Nutri-Score : ce que change — et ne changera pas — le rejet de sa généralisation

L’Assemblée nationale a rejeté, le 4 décembre 2025, la généralisation du Nutri-Score à une très courte majorité, alors que le dispositif devait devenir obligatoire sur la quasi-totalité des emballages. Ce vote, inattendu au regard du premier feu vert donné en novembre, rebat les cartes pour les consommateurs, les filières sous AOC et l’industrie agroalimentaire.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 4 décembre 2025 10h52
Nutri-Score Ce Que Change Et Ne Changera Pas Le Rejet De Sa Generalisation
Nutri-Score : ce que change — et ne changera pas — le rejet de sa généralisation - © Economie Matin

Le 4 décembre 2025, l’Assemblée nationale a finalement dit non à l’extension du Nutri-Score, malgré plusieurs semaines de débats intenses. Ce revirement intervient alors que le Nutri-Score devait devenir un repère nutritionnel universel, pensé pour rendre l’information plus lisible.

Pourquoi la généralisation du Nutri-Score devait transformer les achats des consommateurs

Le projet de loi prévoyait de rendre le Nutri-Score obligatoire sur la majorité des emballages alimentaires, objectif pensé pour aider les consommateurs à comparer rapidement la qualité nutritionnelle des produits. Le dispositif aurait couvert presque toutes les catégories, tout en prévoyant des exceptions pour les produits bénéficiant d’un signe officiel de qualité comme AOC ou Label Rouge. Cette évolution visait à uniformiser un affichage encore très inégal selon les marques. Elle devait également encourager les reformulations, un phénomène déjà observé : « Il y a une céréale très célèbre de petit déjeuner […] qui, du fait du changement annoncé de cotation Nutri-Score, a changé la recette […] pour qu’elles soient moins sucrées et moins grasses », a expliqué le sénateur Bernard Jomier, selon Public Sénat.

Cependant, malgré ces objectifs, la mesure s’accompagnait de sanctions fortes pour les entreprises récalcitrantes. TF1 Info rappelle qu’un refus d’affichage aurait entraîné une taxe équivalente à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes. Ce levier devait financer l’assurance maladie et pousser les industriels à jouer le jeu. En pratique, cette contrainte financière aurait marqué une rupture majeure dans la régulation nutritionnelle, en introduisant une obligation assortie de pénalités, ce qui a nourri une partie des critiques.

Comment un vote inattendu a refermé la porte à une réforme jugée trop brutale par certains députés

Le rejet au Sénat, survenu dès le 21 novembre, avait donné un premier signal. Les sénateurs ont repoussé la généralisation par 212 voix contre 117. Les débats ont mis en avant deux lignes d’argument. D’une part, plusieurs parlementaires estimaient que le texte arrivait trop vite. « L’article a été introduit à l’Assemblée nationale, sans concertation avec les branches, et n’a pas été discuté avec les entreprises », a dénoncé la sénatrice LR Frédérique Puissat. D’autre part, la portée coercitive de la taxe a crispé les opposants : « L'information, oui ; la taxation, non », a résumé un sénateur.

Ce rapport de forces s’est prolongé jusqu'à l’Assemblée. Bien que les députés aient adopté le texte en première lecture début novembre, le vote du 4 décembre s’est soldé par un refus, extrêmement serré : 120 voix contre 117. Ce basculement de dernière minute révèle une coalition hétéroclite mêlant élus défendant les filières sous AOC, députés refusant de renforcer les contraintes administratives et parlementaires soucieux de ne pas pénaliser les PME agroalimentaires. Au final, l’exécutif perd une réforme qu’il présentait comme un levier de santé publique, mais qui n’a pas réussi à convaincre au-delà de son cercle de soutien.

Derrière le rejet : les tensions entre santé publique, terroirs et stratégie économique

Ce vote met en lumière une fracture profonde entre les impératifs de santé publique et la défense des produits du terroir. Les filières sous AOC, AOP ou IGP craignaient de voir leur image dégradée par une étiquette potentiellement sévère, pourtant pensée pour s’appliquer de manière pédagogique. Même si ces signes de qualité figuraient parmi les exceptions prévues, la crainte persistante d’une extension future ou d’un impact sur la perception des consommateurs a alimenté une partie des oppositions. Ainsi, certains députés ont présenté le Nutri-Score comme un outil « trop standardisé » pour juger des produits patrimoniaux.

En outre, cette controverse rappelle que la régulation nutritionnelle ne peut s’isoler des enjeux économiques. L’industrie agroalimentaire, déjà sous pression sur les marges et la réorganisation des recettes, redoutait l’addition de contraintes supplémentaires. Dans le même temps, plusieurs élus considéraient que l’obligation d’affichage, accompagnée d’une taxe lourde, introduisait un précédent risqué. Une partie de la droite sénatoriale a notamment insisté sur la nécessité de privilégier l’incitation plutôt que la sanction. Le rejet n'efface pas l’intérêt du Nutri-Score, mais il suspend sa généralisation et laisse ouverte la question d’un futur compromis plus acceptable pour tous les acteurs.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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