Twitter: un modèle à bout de souffle

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Par Michel Delapierre Modifié le 23 mars 2016 à 7h10
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Parmi les victimes de l’innovation permanente, la mémoire figure en bonne place : nous oublions à mesure que la nouveauté survient.

Dans le Nouveau Monde numérique, la destruction créatrice bat son plein sans jamais s’interrompre et rarement investisseurs, consommateurs, créateurs lèvent les yeux du guidon pour regarder derrière eux. A intervalles réguliers, de nouvelles martingales se proposent de « révolutionner » l’écosystème digital. Tout va changer, tout est neuf, en permanence, et cette frénésie oublie à mesure qu’elle invente. Rappelons- nous. Il y a deux ans, c’est-à-dire il y a très longtemps, Twitter affolait la Bourse de New York : en quelques heures, le cours de l’action nouvellement introduite dépassait de 80% son cours d’introduction et 1,8 milliard de dollars tombait dans l’escarcelle du réseau social. 140 caractères, il suffisait d’y penser. Pour l’avidité des marchés, un Klondike tout neuf, une licorne généreuse dont il fallait à tout prix s’arroger une part.

Un an plus tard, le jeudi 6 février 2014, la start-up mirifique perdait en une nuit 7,7 milliards de valorisation et ses actions subissaient une baisse de 24%. Les ouvertures de compte marquaient le pas, la courbe du nombre de tweets s’infléchissait.

En ce début d’année, pas d’embellie pour le petit oiseau bleu.

Depuis janvier, l’action a encore perdu 20% sur un an. La licorne ne boite plus, elle se traine, renâcle et frise l’apoplexie. La ringardisation guette. Son concept est devenu miteux, à tel point que son créateur envisage d’abandonner sa fameuse limitation à 140 signes, après avoir permis la diffusion de vidéos et s’être creusé la tête sans succès pour intégrer plus de publicité, seule source de monétisation envisagée. Mais les yeux de Wall Street regardent déjà ailleurs. Déjà deux ans et la ruée vers l’or a déjà du plomb dans l’aile.

Du neuf sous le soleil ? Pas vraiment.

Bien sûr, la situation actuelle est éloignée de celle qui prévalait en 2001, lors de l’explosion de la « bulle internet ». Le numérique a irrémédiablement envahi nos vies et dévore inlassablement tous les aspects de la modernité. Pourtant, quelques leçons peuvent s’ériger en principes : les marchés s’enivrent toujours de croissance d’abonnés plus que de base utilisateurs, de mode plutôt que d'usage. Bien sûr des monstres qui semblent indétrônables sont apparus, mais Amazon ou Linkedin n’ont d’autres choix que de dévorer méthodiquement la concurrence pour éviter la chute. Cette marche accélérée vers le monopole ne doit connaitre aucun répit. Qui se souvient de MySpace, d’Altavista et consorts ? Plus grand monde.

Qui se souviendra de Twitter dans dix ans, quand la licorne ne sera plus qu’une carne ?

Oublier : c’est sans doute à ce prix que le numérique, et ses promesses disruptives de gains mirobolants continueront d’attirer les parieurs des marchés. Les stars du moment, Periscope et ses vidéos en direct, aussitôt vues aussitôt oubliées, Snapchat et ses photos qui disparaissent au bout de quelques secondes, ne sont pas des nouveautés, mais des symptômes, des entreprise sans employés, riches de promesses, pauvres en résultats, où l’on cherche sans trouver la création de valeur, des réseaux sans mémoires, des licornes en carton-pâte, des paradigmes de l’économie digitale.

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