Hollande a crée un secrétariat a l’égalité « réelle » alors !!!

Toutes ces stigmatisations ont généré du dégout chez les médecins et pire certains ont même demandé :

Serons-nous obligés de porter un signe S2 rouge sur nos blouses pour travailler ? Un peu comme une étoile d’une autre couleur il n’y a pas si longtemps.

Outre les défauts majeurs de cette mesure, ce sont les femmes qui sont aussi discriminées gravement. Une mesure pour quelques femmes médecins mais pas pour les femmes pratiquant d’autres professions médicales libérales (les infirmières en particulier) qui ont les mêmes difficultés lors de leurs grossesses et qui ne sont pas dans le périmètre de la mesure. Le remaniement à supprimé le droit des femmes à Marisol Touraine, peut être que ceci explique cela.
Les médecins et tous les soignants oubliés avec cette mesure ségrégationniste, sont en opposition, contre ce fonctionnement de l’état pour la profession. Ils ou elles se lèvent chaque matin pour exercer une médecine de qualité, éthique, en leur âme et conscience et soignent tous les patients (eux) sans discrimination.

Face à cette volonté de « faire malgré tout leur métier » ils ne reçoivent que mépris, harcèlement, tracasseries administratives des caisses de sécurité sociales. Pour la partie des consultations faites en tiers payant, les difficultés pour se faire payer dans certains cas sont de plus en plus importantes. Environ 10% des tiers payants ne sont pas payés aux médecins, aucune entreprise ne pourrait supporter un tel coût sans être en difficultés.

Pendant la conférence sur la santé, l’ensemble des syndicats de médecins libéraux se sont réunis dans des « assises de la santé » une journée de travail pour préparer les futures discussions avec l’état pour la nouvelle convention. A la suite de ces assises, un grand cri a été poussé par les représentants de ces syndicats (tous unis) IL FAUT UN PLAN MARSHALL DE LA SANTE. Ce cri d’alarme est grave et sérieux, il existe aujourd’hui dans notre pays, outre les coups portés à la médecine libérale, un grave problème de couverture médicale des territoires.

Nombre de médecins libéraux écœurés partent en retraite, quelquefois plus tôt qu’ils ne l’avaient prévu. D’autres partent exercer leur art à l’étranger, dans des pays où ils sont reconnus, respectés et normalement honorés. Les jeunes tardent à s’installer tant les difficultés sont grandes, rappelons qu’un médecin libéral n’est pas libre de ses revenus, mais doit assurer l’ensemble des charges de fonctionnement d’un cabinet. Un risque aujourd’hui trop important pour nombre de jeunes médecins.

Les collectivités rêvent de maisons médicales payées avec vos impôts, peu de médecins acceptent d’y aller, certaines sont déjà en grave déficit du fait du décalage énorme entre les investissements et les revenus des consultations. Enfin l’état qui comptait sur des étudiants ayant fait médecine à l’étranger pour contourner le manque de médecins, est en difficulté. Nombre de ces jeunes se sont vu interdire des stages internés ou même des installations tant leur niveau n’est pas acceptable ni par le conseil de l’ordre ni par les centres hospitaliers.

Il apparait donc que la médecine mercantile et comptable est en train de mourir du fait de son inadéquation avec les besoins d’un pays en santé publique, que seul ce plan Marshall paraît être l’urgence absolue. Existe-t-il quelqu’un dans notre pays pour comprendre que la santé a un coût, qu’il n’est plus possible de compter sur les médecins libéraux pour travailler à perte et financer les défaillances du système. Comprendre que la corde qui reliait le corps médical à l’état a été rompu, les médecins continueront à exercer leur art avec sérieux et déontologie seulement si on leur en laisse la possibilité.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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