Manif pour tous : Le mauvais temps, meilleur, et pire allié de François Hollande

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 24 mai 2013 à 4h50

Pour le meilleur et pour le pire. C'est ce que le président normal doit se dire le matin en regardant la pluie tomber quasi sans s'arrêter sur "son" pays en crise. "Gouverner c'est pleuvoir" avait dit celui que ses amis présentent comme un pince sans rire, flegmatique lors d'un déplacement (pluvieux) au Maroc, réputé pour son temps humide comme chacun sait.. Son avion présidentiel n'avait-il pas été frappé par la foudre, au décollage, pour se premier déplacement à l'étranger ? Quelques mois plus tard, assumant, il déclarait "Partout ou je me déplace, la pluie vient". Mais que ce qui pouvait paraître sympathique au début du mandat d'un président normal commence à peser après douze mois de présidence anormale.

Ces dernières semaines, plusieurs magazines, comme le Point ou le Nouvel Observateur, ont voulu faire des parallèles entre 1789, 1936, 1968 et 2013. Excellents dossiers, très instructifs. En oubliant un détail qui a son importance : En 1789, les historiens affirment que le temps était exécrable, depuis des mois. Le blé d'hiver n'avait pas donné. Le peuple avait faim. Il avait aussi le bleu, pardon, le blues. Et assez marre des nantis au sang bleu qui ignoraient le drame qui se jouait parfois sous leurs fenêtres. En ce moment, dans les beaux quartiers de Paris, proches des ministères, les pérons des églises, les pas de porte d'immeubles hausmanniens, ont des airs de cour des miracles. Les nantis d'aujourd'hui, la nouvelle aristocratie au pouvoir, est elle aussi aveugle que celle de 1789 ? Il faut le croire. En tout cas, le temps est le même. A l'orage.

Sur le plan économique, après un hiver globalement assez pourri, il faut dire ce qui est, le printemps ne démarre pas. Or le printemps, c'est ce moment qu'attendent toutes les activités cycliques pour se refaire, après un premier trimestre toujours structurellement morose. Les Français n'ont plus de sous après les agapes de Noël. Sauf que là, pas de printemps. Tous les commerces qui vivent et vendent dehors souffrent comme jamais. Sur les marchés comme aux terrasses des cafés et restaurants, c'est Verdun, version août 1792, référence à la première défaite de la toute jeune République. Le tourisme ? Dans les choux. L'habillement ? Il brade à mort. Je pourrais ainsi citer une longue litanie d'activités lourdement impactées par le climat, pas politique ou économique, mais météorologique.

En avril pourtant, au Château, (l'Elysée, en jargon de communicants politiques), on se réjouissait de voir le temps pourri doucher les espoirs des opposants au mariage pour tous. Après le succès indéniable de la manif pour tous du 24 mars (sous un ciel déja gris, par 10 degrés maximum, venteux), le froid a découragé bien des manifestants de s'installer durablement sur le pavé. Le soir, quelques dizaines de jeunes avaient bien prévu des sacs de couchage et des tentes, façon Indignados espagnols, mais n'étaient pas plus motivés que cela à l'idée de passer la nuit sur les Champs-Elysées glacés. Les CRS ont terminé de les décourager en les délogeant sans trop de mal. Les jours suivants, pareil : froid, pluie. Les veilleurs n'avaient qu'à bien se tenir. Ils allaient lâcher le pavé.

Seulement voilà : les veilleurs sont aujourd'hui rassemblés tous les soirs dans plus de 120 lieux symboliques partout en France, et leurs effectifs gonflent tous les jours. Ils ont appris à s'équiper, et à surmonter les caprices de la météo. Dans le même temps, les CRS et gendarmes, qui sont tous les soirs dehors aussi, commencent sérieusement à râler. Non seulement parce qu'ils n'en peuvent plus d'encadrer des jeunes et des mères de famille assis en tailleur une bougie entre les jambes et qui chantent et prient calmement. Ils se sentent définitivement inutiles, et surtout, pas à leur place. Les témoignages de manifestations d'empathie de policiers et gendarmes envers les veilleurs affluent sur les réseaux sociaux, et la hiérarchie est débordée et n'ose pas sanctionner ce qui ne peut décemment l'être. Mais aussi parce que les policiers et gendarmes aussi, ne sont pas étanches au froid et à la pluie. Ils ont beau être équipés, ils ne sont pas de bois. Les forces du maintien de l'ordre, en France, sont à bout et physiquement, et nerveusement.

Et voici que la "Manifestation monstre" du 26 mai arrive. Alors que la loi autorisant le mariage homosexuel a été votée, validée par le Conseil Constitutionnel (non sans contraintes lourdes quant à l'adoption, consacrant un droit nouveau, le droit de l'enfant), les opposants scandent "On ne lache rien", et rappellent que d'autres lois dans le passé ont été retirées après leur vote et leur promulgation, comme la loi sur l'école libre, la loi Devaquet ou le CPE. Quel temps fera-t-il dimanche à Paris ? Siri d'Apple répond "prenez votre parapluie". Il fera 15°C et le temps sera une fois de plus à la pluie. Mais dans les esprits des manifestants, il fera chaud, très chaud bouillant. Tous les indicateurs le confirment. Les TGV spéciaux montant de province sont pleins depuis plusieurs jours, et tous les jours des cars supplémentaires sont affretés et remplis en quelques minutes, le prix du transport aller-retour comme les temps de trajet (parfois douze heures ou plus !) non plus.

Oui, le mauvais temps est le meilleur allié du monarque élyséen, tiédissant les ardeurs. Il ne faut aucun doute que si le mois de mai avait affiché ses normales saisonnières, tant en terme d'ensoleillement, de température, que de précipitations, la Sorbonne et quelques autres lieux symboliques seraient déjà occupés, comme en mai 68. Mais en 68, il n'y avait pas eu de "Manifestation Monstre" organisée, par des centaines de cellules autonomes réparties sur tout le territoire, une fatiguée étant aussitôt renforcée ou remotivée par dix voisines. Les énergies qui ont permis de collecter en quelques semaines 700 000 pétitions, jettée à la Seine dans un mépris hors norme, se sont retrouvées dans l'organisation de cette "Manifestation Monstre" du 26 mai, qu'il fasse beau ou mauvais. A tel point que le mauvais temps, avec un président qui a remonté les Champs-Elysées le jour de son investiture sous des trombes d'eau, et qui arrive même à faire pleuvoir au Maroc à son arrivée, cela devient aussi inconsciemment la faute du gouvernement. Sa faute.

Si le soleil (pas le Roi) revenait, ce serait à double tranchant. Favorisant les ardeurs révolutionnaires mais redonnant le moral aux Français.

Réponse, dimanche soir.

Un an de Hollande... sous la pluie par lefigaro

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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