Après plus de deux siècles de circulation, le penny américain, cette pièce d’un cent au coût de fabrication supérieur à sa valeur faciale, vient d’être frappé une dernière fois à Philadelphie, décision historique qui bouleverse la monnaie fiduciaire aux États-Unis et relance le débat sur les petites pièces en Europe.
Monnaie : le penny américain disparaît… car trop cher !

Le 12 novembre 2025, à la Monnaie de Philadelphie, le Trésorier des États-Unis a frappé les derniers penny destinés à la circulation, mettant fin à 232 ans de production continue de cette monnaie métallique. Selon le Trésor américain, le penny coûte 3,69 cents de dollar à fabriquer alors qu’il ne vaut qu’un cent, ce qui rend cette forme de monnaie structurellement déficitaire et soulève des questions sur la valeur réelle des petites pièces dans un système de paiement de plus en plus numérique. D’un côté, les États-Unis actent l’arrêt de cette pièce emblématique, de l’autre, l’Union européenne observe attentivement, car la question des petits centimes de monnaie revient, elle aussi, régulièrement à l’agenda politique.
Pourquoi les États-Unis ont décidé d’arrêter de fabriquer des penny
Dans la décision américaine, le coût du penny a joué un rôle décisif, car la fabrication de chaque pièce est devenue plus chère que sa valeur de monnaie. D’après des données communiquées par le Trésor, produire un penny coûte 3,69 cents, contre 1,42 cents environ dix ans plus tôt, ce qui signifie que l’État perd de l’argent sur chaque unité frappée, et cela année après année, malgré les volumes massifs de monnaie en circulation.
Le président Donald Trump a d’ailleurs justifié sa décision en février 2025 en parlant d’un « gaspillage » budgétaire, relaye Boursorama, lorsqu’il a ordonné l’arrêt de la fabrication de cette pièce de monnaie trop coûteuse pour les finances publiques. La même source indique que, pour le Trésor, la production du penny est devenue « financièrement intenable ».
Le 12 novembre 2025, à la Monnaie de Philadelphie, le Trésorier américain Brandon Beach a actionné la presse qui a frappé cinq derniers penny de circulation, actant la fin symbolique de 232 ans de fabrication continue. Ces cinq pièces portent un symbole oméga, détail souligné par les responsables de la Monnaie, et doivent être vendues aux enchères en décembre pour financer les opérations de la Monnaie américaine, avec une estimation d’environ 100 000 dollars pour la première et la dernière pièce. Le Trésor indique également que l’arrêt de la production des penny permettra d’économiser environ 56 millions de dollars par an.
Ce que la fin du penny change pour la monnaie américaine et sa valeur
Même si la production du penny s’arrête, la pièce reste une monnaie légale, et la question centrale devient la gestion de cette masse de monnaie déjà émise. Les autorités américaines estiment à environ 300 milliards le nombre de penny encore en circulation, un volume décrit par le Trésor comme « dépassant de loin la quantité nécessaire au commerce ». D’après Associated Press, la disparition du penny marque la première suppression d’une pièce de monnaie courante depuis le retrait du half-cent en 1857.
Les conséquences pratiques se feront surtout sentir dans le commerce de détail, dans les banques et dans la perception de la valeur de la monnaie par le public, car les prix affichés et les montants réglés en espèces devront s’adapter à l’absence de cette petite unité. AP et Reuters soulignent déjà que de nombreux commerces, notamment des stations-service, des chaînes de restauration rapide et des grandes surfaces, ont commencé à arrondir les transactions en espèces au multiple de 5 cents, ce qui met de fait le nickel au cœur de la petite monnaie.
L’Union européenne va-t-elle, elle aussi, supprimer ses petits centimes de monnaie ?
Face à ce tournant américain sur le penny, la comparaison avec l’Union européenne s’impose, car la question de la petite monnaie y est également débattue depuis plusieurs années. Dans la zone euro, les pièces de 1 et 2 centimes d’euro sont régulièrement critiquées pour leur coût de fabrication et de manutention, souvent jugé disproportionné par rapport à leur valeur de monnaie, et plusieurs États membres ont déjà introduit des règles d’arrondi pour les paiements en espèces.
La Belgique, les Pays-Bas, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, la Slovaquie ou encore l’Estonie appliquent ainsi des mécanismes d’arrondi des montants totaux en caisse, ce qui réduit l’usage quotidien de ces petites pièces sans les supprimer formellement du statut de monnaie légale. La logique économique est similaire à celle du penny : lorsque la fabrication d’une pièce coûte plus que sa valeur faciale, et lorsque les consommateurs utilisent de plus en plus la carte ou le paiement mobile, la petite monnaie perd de sa pertinence fonctionnelle.
Cependant, la structure institutionnelle de la monnaie en Europe rend une décision radicale plus complexe qu’aux États-Unis, car la gestion de l’euro implique la Banque centrale européenne et l’ensemble des États de la zone euro, ce qui suppose un consensus avant d’abolir des unités de monnaie. La Commission européenne a déjà abordé l’hypothèse d’un arrêt coordonné des pièces de 1 et 2 centimes, mais elle n’a pas encore fixé de calendrier, tandis que les banques centrales nationales testent, pays par pays, des dispositifs d’arrondi.
Dans ce contexte, la fin du penny agit comme un signal fort : elle montre qu’une grande économie peut accepter politiquement la disparition d’une pièce nationale très symbolique. Rien n’indique que l’Union européenne abolira ses centimes au même rythme, mais la dynamique observée aux États-Unis alimente clairement le débat.
