Fort rebond

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Par Stéphane Déo Publié le 25 juin 2020 à 13h39
Confinement Gagnants De La Crise
11%Bercy table sur une récession en France de 11% en 2020.

Nous avons dit à plusieurs reprises qu'à notre avis le consensus sous-estimait la phase initiale du rebond. Il semble que ce soit bien le cas. On peut aussi raisonnablement espérer être très proche de la normalisation fin 2021, il faudrait donc de l'ordre de deux ans pour retrouver le niveau de production pré-crise.

Point de marché : l'obligation centenaire

On peut s'arrêter sur une curiosité de marché : une obligation à 100 ans. Émise par l'Autriche en septembre 2017 avec un montant d'émission de 6 milliards, cette obligation a pour échéance le 12 septembre 2117. Cette souche a été abondée hier via une adjudication, il y a eu 13 milliards de demande dont 2 milliards alloués à un taux de 0,88%.

Ce matin elle a un rendement de 0,75% sur le marché, oui, un petit 0,75% sur 100 ans, cela ne fait pas vraiment rêver ! L'évolution des taux sur cette obligation, cotée AAA, suit d'ailleurs de très près les taux 30-ans allemands avec une prime de l'ordre de 80 pdb. Taux allemands 30-ans qui sont quasiment à zéro.

Les produits de taux ultra-longs ne font décidément pas rêver !

Pourquoi un rebond aussi fort ?

Commençons par les données économiques.

Hier deux indicateurs avancés ont été publiés en Europe, l'IFO en Allemagne en hausse forte et bien au-dessus des attentes, et l'enquête INSEE, là aussi en forte hausse et bien meilleure qu'attendue.Pour l'enquête INSEE, notre composante préférée est « perspectives personnelles de production » qui est la composante qui donne le meilleur signal sur l'activité future. On assiste à un retournement assez saisissant en deux petits mois, avec un niveau qui est passé du plus bas historique en avril à un niveau très élevé en juin puisque le chiffre de juin se situe dans le 5éme percentile historique.

Conséquence, les indices de surprises économique se redressent aussi très nettement. L'indice américain est de loin le plus impressionnant comme le montre le graphique ci-dessous : on est passé il y a peu du pire niveau jamais enregistré, à un niveau record hier. L'indice global qui vient lui de très bas, est repassé en positif, l'indice européen se redresse à une vitesse sans précédent même s'il reste pour l'instant à un niveau négatif.

Nous avons dit à plusieurs reprises qu'à notre avis le consensus sous-estimait la phase initiale du rebond. Il semble que ce soit bien le cas.
Après cette phase initiale qui s'annonce effectivement très rapide, comment attendre la normalisation de l'économie ?

Il est évident que cette crise laissera des séquelles et qu'un retour total à la normale sera plus compliqué. Le consensus des économistes, dont on vient de dire qu'il est probablement trop prudent au moins sur la phase initiale, attend un retour du PIB à son niveau pré-crise dans deux ans. C'est long deux ans. Mais c'est aussi considérablement plus court que lors de la dernière crise, c'est quatre fois plus rapide que la dernière crise où il avait fallu attendre presque 8 ans pour revenir au niveau pré-crise. C'est surprenant car la crise actuelle est bien évidemment beaucoup plus destructrice que la précédente : en prenant de nouveau les chiffres du consensus, on obtient une baisse du PIB trois fois plus forte que lors de la dernière crise. La correction serait donc 12 fois plus rapide!

Comment expliquer cela ?

La raison est que faire l'hypothèse que l'économie retrouver son potentiel en deux ans après une récession est effectivement raisonnable. En 2009 l'économie était en surchauffe totale, avec un output gap proche de 3%. Pour retrouver le niveau d'activité pré-crise il faut donc énormément de temps. En revanche à l'époque le PIB était bien retourné à un niveau cohérent avec son potentiel après un peu plus de deux ans. La situation est totalement différente cette fois ci, retrouver le niveau de PIB pré-crise c'est juste retourner au niveau du PIB potentiel. Paradoxalement et malgré l'effondrement de la production, c'est beaucoup plus facile. On peut donc raisonnablement espérer être très proche de la normalisation fin 2021.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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