Une association bidon financée par Paris Habitat?

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 5 avril 2016 à 10h16
Paris Habitat Subventions Aides Fondation Abattement Fiscal
60%Le recours à une fondation permet d?obtenir un abattement de 60 % sur les sommes consacrées au mécénat

Paris Habitat vient de créer, en janvier 2016, une Fondation d’entreprise qui devrait dépenser 2 millions d’euros d’ici aux législatives de 2017 pour des « projets en faveur de la jeunesse ». Cette somme s’ajoutera aux subventions habituelles pour les associations de tous poils.

Les bailleurs sociaux avant des élections cruciales

Comme l’a précisé le directeur général Dambrine, bien connu des lecteurs de ce blog, dans une note interne, l’heure est aux subventions:

Paris Habitat

Le décodage de ce sabir suppose quelques petits rappels.

Les bailleurs sociaux peuvent bénéficier d’un abattement sur la taxe foncière sur les propriétés bâties afin de financer de « traiter les besoins spécifiques des quartiers prioritaires de la politique de la ville », selon l’expression officielle. Les mauvaises langues noteront d’ailleurs que, jusqu’en 2015, ce dispositif était réservé aux zones urbaines sensibles (ZUS). Mais, sous l’influence du maire de Sarcelles, M. Pupponi, grand amateur de communautarisme, la mesure a été étendue (et prorogée en 2016) aux « quartiers prioritaires » (ce qui permet à Paris Habitat de mettre le dispositif en oeuvre).

Grâce à cette astuce, les bailleurs sociaux peuvent accorder des subventions aux associations locales qui luttent pour la « qualité de cadre de vie, de cohésion sociale, et de développement social ». En période de stress électoral, ces petits cadeaux sont toujours bienvenus, et en plus ils sont financés par le contribuable!

La Fondation de Paris Habitat

Aux sommes prévues par l’abattement sur la taxe, Paris Habitat ajoute un effort grâce à sa toute nouvelle fondation d’entreprise. Rappelons ici que le recours à une fondation permet d’obtenir un abattement de 60% sur les sommes consacrées au mécénat, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires.

Paris Habitat

Autrement dit, le million annuel supplémentaire que Paris Habitat compte consacrer à ses bonnes oeuvres (cette fois-ci en faveur des jeunes) devrait être financé, là encore et dans une large mesure, par le contribuable.

Nous retrouvons ici la terrible doctrine de l’incitation fiscale qui consiste à baisser les recettes de l’Etat au bénéfice de quelques-uns, avant de demander aux autres un effort pour payer l’addition.

Les zones électorales sensibles privilégiées

Pour l’instant, la Fondation n’est pas encore complètement opérationnelle. On attend la nomination d’une directrice, semble-t-il, et les services ont juste été priés d’identifier, dans les subventions antérieures, les montants dédiés aux « jeunes » qui basculeront sur la Fondation.

L’analyse des subventions apportées par Paris Habitat au titre des sommes notamment débloquées par l’abattement fiscal ne manque pas de faire sourire.

Paris Habitat

Sur un montant de 435.000 euros en 2015, les opérations en faveur des « jeunes » en ont représenté environ 25%. L’introduction des budgets de la Fondation devrait permettre un quasi-décuplement de l’effort. Redisons-le: à l’approche des élections législatives (et accessoirement présidentielles), après un quinquennat dont la promesse qui s’adressait aux jeunes a été bafouée, la perfusion de cash pour les associations locales devrait avoir l’effet d’un baume régénérant.

Les mauvaises langues noteront que Paris Habitat a découpé six directions territoriales (DT) pour répartir ces sommes. En 2015, ce sont les DTES, DTNE et DTNO qui ont capté les deux tiers du magot. Les Parisiens seront contents d’apprendre que la DTES regroupe les quartiers de Ménilmontant dont les députés sont Fanélie Carrey-Conte (frondeuse, proche de Benoît Hamon), Sandrine Mazetier, Cécile Duflot et David Assouline. La DTNE est essentiellement concentrée dans le 19è arrondissement sur les circonscriptions de Cambadélis et de Vaillant, avec un petit bout à la strauss-khanienne Dagoma. La DTNO s’étend jusqu’à la circonscription de Christophe Caresche.

Les petits gestes en faveur des « jeunes » de ces quartiers permettront de rendre visible l’action concrète des députés locaux, essentiellement financée par le contribuable. Les mêmes députés ne manqueront sans doute pas de vitupérer contre les fraudeurs fiscaux, bien entendu.

La subvention, outil de proximité

La subvention constitue un moyen commode de faire de la politique. Elle permet de s’attacher la fidélité d’une clientèle de terrain qui fait votre promotion au jour le jour. Elle permet aussi d’envoyer des petits gestes d’amitié aux copains.

Par exemple, dans la zone Nord-Ouest, Paris Habitat a consacré 10.000 de ses 80.000 euros de subvention à l’association d’insertion « Halage », présidée par une conseillère municipale divers gauche de l’Ile-Saint-Denis, petite commune de 7.000 habitants dont le maire n’est autre que l’époux de la présidente. Ce petit geste est évidemment bienvenu.

Dans la zone du 19è arrondissement, l’association qui reçoit l’aide la plus importante (8.000 euros) est la Petite Rockette. Cette particularité fait sourire: l’association n’est pas du tout installée dans le 19è arrondissement, et on se demande bien pourquoi cette « ressourcerie solidaire » n’est pas financée par sa zone de rattachement.

Les mystérieuses subventions à Sevia

Mais les plus grandes surprises se trouvent évidemment dans la zone de Ménilmontant, où les montants de subvention sont les plus élevés. Une association attire tout particulièrement l’attention, parce qu’elle a reçu 27.000 euros des mains de Paris Habitat, soit 15% des montants alloués pour le quartier: Sevia.

Cette association présente toutes les caractéristiques de l’association bidon. Créée en septembre 2014, elle bénéficie des largesses subites de Paris Habitat. Voici comment le Journal Officiel la présente:

Paris Habitat

27.000 euros pour ça? Bizarre…

La somme est d’autant plus étonnante que cette association toute nouvelle n’a pas de site Internet, et n’est pas référencée par les Pages Blanches au 77, rue de La Mare, son adresse officielle. Cette association de « stimulation écologique » paraît en tout cas assez peu stimulée par la transparence.

L’annuaire des associations fournit par le site de la ville n’est pas plus loquace:

Paris Habitat

Pourtant la même association a reçu 1.000 euros de subvention de la part de la ville en 2015. L’opération pour laquelle la Ville avait donné son soutien était présentée ainsi:

Il s’agit principalement de proposer des ateliers individuels ou collectifs afin de replacer les personnes âgées dans la dynamique du quartier.

Voilà qui ne manque pas d’étonner! une association de « stimulation écologique » à peine créée, sans dirigeant déclaré, sans site Internet, sans téléphone pour la joindre, sans aucune trace en quelque sorte… et qui reçoit une aide de 27.000 euros de la part d’un bailleur social.

Il serait quand même intéressant d’en savoir un peu plus…

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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