Un « changement de monde » proche

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Par Charles Sannat Modifié le 15 novembre 2012 à 14h24

Hier, notre président de la République Normal 1erdonnait une grande conférence de presse, alors qu’il s’était engagé à se livrer à ce genre d’exercice tous les six mois afin de rendre compte de son action aux Français. Plus de deux heures trente d’intervention et de discussion avec les journalistes. Je souhaitais revenir sur LA phrase marquante prononcée par le Président et qui mérite toute notre attention.

« Nous vivons bien plus qu’une crise, nous vivons un changement du monde. Et c’est pourquoi depuis six mois, j’ai fait mes choix et je m’y tiens sans avoir besoin de prendre je ne sais quel tournant, je ne sais quel virage car ces choix sont conformes à mes engagements, à mes principes et, surtout, aux intérêts de la France. » Au moins, tout est dit ou presque dans cette phrase. Le Président explique pour la première fois, publiquement, la réalité de la crise que nous traversons. Les mots utilisés sont très précis et… prudents. Il évoque « un changement du monde ». Le mot « changement », bien que porteur d’incertitudes, reste un terme positif, surtout dans la dialectique de gauche. Le slogan de campagne n’était-il pas « le changement c’est maintenant » ?

Le président de la République n’a pas franchi le Rubicon en déclarant que nous vivions la « fin d’un monde ». Il n’en demeure pas moins que c’est un grand pas intellectuel qui vient d’être franchi et donne plutôt raison aux Cassandre dont je fais partie qui pensent que le modèle économique n’est plus viable, que l’idée de croissance est obsolète, que les notions de travail et d’emploi seront bientôt dépassées. Nous devrons inventer autre chose et, dans un excès d’optimisme non maîtrisé, espérons que nous saurons collectivement en sortir le meilleur.


Souvenez-vous avant l’élection présidentielle américaine. Tout allait mieux que bien. Les marchés financiers montaient, nous allions avoir plein d’argent gratuit fraîchement imprimé. Le pire de la crise était même passé et était derrière nous, d’ailleurs il n’y avait plus de risque pour la monnaie unique. Enfin, l’Espagne n’avait plus besoin d’autant d’aide que cela.

C’était il y a une semaine environ. En une semaine, et depuis que Barack Obama est à nouveau président, on se rend compte tous les jours qu’il y a des problèmes. Enfin, quand je dis « on », je ne pense pas à nous. Nous, on avait compris. Non, je pense à eux. Eux… ce sont les « zinvestisseurs qui animent les marchés ». C’est une espèce d’être à la mémoire de « red fish » comme disent nos copains anglais, ce qui n’est pas un compliment. Le « red fish », vous l’aurez compris, c’est le poisson rouge. Un petit animal que ma fille affectionne tout particulièrement et qui a la particularité de pouvoir tourner indéfiniment dans un bocal ridiculement petit posé sur le plan de travail de notre cuisine. Il ne s’ennuie pas notre poisson rouge. Car sa mémoire ne dure qu’une seconde… Même pas le temps d’un tour de bocal.

Nos amis « zinvestisseurs » me font penser à mon poisson rouge… Enfin, pas le mien, celui de ma fille, même si c’est moi qui lui change son eau et lui donne à manger. Aucune mémoire, un comportement moutonnier confinant à la stupidité la plus extrême. Tout le monde peut donc découvrir subitement… Que les États-Unis ont un menu problème d’ordre budgétaire. Que la Grèce est dans une situation catastrophique avec un PIB qui vient de perdre encore 7,2 % !! D’ailleurs à ce rythme, la Grèce n’aura bientôt plus de PIB du tout… Que la croissance mondiale patine et ne repart pas. Que le Japon repart en récession, mais l’avait-il vraiment quittée… Que les tentatives désespérées d’impression monétaire font gonfler quelques bulles spéculatives mais ne parviennent pas à relancer durablement l’économie. Que l’Europe entière s’enfonce dans une récession destructrice. Que la France, notre pays, va mal.


Mais tout cela n’existait pas avant les élections présidentielles américaines. Il est important de reparler de tout ça. Il est important de montrer à quel point l’information peut être sélective. Il est important de montrer et de remontrer que le « consensus » empêche toute réflexion pour la majorité. Car il n’y a rien de nouveau… mais pourtant c’est une redécouverte quotidienne. Ce ne serait pas aussi grave, la situation serait vraiment drôle.

Nos chers « amis » allemands, qui semblent avoir décidé de se taper la France pour se « faire » l’euro, l’idée étant de ne pas passer pour celui qui aura cassé la monnaie unique, nous mettent dans une situation effroyable en pointant nos « défauts » dans un climat où les agences de notation sont aux aguets.

Alors nous devons nous attendre à une nouvelle dégradation de notre note souveraine. Cette fois-ci, elle risque d’être ravageuse et, dans cette nouvelle conjoncture économique, il est peu probable de continuer à voir longtemps notre pays persister à emprunter à taux réels négatifs.

Il n’y a pas à dire, c’est vraiment « un changement du monde » auquel nous avons à faire face.

Avant que le monde change, le monde ancien devra prendre fin.

Serez-vous prêt ?

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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