Idée reçue : l’austérité tue la croissance

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Par Simone Wapler Modifié le 20 octobre 2012 à 7h17

L’OFCE met en garde contre un nouveau plan de rigueur en 2013. Pour l’OFCE, comme pour beaucoup, l’austérité tue la croissance. Donc l’austérité, ce n’est pas bon et il faut l’abandonner. (Lire : pour l'OFCE, l'objectif de 3% de déficit est intenable)

C’est bien ce que pensent les manifestants de plus en plus nombreux en Grèce, en Espagne… En France, c’est ce que pense aussi l’OFCE, observatoire français des conjonctures économiques qui a pour mission selon le décret du 11 février 1981, "d'étudier scientifiquement et en toute indépendance la conjoncture de l'économie française, ses structures et son environnement extérieur, notamment européen, d'effectuer des comparaisons avec les économies étrangères, de formuler dans la mesure où il l'estimera possible, des prévisions économiques, à court, moyen et long terme".

"L’obstination des gouvernements à réduire le déficit débouche sur une spirale de rigueur et de récession" affirme l'Observatoire français des conjonctures économiques. Poussons le raisonnement. L’austérité entraîne la récession. Donc il faut continuer à dépenser plus que ce qu’on a (le déficit) ce qui permet d’éviter la récession. Pour continuer à dépenser plus que ce qu’on a, il faut continuer à s’endetter (la dette publique). Sinon comment trouver l’argent ?

Pour continuer à s’endetter, il faut trouver des prêteurs (les marchés ou des épargnants). Souvent, pour conclure qu’un raisonnement est biaisé, il suffit de voir où nous mène la limite, exactement comme en mathématique. Si la limite nous emmène vers l’absurde ou un résultat indésirable, quelque chose cloche. Ici la limite nous emmène au déficit perpétuel et à la dette illimitée. Les marchés et les épargnants ont des ressources illimitées.



Pas possible, me direz-vous ? Donc il doit y avoir un problème. Le problème est dans le mot "croissance". La croissance est officiellement mesurée comme l’évolution du PIB d’un pays. Le PIB est le reflet de la production d’un pays. Plusieurs méthodes de calcul existent. Mais elles ont toutes en commun d’additionner des dépenses (ou des revenus) dont certaines sont financées par le déficit (et donc l’emprunt).

Dans le PIB de chaque année rentre le déficit de chaque année. Donc vous pouvez obtenir de la "croissance" par la croissance du déficit. Rapporté à l’échelle domestique, voilà ce que ça signifie.

En 2011 vous avez 90 de salaire et 10 de crédit à la consommation. Vous dépensez 100. Votre "PIB" est de 100.
En 2012 vous avez 90 de salaire et 20 de crédit à la consommation. Vous dépensez 110. Votre "PIB" est de 110. Votre croissance est donc de 110/100, soit 10 %.

En revanche, si en 2012 vous avez toujours 90 de salaire mais que vous réduisez votre recours au crédit à la consommation de 10 à 5, votre "PIB" est de 95. Ô horreur, vous êtes en dépression de 95 / 100 soit 5 %. Vous avez une croissance négative (selon la merveilleuse expression de Christine Lagarde). Il ne vous reste plus qu’à vous bourrer de lexomil.

Soyons sérieux. Rigueur et austérité ne tuent pas la croissance. Elles tuent la croissance du crédit et de la dette ce n’est pas la même chose.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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