Prendre la mesure du risque politique américain pour 2020

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Par Hervé Goulletquer Publié le 23 décembre 2019 à 13h41
Chine Etats Unis
60%Plus de 60% des Américains pensent que la Chine est un adversaire.

Comment ne pas considérer que la procédure de destitution rend encore moins lisible la situation politique américaine ? Il faut aussi noter que les Américains ne considèrent la Chine ni comme la menace majeure pour leur pays, ni même comme représentant un danger croissant. Enfin, depuis le lancement de la geste trumpiènne contre le libre-échange économique, le soutien apporté à celui-ci par les citoyens du pays a augmenté !

Alors que la fin de l’année approche à grands pas, le marché paraît faire un double constat. D’une part, des réponses, certes incomplètes, ont été apportées aux doutes exprimés concernant les relations sino-américaines et la façon dont le Royaume-Uni sortirait de l’Union Européenne ; d’autre part, la contribution, essentielle, des banques centrales, à la stabilisation de l’activité économique et à la bonne orientation du prix des actifs, touche à sa fin. Forts de cela, les investisseurs font le pari qu’en 2020 la croissance se stabilisera, voire sera un peu plus tonique, et espèrent que le front politique sera moins riche de questionnements inquiétants que ce ne fût le cas ces derniers trimestres. En sachant, pour ce qui est de ce dernier point, que c’est d’abord vers les Etats-Unis que le regard devra se tourner. Les dossiers ne sont-ils pas là-bas nombreux : de la procédure de destitution du Président Trump à la nouvelle phase des négociations entre Pékin et Washington ?

On sait que la Chambre des représentants a voté l’acte d’accusation contre Donald Trump. Il lui reste trois choses à faire : transmettre le dossier au Sénat qui se constituera en cours de justice, se mettre d’accord avec celui-ci sur l’organisation du procès (avant tout la parution ou non de témoins) et nommer celui ou ceux de ses membres qui rempliront le rôle de procureur. On peut avoir l’impression que la majorité démocrate de la Chambre est désireuse de faire trainer les choses. Pourquoi ? Sans doute pour deux raisons essentielles : enrichir le dossier d’accusation, afin de bénéficier d’un plus fort soutien de l’opinion publique, et faire ainsi en sorte que le retentissement du procès soit d’autant plus fort et serve les intérêts du Parti démocrate dans la perspective des élections de novembre 2020.

« Jouer la montre » n’est pourtant pas sans risque pour les Démocrates. Au-delà du risque d’une paralysie partielle du Congrès à un moment où les citoyens s’intéressent davantage à la politique, deux points peuvent être à mettre en avant. Premièrement, le calendrier finalement retenu peut gêner ceux d’entre les candidats qui siègent au Sénat. On pense avant tout à Bernie Sanders et à Elisabeth Warren. Deuxièmement, si les citoyens américains trouvent que les Démocrates « instrumentalisent » le procès en destitution de Donald Trump au profit de leurs résultats au sortir des élections à venir, ils pourraient leur en faire porter le blâme, dans les circonscriptions et dans les Etats qui seront clés en matière de formation des majorités présidentielle et/ou parlementaire.

Comment ne pas considérer que la procédure de destitution rend encore moins lisible la situation politique américaine ? Quid de la résistance de Donald Trump ? Peut-il être, après Bill Clinton, un autre Président téflon qui réussirait à convaincre l’opinion que toute cette « histoire de destitution » n’est qu’un complot monté contre lui ? Et puis, quand la situation va-t-elle s’éclaircir du côté des candidats démocrates dans la course à la Maison à la Maison Blanche ? Le choix va-t-il se porter sur une personnalité de centre-gauche « bon teint » ou sur une autre aux propositions plus radicales ?

Passons à la place à accorder aux relations avec la Chine dans la campagne électorale américaine. On l’a déjà dit ; la phase 2 des négociations ne pourra probablement pas être conclue en 2020. Une des conditions demandée par la partie chinoise sera l’abandon de toutes les surtaxes mises à l’importation aux Etats-Unis de ses produits. Ce que l’Administration Trump ne pourra pas faire, au risque de paraître faible auprès des électeurs. Il faut aussi noter que les Américains ne considèrent la Chine ni comme la menace majeure pour leur pays, ni même comme représentant un danger croissant.

Un dernier point sur l’attitude des Américains. Il concerne leur adhésion au principe du libre-échange économique. Eh bien, depuis le lancement de la geste trumpiènne contre celui-ci, le soutien a augmenté. Il n’a jamais été si haut depuis plus de dix ans !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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