Reconnaissance faciale, éthique et progrès.

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Par Arnaud Philippon Publié le 20 février 2021 à 8h30
Reconnaissance Faciale Ethique Progres
45%En 2018, 45 % des mobiles vendus dans l'Hexagone intégraient la reconnaissance faciale.

On entend peu parler de la reconnaissance faciale, probablement car certains trouvent le sujet trop technique ou par fatalité. Il est pourtant essentiel de pouvoir se faire une opinion éthique sur le sujet. Voici donc quelques considérations.

Le fonctionnement et les usages de la reconnaissance faciale

Comment fonctionne la reconnaissance faciale ? plusieurs techniques existent mais voici les principes essentiels : un programme doté d'intelligence artificielle analyse la présence de visage ou non sur une photo. S'il y a un visage, des capteurs 2D et 3D mesurent la distance entre les deux yeux. Pourquoi entre les deux yeux ? Car passé un certain âge, votre visage évolue, mais jamais la distance entre vos deux yeux. Une fois cette mesure prise, le programme analyse des centaines (parfois des milliers) de points biométriques (le nez, la bouche, la mâchoire…) et votre visage devient un code. Et la 3 e étape intervient : ce code est comparé à tous ceux qui sont autour de vous.

Il existe deux usages de la reconnaissance faciale. « Qui suis-je ? » c'est l'identification d'une personne. « Suis-je celui que je prétends être ? », c'est l'authentification, comme pour déverrouiller son téléphone par exemple.

  • D'un côté j'autorise le système à comparer une information que je lui donne, avec une autre fournie auparavant. C'est une technique comme une autre, plus précise même et donc plus sûre. Elle me semble raisonnable, encadrée, je n'y suis pas défavorable à condition que l'information envoyée pour comparaison ne soit pas enregistrée (c'est rarement le cas).
  • De l'autre côté, le système apprend « qui je suis » en reconnaissant des milliers de points biométriques.

Certaines sociétés d'assurance utilisent déjà la biométrie faciale pour analyser votre santé et fixer le prix de votre cotisation. C'est performant, mais le plus impressionnant reste la personnalisation de la relation usager : la reconnaissance des émotions. Il s'agit du facial coding, ces programmes utilisent les travaux de Paul Ekman. En 1970 ce chercheur a analysé les mouvements des 42 muscles du visage pour en définir 6 émotions : la joie, la surprise, le dégout, la peur, la tristesse, la colère. Ce sont des micro-expressions d'un quart de secondes, peu visibles à l'œil nu. Les grandes surfaces comme Walmart l'utilisent dans leurs magasins, Disney au cinéma et d'autres encore.

Les points positifs et les dangers

Découvrir ces usages peut paraître angoissant, certes, mais avouez qu'il y a un côté séduisant ! Nous n'avons plus besoin de mot de passe, de clés, de papiers d'identité, de carte bancaire ! Et puis, on aime être reconnu, comme dans votre restaurant habituel : le patron, ce bon ami, vous souhaite la bienvenue et vous installe à sa meilleure table.

Certains affirment encore que la reconnaissance faciale ouvre un monde plus sûr. Cette technologie permet d'arrêter les terroristes, les voleurs. Oui, bien sûr, mais le prix à payer est lourd ! C'est tout le problème de la surveillance. Nous avions hier une surveillance ciblée sur certains individus. On avait assez de doutes sur ces individus pour déployer des moyens exceptionnels dans un temps donné. Aujourd'hui nous avons une identification et une surveillance de masse, pour en repérer quelques-uns. Ça en devient même un véritable « capitalisme de la surveillance » car certaines données sont vendues, achetées. Vos informations ont un prix.

Est-ce inéluctable ? Je ne suis pas celui qui vous dira qu'il faut empêcher le développement des technologies, des sciences, des savoirs. Je crois au contraire que c'est essentiel. Néanmoins, voici une petite réflexion personnelle.

Un comportement éthique

Pour fonctionner, la reconnaissance faciale utilise une IA faible. Il y a trois types d'intelligence artificielle : l'IA faible, c'est un système qui exécute la tâche pour laquelle vous l'avez programmé, elle fonctionne en silo et nécessite des bases de données pour fonctionner. Il s'agit de lui faire faire un maximum d'erreur afin qu'on lui apprenne ses erreurs. L'IA transverse, elle peut exécuter des tâches qui nécessitent plusieurs programmations, c'est par exemple le robot assistant de l'humain qui déciderait de laver les vitres, ou faire la cuisine… Et puis l'IA forte que les transhumanistes imaginent capable de penser, d'avoir une conscience de soi.

Nous en sommes aujourd'hui à la maîtrise de l'IA faible, dont la reconnaissance faciale est issue. Oui, dans les 5 prochaines années la demande de reconnaissance faciale ou de technologie nécessitant une IA faible sera importante, c'est l'ère du capitalisme de la surveillance. Toute donnée est nécessaire pour réduire le risque d'échec. Mais dans 5 à 10 ans, ce sera l'IA transverse. On aura alors dépassé le besoin de surveillance. A titre d'exemple, la voiture autonome nécessite aujourd'hui une surveillance très importante pour les millions de kilomètres qu'on lui fait faire afin de se perfectionner. Mais une fois perfectionnée, il n'y a plus besoin de surveiller la voiture en route.

Les entreprises françaises peuvent et doivent choisir de refuser le capitalisme de la surveillance et certains aspects de la reconnaissance faciale comme l'identification, tout en investissant dans l'avenir. IBM l'a fait.

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Consultant en transformation numérique du Secteur Public depuis plusieurs années. Il a notamment été en charge de grands projets de relation Administration/Usagers. Il est spécialisé dans l'identité numérique. 

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