Voilà un beau sujet que j’aime évoquer régulièrement, notamment en partageant avec vous des points de vue différents au mien qui peuvent aussi venir confirmer qu’infirmer mon analyse, l’idée étant d’alimenter notre réflexion. L’année dernière, très régulièrement j’ai cité le Forum monétaire de Genève qui était très pessimiste et baissier sur l ‘or et qui n’hésitait d’ailleurs pas à proclamer fort gentiment que j’avais tort en « voyant » l’or monter. Ce n’est pas tant pour « crâner » (quoiqu’un peu quand même et dire que je n’avais pas si tort que cela) que pour vous dire que sur le sujet de l’or, s’il est inutile de commenter chaque mouvement haussier ou baissier de court terme, il est toujours utile d’enrichir notre réflexion et de la confronter à d’autres pensées.
Nous sommes à un point risqué potentiellement pour l’or puisque nous allons vers une remontée des taux de la FED aux USA et qu’une telle remontée aura des implications mondiales évidemment dans un système monétaire international ouvert et complètement imbriqué.
De façon générale, des taux qui montent c’est mauvais pour l’or. Pourtant, cette fois, cela risque de ne pas être « traditionnel » pour la simple et bonne raison que les taux ne pourront pas monter très haut. Dans cet article dont je vous propose la traduction, il est évoqué un sommet de 3 % par l’auteur.
Au risque de me tromper, je pense même qu’atteindre les 3 % sera délicat aux États-Unis et certainement impossible en Europe sans mettre par exemple… la France en faillite !
Faisons un calcul simple pour bien comprendre (c’est une approximation que les puristes me pardonneront mais elle ne sacrifie rien à la logique de la chose).
Soit la France ayant désormais une dette de presque 2 200 milliards d’euros. Soit un taux d’intérêt de 3 % sur cette dette. Et rien que pour payer les intérêts, l’État doit trouver 66 milliards d’euros chaque année, c’est-à-dire 16 de plus que pour le plus gros budget de l’État, à savoir 50 milliards pour l’Éducation nationale. Dur, dur… Alors imaginez des taux à 5 ou 6 % comme ce fut encore le cas il y a moins de 10 ans !
Bref, les taux ne pouvant pas vraiment monter sans déclencher l’insolvabilité généralisée, l’or ne pourra pas non plus vraiment baisser… ceci expliquant cela et inversement !!
Nous en sommes donc toujours là. Dans cette espèce de « ni-ni » ou de drôle de guerre où il ne se passe rien, où le temps est comme suspendu. Nous attendons que la pièce tombe d’un côté ou de l’autre, sauf qu’il n’y aura aucun bon résultat.
Côté pile, l’insolvabilité par l’augmentation des taux si on sauve la monnaie, ce qui amènera la ruine de la monnaie et l’explosion à la hausse de l’or.
Côté face ? La perte progressive de la confiance dans une monnaie sans cesse de plus en plus nombreuse car ce serait la tentation de l’impression massive de billets (même numériques). Résultat ? La faillite de tous par l’hyperinflation et l’explosion de l’or à la hausse.
À ce jour, rien n’a changé dans les fondamentaux du métal jaune. Au contraire. Les perspectives sont excellentes et inchangées. Néanmoins, disons-le clairement, je suis bien incapable de vous dire quand et comment l’or montera et personne de sérieux ne s’aventurerait dans un tel pronostic.
D’ici-là, appliquez toujours la même stratégie à savoir (vous abonner à ma lettre Stratégies, ça y est je l’ai casé) surpondérer les actifs tangibles dans votre patrimoine. Or, argent, terres, immobilier rural ou encore formation pour vous-même et acquisition de savoir-faire pour vous « valoriser » sont certainement les meilleurs placements que vous puissiez faire.
Je laisse maintenant la parole à Simona Gambarini
Est-ce que le mouvement des taux d’intérêt américains pourrait déclencher un renversement de tendance pour l’or ? Simona Gambarini affirme que non.
Le prix de l’or a fortement augmenté cette année, mais la spéculation sur les taux d’intérêt américains a suscité des suggestions quant à la possibilité que cette trajectoire ascendante fasse marche arrière. « Non ! », affirme Simona Gambarini, qui est analyste des matières premières au sein du conseil de recherche économique d’une des plus grandes agences consultantes sur ces problématiques – « Capital Economics ».
Le prix de l’or a augmenté de près de 20 % cette année en termes de dollars, malgré l’achat modéré des consommateurs en Chine et en Inde, ainsi que des banques centrales des pays émergents. En partie, cela reflète l’évolution des perspectives relatives aux taux d’intérêt américains plus tôt cette année. Comme il a semblé moins probable que la Fed augmente les taux d’intérêt, le dollar a fait montre d’un affaiblissement tandis que l’or, d’une hausse. Mais les inquiétudes croissantes concernant l’inflation américaine et la reprise de la « demande refuge » ont également joué un rôle important.
Cette gamme d’influences nous amène à penser que le prix de l’or devrait rester relativement résistant lorsque la Fed relèvera ses taux à nouveau.
En effet, lorsque la Fed a relevé les taux en décembre 2015 pour la première fois depuis près de dix ans, l’effet sur le prix de l’or a été de courte durée : il a en fait augmenté dans les mois suivants.
La sagesse conventionnelle, bien sûr, affirme que le resserrement de la Fed est mauvais pour l’or, principalement parce que la hausse des taux américains peut renforcer le dollar et augmenter le coût d’opportunité de détenir des matières premières. Et les prix pourraient retomber à court terme, si la prochaine hausse venait à arriver plus tôt que les anticipations actuelles des marchés ne le suggèrent.
Cependant, nous pensons que les « marches arrière » seront temporaires, notamment pour trois raisons principales.
Tout d’abord, nous nous attendons à ce que la Fed ne relève ses taux que progressivement et uniquement à un niveau bas, du moins par rapport aux normes antérieures. Les taux d’intérêt nominaux ne devraient pas, selon nos estimations, augmenter beaucoup plus que 2-3 % au cours des années à venir, et il est peu probable que le « jeu » change, surtout si l’inflation maintient les taux d’intérêt réels à un niveau bas.
Notons, à ce propos, que les taux d’intérêt réels comptent le plus quand il est question de déterminer le coût d’opportunité de la détention d’un actif comme l’or, dont on peut s’attendre à ce qu’il maintienne (au moins) sa valeur en termes réels. En effet, le prix de l’or est en corrélation relativement étroite avec les rendements réels (voir le graphique 1).
Graphique 1 : Les rendements des obligations américaines à 10 ans ont protégé le prix de l’or
Certes, l’inflation reste faible aux États-Unis, mais les titres tout comme l’inflation de base sont en voie de largement dépasser les de 2 %, soit l’objectif de la Fed d’ici la fin de l’année 2017. De fait, cela signifie que les taux d’intérêt réels devraient se maintenir à des niveaux historiquement bas.
Qui plus est, les autres banques centrales sont peu susceptibles de suivre l’exemple de la Fed. Cela contribue à expliquer pourquoi les prix de l’or ont récemment bien résisté, même si les attentes concernant les taux d’intérêt américains (voir le graphique 2) ont, eux aussi récemment, commencé à grimper à nouveau. En effet, la politique monétaire au sein de la zone euro, au Royaume-Uni et au Japon, restera « desserrée » dans un avenir prévisible et des stimuli supplémentaires verront probablement le jour dans les prochains mois, en particulier suite à l’incertitude économique et politique générée par le vote du Royaume-Uni relatif à sa sortie de l’Union européenne.
Les rendements des obligations gouvernementales sont déjà négatifs dans une grande partie de l’Europe et du Japon, alors que la Banque d’Angleterre a répondu au vote Brexit en réduisant son taux directeur à 0,25 %, et au travers également d’une augmentation de son actif Mécanisme d’achat, équivalente à 170 milliards de livres sterling. À l’avenir, nous nous attendons à ce que les taux au Japon baissent profondément, tandis que les achats d’actifs négatifs s’étendent au Japon ainsi que dans la zone euro.
Force est également de constater que des chocs potentiels supplémentaires sont à venir. Il y a effectivement un risque important que l’affaire Brexit provoque une sorte de résurgence de la crise de la dette dans la périphérie de la zone euro. De fait, une « contagion Brexit » s’avère être un réel scénario : d’autres pays peuvent décider de se détacher, eux aussi, de l’Union européenne. À ce propos d’ailleurs, l’élection présidentielle aux États-Unis pourrait, de son côté, inciter une nouvelle crise de l’incertitude politique mondiale.
L’or a déjà démontré son importance en tant que valeur refuge cette année – notamment au lendemain du vote du Royaume-Uni relatif à sa sortie de l’Union européenne. Avec l’affaire Brexit, l’incertitude économique et politique est susceptible de persister pendant un certain temps et, en ce sens, nous pensons que le métal précieux restera en forte demande.
En regardant en arrière, plusieurs facteurs ont contribué à l’augmentation du prix de l’or cette année. À l’avenir, les risques mondiaux persistants devraient faire en sorte que la demande d’or en tant que valeur refuge reste élevée, même en prenant en compte le resserrement de la Fed dont il a été question. De plus, les inconvenants de l’or devraient être limités par l’accent renouvelé et mis sur les risques d’une inflation plus élevée, et ce notamment après des années de politique monétaire exceptionnellement relâchée.
Nous ne prévoyons pas que le prix de l’or remettra pied sur ses sommets précédents d’environ 1 900 dollars / oz, à moins bien sûr qu’une crise majeure ne force la Fed d’assouplir à nouveau sa politique monétaire. Cependant, nous croyons qu’il y a beaucoup de possibilités pour des gains supplémentaires à moyen terme, malgré les perspectives de resserrement monétaire aux États-Unis.
Il est déjà trop tard. Préparez-vous !
Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae