Baisses de taux à venir…et ralentissement économique américain ?

Les premières baisses de taux se profilent à l’horizon, mais les derniers indices de prix publiés aux Etats-Unis ne poussent pas la Réserve Fédérale à presser le mouvement.

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Par Alexandre Baradez Publié le 20 mars 2024 à 4h00
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3,8%L'inflation aux Etats-Unis reste élevée à 3,8%.

On sait que la Fed surveille principalement l’inflation PCE, c’est la mesure qu’elle utilise tous les trimestres lorsqu’elle publie ses nouvelles projections. Et de ce côté-là, il n’y a pas eu de mauvaise surprise dans les chiffres publiés en février : l’inflation PCE sous-jacente (« core ») a poursuivi son ralentissement à 2.8% soit la plus faible progression depuis mars 2021. On a toutefois noté que la variation mensuelle de cette inflation PCE a été deux fois plus importante que le mois précédent (+0.4% vs +0.2% le mois d’avant).

Les publications suivantes d’indices de prix ont été un peu moins favorables : l’inflation CPI sous-jacente, autre mesure de l’inflation aux Etats-Unis, progresse toujours à un rythme annuel de 3.8%. C’est certes un tout petit peu mieux que le mois précédent (3.9%) mais c’est en revanche supérieur au consensus (3.7%) et le constat est le même pour le chiffre mensuel ressorti à 0.4% versus un consensus de 0.3%.

Il y enfin l’indice des prix à la production. Non pas que son niveau absolu de progression (+1.6% en donnée annuelle) soit inquiétant…mais c’est très largement supérieur au consensus qui était de 1.1% et c’est presque le double du mois précédent (0.9%). Et en variation mensuelle (+0.6%), c’est deux fois supérieur au consensus et au mois précédent.

Pourquoi faire un focus là-dessus ? Parce-que des prix à la production qui progressent plus fortement qu’attendu peuvent entraîner des répercussions sur le prochain chiffre d’inflation PCE, la référence pour les décisions de la Fed sur sa politique de taux.

Les marchés obligataires, une nouvelle fois, ne s’y sont pas trompés et le taux 10 ans américain a rebondi à 4.30% jeudi après-midi après les indices de prix à la production, soit une hausse de 12 points de base en quelques heures et sachant que 5 jours avant, ce taux évoluait proche des 4%.  On a également noté une progression de la volatilité sur le SP500, signe que les investisseurs se posent des questions sur la date de la première baisse de taux de la Fed.

Il y a un élément qui nous semble important : depuis quelques semaines, les publications macro américaines tombent plus régulièrement en-dessous du consensus qu’au-dessus, en témoigne l’inflexion à la baisse de l’indice de surprise économique outre-Atlantique. Dernier exemple en date : les ventes au détail publiées jeudi après-midi, certes ressorties en progression, mais plus faible qu’attendu.

Cela se traduit au niveau des anticipations de croissance américaine de la Fed d’Atlanta pour le premier trimestre : alors que cette prévision était montée à plus de 4% courant janvier, elle évolue désormais à 2.3%. Il s’agit certes d’un modèle de prévision assez volatil, mais nous ne sommes pas surpris de sa trajectoire par rapport aux publications macro plus irrégulières des dernières semaines.

Et c’est peut-être cette situation qui pourrait pousser les marchés actions à consolider un peu : une première baisse de taux de la Fed qui pourrait n’intervenir qu’au troisième trimestre, si l’on en croit les déclarations de certains membres de la Fed comme Raphael Bostic, et qui serait espacée de quelques mois avec la suivante…mais avec en parallèle une dynamique économique qui commencerait à ralentir (notamment la consommation).

Un ralentissement trop progressif de la pression sur les prix pour que la Fed déclenche une série dynamique de baisses de taux, nécessitant un ralentissement économique un peu plus marqué pour que l’inflation sous-jacente converge durablement avec l’objectif d’inflation.

Et ce ne serait pas forcément une mauvaise chose : des indices comme le Nasdaq100 ont connu une progression de plus de 30% en moins de 5 mois, pour le SP500 cette progression est de 26%. Un marché actions américain toujours largement tiré par la tech et le thème de l’intelligence artificielle, mais qui a totalement occulté la forte dégradation des anticipations de baisse de taux : fin décembre ces anticipations étaient de 6 baisses de taux en 2024, elles ne sont « plus que » de 3 baisses désormais.

Ces dégradations d’anticipation de baisses de taux ne sont pas un problème pour les investisseurs tant que l’inflation continue de ralentir et que l’économie résiste bien…mais si l’économie commence à faiblir et que le ralentissement de l’inflation n’est pas assez rapide, cela peut créer un effet ciseau temporaire pour les marchés actions.

De son côté, la BCE est un peu plus précise que la Fed sur le timing de la première baisse de taux et le mois de juin semble tranquillement se dessiner. Mais pas de quoi avoir une lecture totalement « dovish » de la situation : la pression sur les salaires a légèrement diminué ces derniers mois mais ces derniers progressent toujours à plus de 4% et l’inflation sous-jacente en zone euro évolue encore à 3.1%. C’est évidemment beaucoup mieux que le pic à 5.7% en 2023 mais il y a encore un « dernier kilomètre » à parcourir jusqu’à 2% et il ne se fera pas forcément en ligne droite.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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