Royaume-Uni : austérité inefficace et croissance revue à la baisse

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Par Charles Sannat Modifié le 6 décembre 2012 à 10h02

Vous le savez, j’adore nos amis anglais, c’est une vieille tradition entre nos deux nations, dont l’amitié doit remonter quelque part à la guerre de Cent Ans. Bref, quand les Français se font ratatiner, c’est en général pour le plus grand plaisir souvent mal dissimulé de nos grands « zamis » de la perfide Albion.

Remarquez que, pour être honnête, l’inverse est également vrai. Chaque souci britannique est souvent accueilli avec un sourire en coin par nous autres mangeurs de grenouilles. En cas de victoire du XV de France sur l’Angleterre, nous sommes en général beaucoup plus heureux que de raison, mais que voulez-vous, des raisons nous en avons !!

Tenez, par exemple, en deux mois, les Grands-Bretons nous ont embêtés deux fois avec une histoire vaseuse de tapis rouge qui leur servirait prétendument à accueillir nos exilés fiscaux boutés hors de France par les forces socialo-communistes (qui ne sont parfois pas si loin que cela, je vous le concède). Franchement, un Anglais ne pourra jamais comprendre un Français, et inversement.

Je vais de temps en temps à Londres. Pas parce que j’aime Londres (il ne faut pas le dire), non, uniquement à des fins de séjours ethnographiques afin d’étudier l’une des dernières populations au monde heureuse d’avoir une reine et de chaque grossesse princière (enfin, ce n’est pas le prince qui est enceinte mais la princesse, vous l’aurez compris en cette période de mariage pour tous).

Cette population en liesse remercie chaque jour ses Lords (des espèces de nobles n’ayant pas été encore raccourcis par une guillotine lors d’une révolution) de posséder entre 60 et 80 % du sol du royaume, ce qui leur permet non pas de vendre de l’immobilier mais une espèce de bail emphytéotique de quelques années ou décennies depuis plusieurs siècles… Et ça continue, ce qui explique que des Anglais achètent en France, notamment en Dordogne, mais pas chez eux où ils n’en ont pas et n’en auront jamais les moyens.

Que voulez-vous, c’est comme ça. Depuis Thatcher, ils ont décidé de supprimer toutes les aides ou presque… Franchement, ils ne se portent pas forcément beaucoup mieux que nous, surtout que l’une de leurs grandes sources de richesses c’est désormais la place financière de Londres (la City) dont hélas, il faut renflouer quelques acteurs avec l’argent du contribuable quelque peu saigné ces derniers temps quel que soit le pays. Alors ces Anglais peuvent toujours nous donner des leçons. Certaines choses, ils les réussissent mieux, pour d’autres ce n’est pas le cas, et le temps est le meilleur des égalisateurs.

Je n’aime pas lorsque l’on encense un pays en parlant du « miracle machin ». En général, le miracle ne dure jamais très longtemps. Souvenez-vous du miracle irlandais !! Il y a un mois, on nous expliquait avec sérieux que l’Angleterre avait trouvé la solution pour sortir de la crise facilement et sans problème. Un mélange d’austérité et d’impression monétaire grâce à une Bank Of England intelligente et compréhensive. Bon, apparemment, il va falloir réviser le diagnostic.

« Le ministre des Finances britannique, George Osborne, va devoir admettre mercredi que sa cure drastique de rigueur mettra plus de temps que prévu à porter ses fruits, tout en gardant le cap et en annonçant de nouvelles coupes même si l’économie du pays reste convalescente. » C’est vrai ça, pourquoi ne pas continuer une politique qui ne fonctionne pas. Demandez aux Grecs. Depuis cinq ans, chaque année, il faut encore plus de rigueur puisque la rigueur n’a pas fonctionné l’année d’avant.

« Chantre de la rigueur, M. Osborne a mis en œuvre une cure drastique depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition conservateurs-libéraux démocrates en 2010 dans le but de réduire le ratio dette/PIB à partir de 2015/2016, soit au terme de la législature qui s’achève en 2015, et de parvenir à l’équilibre budgétaire l’année suivante. Mais dimanche, afin de préparer le terrain à une révision à la baisse de ses objectifs, le ministre a admis sur la chaîne BBC1 que « réduire la dette britannique et nous remettre de la crise financière va prendre manifestement plus de temps que ce que nous avions espéré ». »

Et il est bien là le problème pour tous. Ce n’est pas exclusivement un problème anglais. Nous n’avons plus les moyens de relancer quoi que ce soit et toute politique d’austérité ou de rigueur ne peut entraîner qu’une récession dans des économies très fragilisées par des déséquilibres accumulés depuis plus de 20 ans.

« Prise en tenaille entre l’austérité et la crise de la zone euro, l’économie britannique, qui vient de sortir de la récession au troisième trimestre, reste en effet fragile et pourrait même de nouveau se contracter au quatrième trimestre, selon la Banque d’Angleterre. » Bientôt, ces perfides anglais vont nous expliquer que c’est la faute de la récession en France si leur budget dérape… Sans doute un coup d’outre-tombe de Napoléon.

L’Office pour la responsabilité budgétaire (OBR), organisme indépendant chargé de faire les prévisions économiques et surveiller les finances publiques, devrait donc réviser en baisse ses prévisions. Puisque ces dernières, publiées lors de la présentation du budget en mars, faisaient état d’une croissance de 0,8 % cette année et de 2 % pour 2013, ce qui est désormais inatteignable !!

Et Osborne d’insister : « Revenir sur cette politique maintenant, revenir aux dépenses, à l’endettement et à l’emprunt (…) serait un complet désastre pour notre pays », a-t-il affirmé. « Ayons le courage de garder le cap » malgré l’impopularité des mesures, a-t-il par ailleurs insisté dans le journal Sun on Sunday.

Je suis d’accord sur le fait que lutter contre une crise d’endettement par encore plus de nouvelles dettes n’est en soi pas une excellente idée économique. Mais la rigueur par la hausse d’impôts ou la baisse des dépenses, peu importe ce que l’on fait c’est au final le même résultat (à court et moyen terme), c’est-à-dire moins d’argent injecté ou disponible pour le système économique. Donc il en résultera une baisse du PIB qui aura pour conséquence d’augmenter in fine le ratio dette/PIB, quand bien même la dette resterait constante.

Alors en Angleterre aussi on part à la chasse à la fraude fiscale qui est la fausse bonne idée systématiquement avancée par des ministres et des gouvernants à court, justement, de bonne idée. On va encore augmenter un peu la pression fiscale, finalement comme chez nous. À ce rythme, c’est nous les Français qui pourront installer notre tapis rouge à la gare du Nord à la sortie de l’Eurostar.

Anglais, nous vous attendons. Chez nous, le droit à la propriété est respecté – enfin, pas si vous vous appelez Mittal, quoique… –, vous pourrez être propriétaire et léguer un bien à vos enfants. Vous n’avez pas besoin d’attendre 6 mois pour vous faire arracher une dent et la moitié de votre salaire avec. En plus chez nous, vous mangerez bien. Mes chers « zamis » anglais, nous vous attendons, et vu la rigueur à laquelle vous soumet Osborne, sachez que vous serez mieux, beaucoup mieux chez nous.

Bref, les Anglais ne sont pas si économiquement dans une si grande forme que cela. Mais ce ne sont pas les seuls… Tenez encore eux, les Japonais. J’aime bien les Japonais, surtout leur cuisine, bien qu’ici ce soit des Chinois qui se soient improvisés restaurateurs japonais…

Cette fois-ci les bonnes nouvelles proviennent du Gouverneur de la Banque centrale japonaise lui-même. « L’économie japonaise prend globalement une direction négative », a déclaré Kiyohiko Nishimura, lors d’une conférence de presse à Niigata (centre-nord). Cela me fait penser à la célèbre phrase de Marchais concernant le bilan « globalement positif du communisme ».

Mais rassurez-vous, on n’est pas sûr que cela aille si mal que ça. « Nous devons suivre attentivement l’évolution mois par mois », a-t-il ajouté, indiquant que « même la petite remontée de la production industrielle constatée en octobre ne devait pas conduire à un trop grand optimisme ».

Nous voilà désormais plus confiants. Nous savons donc que Kiyohiko Nishimura va surveiller la situation tous les mois… Alors je suis sûr que vous pensez que c’est une mauvaise nouvelle. Si c’est ce que vous pensez, eh bien vous avez tout faux, vous n’avez rien compris. C’est une excellente nouvelle. Youpi, le Japon va mal, c’est génial. De même le Royaume-Uni qui s’enfonce, c’est une mauvaise nouvelle ? NON, bien sûr, c’est extraordinaire. Et les USA… Plus ils vont mal, mieux c’est, car en « vérité je vous le dis », à chaque fois que ça va plus mal que mal, les autorités font la seule chose qu’elles savent faire depuis la nuit des temps… Elles impriment des billets, font des QE ou de l’assouplissement quantitatif…

Bref, elles inondent la planète de liquidité et d’argent… donné aux banquiers pour pas cher qui, à leur tour, rachètent des actions pour faire monter les cours, leurs bilans et se prendre le maximum de méga-bonus qui seront encore records cette année !! Vous verrez les gros titres de début 2013… « Bonus année record »… Qu’est-ce qu’ils vont se gaver encore cette année.

Le problème, c’est qu’à un moment ou à un autre, nous devrons tous passer à la caisse. Parce qu’il n’y a aucun secret, aucune formule magique, aucune incantation ni prière pour nous sortir du piège dans lequel nous avons mis nos économies. Il n’y aura que « du sang, de la sueur et des larmes »… Mais pour ce genre de choses, il faut le reconnaître, nos amis anglais ont toujours été très forts.

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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