Malgré plusieurs épisodes de contamination microbiologique et la détection de micropolluants, les autorités sanitaires valident provisoirement le maintien du statut « eau minérale naturelle » pour Perrier. Un compromis sous tension, entre impératifs économiques et normes sanitaires.
Perrier : le label d’eau minérale maintenu malgré les contaminations

L’ARS donne son feu vert, sous haute surveillance
Le 7 décembre 2025, un rapport confidentiel remis au préfet du Gard par l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie et révélé par Le Monde a jeté une lumière nouvelle sur la situation de la marque Perrier. En dépit de contaminations avérées, l’avis de l’ARS est favorable à la poursuite de l’exploitation, tout en exigeant une surveillance sanitaire accrue. L’autorité de santé justifie sa décision en affirmant que les deux forages retenus, Romaine VI et VII, sont « plus préservés » que les autres sources abandonnées précédemment.
Elle ajoute que, bien que la « pureté originelle » de l’eau soit aujourd’hui « plus difficile à apprécier », un encadrement rigoureux permettrait de garantir un niveau de sécurité sanitaire suffisant. Selon le rapport, Nestlé Waters, propriétaire de Perrier, pourrait donc poursuivre l’exploitation, mais uniquement dans un cadre strict de contrôle renforcé. L’ARS recommande ainsi des analyses bactériologiques hebdomadaires, des tests virologiques mensuels et la création d’une zone de vulnérabilité autour des points de captage.
Multiples contaminations : une pureté naturelle compromise
Entre avril et novembre 2025, vingt-huit dépassements des seuils réglementaires ont été recensés sur les paramètres bactériologiques. Les agents pathogènes détectés incluent notamment Escherichia coli, des coliformes fécaux et la bactérie Pseudomonas aeruginosa, cette dernière ayant provoqué l’interruption temporaire de la production sur le forage Romaine VII fin novembre. Plus grave encore, le recours ponctuel à des procédés de microfiltration, une technique interdite pour les eaux minérales naturelles, a été mis en évidence au printemps.
Cela a soulevé des interrogations majeures quant à la conformité de l’eau Perrier avec les critères stricts imposés par la réglementation européenne, qui exige une origine pure, sans traitement. Des traces de micropolluants ont également été identifiées, dont des PFAS, des chlorates et des perchlorates. À cela s’ajoutent des signaux inquiétants d’augmentation progressive des taux de nitrates dans la nappe phréatique, possiblement liée aux activités agricoles environnantes.
Une balance fragile entre exigences sanitaires et poids économique
Ce revirement institutionnel contraste fortement avec l’avis défavorable rendu quelques mois plus tôt par un hydrogéologue mandaté, qui estimait que les conditions d’exploitation ne permettaient plus de garantir la naturalité de l’eau. L’ARS affirme désormais fonder son nouvel avis sur des « connaissances hydrogéologiques actualisées ». La décision s’inscrit dans un contexte sensible où l’image de marque de Perrier, emblème du groupe Nestlé et produit phare de l’économie locale, est à préserver. Des emplois, des circuits de distribution et des engagements internationaux sont en jeu.
Pourtant, comme le souligne La Dépêche dans son analyse du 19 mai 2025, « les eaux minérales naturelles, encadrées par réglementation européenne, sont censées être préservées de pollution et ne peuvent faire l’objet de traitement ou de désinfection ». L’ARS, tout en maintenant un discours rassurant, évoque une « situation fragile » face aux effets du changement climatique, sécheresses, épisodes méditerranéens, pressions agricoles, qui pèsent lourdement sur la pérennité des ressources.
Un label maintenu, mais sous haute tension
Alors que l’affaire est toujours suivie de près par la justice, une décision sur la légalité du label Perrier est attendue début 2026, la stratégie retenue par l’État consiste à encadrer étroitement une exploitation à haut risque sanitaire. Ce compromis permet à Nestlé de continuer à exploiter l’image de pureté de sa marque tout en répondant, en apparence, aux exigences réglementaires. Mais les doutes persistent. Les dépassements bactériologiques répétés, la détection de micropolluants et l’abandon d’une partie des forages témoignent d’un équilibre instable.
Si les contrôles renforcés permettent à court terme de maintenir l’activité, l’évolution de la situation hydrogéologique locale pourrait forcer une révision profonde du modèle actuel. À terme, c’est bien la crédibilité même du label « eau minérale naturelle » qui est en jeu.
