Aménagement du territoire : quand le privé supplée à un gouvernement sans vision

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Par Alban Lemarchal Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

Les temps changent, et le nom des maroquins avec eux. Le ministère de l'Industrie, par exemple, est devenu le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, avant de prendre son nom actuel de ministère du Redressement productif en 2012. Ces glissements terminologiques n'ont pas qu'un intérêt cosmétique. Ils montrent la volonté des gouvernements successifs d'insister sur l'importance de tel domaine, ou au contraire d'occulter tel autre. Grand perdant de ce jeu de poupées gigognes, l'aménagement du territoire n'est plus. C'est la première fois en 30 ans qu'il disparaît des intitulés ministériels. Alors qu'il représente l'un des enjeux phares du XXIe siècle.

La banlieue c'est pas rose, la ville et la campagne non plus

Dans une tribune publiée dans Le Monde, François Sauvadet souligne cette aberration : François Hollande n'a pas prononcé une seule fois le terme d'"aménagement du territoire" dans sa dernière conférence de presse. Une raison à cela ? La gauche est un peu fâchée avec ce ministère, au sein duquel elle n'a plus placé de représentant depuis vingt ans. Tout se passe exactement comme si, pour elle, les territoires défavorisés se limitaient aux zones urbaines sensibles. Rendre les quartiers pauvres viables et vivables est primordial, bien sûr, mais il y a aussi fort à faire pour redonner leur lustre d'antan à d'autres sites aux abois. La politique à géométrie variable du gouvernement est particulièrement visible en Ile-de-France, où se côtoient plusieurs types de zones à réhabiliter, les unes prises en charge, les autres totalement délaissées.

Au rebours de la politique menée par la gauche, qui consiste à couvrir d'attentions les zones urbaines sensibles, dans lesquelles se trouve le noyau dur de son électorat, certains continuent de se retrousser les manches pour tenter, vaille que vaille, de réhabiliter des friches industrielles situées dans des zones laissées pour compte. L'enjeu est multiple. Il s'agit tout autant de répondre aux attentes urbanistiques des riverains et élus que de redonner une certaine vigueur économique à des territoires exsangues, et de promouvoir une forme de justice spatiale.

Les projets portés par ces acteurs du privé revêtent une multitude d'aspects, qui s'inscrivent à contre-courant de la ligne proposée par le gouvernement, mais se font souvent avec le soutien des élus locaux. La France a besoin de ces entrepreneurs francs-tireurs, quand on sait qu'elle compte 250 000 friches industrielles à réhabiliter.

Placoplatre pour redonner vie au fort de Vaujours

C'est un peu l'affaire du moment en Seine-et-Marne, pour qui s'intéresse aux enjeux de l'aménagement du territoire en Ile-de-France. Une affaire qui défraye la chronique, et illustre de ce fait la difficulté de mener un projet à bien, pour peu qu'il fasse preuve de hauteur de vue. La société Placoplatre, souhaite exploiter une carrière de gypse sur le site du fort de Vaujours, ancienne propriété du Commissariat de l'énergie atomique (CEA). Levée de boucliers des Verts, qui entravent le projet en dressant les riverains contre Placoplatre. Motif ? Le taux de radioactivité du fort serait supérieur à la normale.

Une théorie qui pourrait s'avérer convaincante... si elle n'avait pas été fauchée à la racine par une batterie d'études mettant à jour l'aspect inoffensif du site, dès 2001. Tous les élus ne se prononcent cependant pas contre l'exploitation de la carrière. Délégué auprès de Président du Conseil général de Seine-et-Marne, Jean-Jacques Marion supporte le projet de Placoplatre, y voyant une source de création d'emplois à ne pas prendre à la légère. 400 emplois directs et 3 000 indirects sont en jeu, et il faut donc que l'affaire cesse d'être instrumentalisée par des détracteurs sans arguments tangibles.

Grace à Xavier Niel, la Halle Freyssinet fait peau neuve

Dans le XIIIe arrondissement de Paris se trouve la halle Freyssinet, ancienne gare ferroviaire désaffectée. Rachetée par Xavier Niel en 2013, elle pourrait bien devenir, à en croire le patron de Free, "le plus grand incubateur de start-ups de France", voire "du monde". Niel a racheté l'endroit 70 millions d'euros, et devrait en être quitte pour 60 millions d'euros de frais de travaux supplémentaires, avant l'ouverture de l'endroit, en 2016-2017.

Le cas de Xavier Niel est symptomatique de la nécessité de voir s'engager des acteurs du privé pour suppléer aux lacunes de la politique gouvernementale. Si l'Etat n'a semble-t-il que faire de ressusciter des lieux qui ont pourtant fait sa splendeur d'antan, d'autres, plus visionnaires, ont bien compris que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes, et qu'il serait dommage de gâcher le potentiel de lieux dont la fertilité a déjà été avérée.

L'Etat n'est pas indifférent aux friches industrielles, mais a tendance, dans la conduite de sa politique d'aménagement du territoire, à se défausser de sa responsabilité quant à leur réhabilitation, se concentrant sur l'urbanisme en zones sensibles. Ça ne l'empêche pas de donner son avis, comme dans le cas du fort de Vaujours où Philippe Martin, ministre de l'Ecologie, a confirmé que l’instruction du dossier Placoplatre se poursuivrait normalement, mais ces réactions sont encore trop marginales. Elles ne s'inscrivent pas dans une dynamique d'ensemble. On est en droit de le regretter, quand on sait que leur réhabilitation pourrait favorablement métamorphoser l'aspect de nos villes et campagnes, et créer des dizaines de milliers d'emplois.

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Son diplôme de commerce et de gestion, spécialisation management et marketing des collectivités en poche, Alban Lemarchal devient chef de projet territorial, en charge notamment de la politique d'habitat et d'environnement d'une sous-préfecture du sud-ouest.  

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