Réseaux mobiles : SFR et Bouygues Télécom s’allient

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Par Juliette Paoli Publié le 31 juillet 2013 à 3h30

SFR et Bouygues Télécom ont décidé la semaine dernière de mutualiser leurs réseaux mobiles. Des économies à la clé pour être plus fort face à la concurrence. Le point.

Un simple communiqué de presse peu disert et imprécis ce lundi 22 juillet, et voilà que l'annonce de rapprochement entre deux géants des télécoms fait l'effet d'une mini bombe. Les Echos, 20 minutes, Le Nouvel Observateur, l'Express... chacun y va de son analyse. Car l'enjeu est de taille pour les opérateurs : la 4G et les millions de clients à gagner pour faire rentrer de l'argent frais dans les caisses. Les investissements sont lourds, très lourds pour mettre en place un réseau 4G, et chacun sait que, dans ce cas, on est plus fort à plusieurs que tout seul. L'idée de SFR et Bouygues est donc de mutualiser leurs équipements respectifs - 2G et 3G compris d'ailleurs. Ainsi, dans les zones les moins bien desservies, l'opérateur le mieux implanté prendrait en charge le réseau de son partenaire.

L'alliance

En quoi consiste exactement cette alliance ? Selon le communiqué de presse commun « Bouygues Telecom et SFR sont convenues d'entamer des négociations exclusives dont l'objet est d'aboutir à un accord de mutualisation d'une partie de leurs réseaux mobiles. ». Il s'agit donc à l'heure actuelle de négociations, et non d'un accord définitif. Par ailleurs, le communiqué précise que « chaque opérateur conserverait une capacité d'innovation autonome et une indépendance commerciale totale ». Il ne s'agit donc pas non plus d'une fusion, mais d'un partage de moyens techniques. Le secrétaire général de SFR, Olivier Henrard, a indiqué à ce propos dans une interview à ZDnet.fr qu' « elle [la fusion] ne se fera pas car l'Autorité de la concurrence est contre ». Le secrétaire général précise aussi que chacun des opérateurs n'utilisera que ses propres fréquences. La 4G de SFR ne passerait donc pas par le réseau 1800 MHz de Bouygues, fréquences 2G que ce dernier va utiliser dès le 1er octobre pour sa 4G suite à l'autorisation reçue par l'Arcep, le Régulateur des télécoms, en mars dernier.

Outre les négociations à mener en interne entre les deux opérateurs, l'accord ne sera définitif qu'après validation par l'Arcep – qui, précisons-le, est favorable à ce type de contrat de mutualisation. En outre, Orange (selon Le Figaro) et Free (selon Univers Freebox) ont présenté un recours devant le Conseil d'Etat contre Bouygues et son autorisation detransformer ses fréquences 1800 MHz. Si tout se passe bien pour SFR et Bouygues, l'accord ne sera effectif que dans un an et prendra plusieurs années à se mettre en place, selon Olivier Henrard.

SFR et Bouygues : plus forts à deux

Selon les chiffres au 1er juillet de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), les deux opérateurs disposent au total de 24 000 antennes en 3G, ce qui les place devant les concurrents Orange et Free pour couvrir le territoire et satisfaire leurs 31,3 millions de clients actuels (21 millions pour SFR et 11,3 chez Bouygues). Bouygues dispose de 2057 sites compatibles avec la 4G - il peut toucher à lui seul 40 % de la population française -, à ajouter aux 853 sites 4G (en 800 MHz et 2,6 GHz) de SFR. Pour augmenter sa couverture, SFR peut aussi faire une demande à l'Arcep pour recycler lui-aussi ses fréquences 2G en 4G. D'autant qu'il va récupérer, comme Free et Orange, une partie des fréquences 1800 MHz que Bouygues doit rendre – une décision imposée par L'Arcep en même temps qu'elle autorisait l'opérateur à transformer sa 2G en 4G.

Quelles économies pourraient réaliser les deux opérateurs ? Le site boursier.com les estime à 100 millions d'euros par an. Les Echos parlent de 250 à 350 millions d'euros annuels à eux deux. D'autres, plus prudents, évoquent une réduction des coûts de maintenance de 30 % et d'investissement de 20 %. Une bouffé d'air pour Bouygues qui doit payer une redevance annuelle à l'Etat de quelques 60 millions d'euros pour exploiter ses fréquences 1800 MHz – il vient d'ailleurs lui aussi de déposer un recours devant le Conseil d'Etat, mais contre le décret fixant les tarifs d'exploitation de la 4G qu'il juge trop élevés. Précisons encore que Bouygues a déboursé presque 1 milliard d'euros à la fin 2011 pour acheter des fréquences 4G. Et que son année 2012 n'a pas été bonne, puisqu'il a perdu 16 millions d'euros. SFR a bien besoin d'un coup de pouce lui aussi, qui a mis sur la table 1,215 milliard d'euros pour ses fréquences 4G et vu son activité mobile reculer de 11,1% à 7,5 milliards d'euros en 2012.

Les actions se portent bien à la Bourse

S'il y a des heureux pour le moment, c'est bien à la Bourse de Paris. En mars dernier, lorsque Bouygues a reçu le feu vert du gendarme des télécoms pour convertir son réseau 2G en 4G, son titre avait grimpé de près de 7 %. Aujourd'hui, l'opérateur profite une nouvelle fois de l'annonce de cet accord, avec une action qui s'est envolée de 6,8% le 23 juillet à 22 euros. Selon les critères financiers, les actions sont « à conserver », elles pourraient donc monter à l'avenir. Le cours de la maison mère de SFR, Vivendi, a lui gagné 2,39 %. Il est intéressant de noter que SFR préparerait justement son entrée à la Bourse fin 2014 ou début 2015, avec une valorisation estimée de la société comprise entre 12 et 20 milliards d'euros. Son patron, Stéphane Roussel, compterait même rejoindre le cercle très fermé du CAC 40. L'alliance conclue avec SFR l'y aiderait tout comme la 4G en apportant à sa société une hausse de 10 euros par mois du revenu moyen par abonné par rapport à la 3G.

Et les clients ?

Que vont gagner les clients de cette alliance ? Selon le communiqué de presse commun, ils vont bénéficier d'une « meilleure couverture géographique » et d'une « meilleure qualité de service ». Certes, mais si la qualité est identique entre les deux opérateurs, pourquoi alors choisir l'un plutôt que l'autre ? La différence se fera nécessairement sur les services. Ainsi, pour inciter les consommateurs à passer à la 4G, Bouygues imagine des smarphones compatibles que l'on peut payer sur 1 ou 2 ans ou encore des modèles moins chers de marque propre. Quant à ses abonnements 4G, ils sont attendus très bientôt, avant le 1er octobre date de lancement de sa 4G sur ses réseaux 1800 Hz. Pour séduire leurs premiers clients, les opérateurs offrent aujourd'hui des forfaits à peine plus chers que ceux dédiés à la 3G, mais après ? On n'en sait guère plus....

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Juliette Paoli est journaliste, spécialiste des nouvelles technologies, high-tech et Internet.

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