Précarité énergétique : 1 Français sur 10 a du mal à régler ses factures d’énergie

Entre factures impayées, logements mal isolés et températures extrêmes, la précarité énergétique s’installe durablement en France. Si 10% des ménages sont officiellement concernés, les difficultés réelles touchent bien plus largement : un tiers des Français grelottent l’hiver ou suffoquent l’été, tandis que les interventions pour impayés explosent.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 19 novembre 2025 8h00
Précarité énergétique : 1 Français sur 10 a du mal à régler ses factures d'énergie
Précarité énergétique : 1 Français sur 10 a du mal à régler ses factures d’énergie - © Economie Matin
24%Les interventions pour impayés ont bondi de 24% en un an.

Le confort thermique apparaît illusoire pour 1 ménage sur 3

Grelotter ou étouffer dans son logement, c'est une réalté qui concerne 1 Français sur 3. En effet, 35% des ménages français ont eu froid pendant au moins 24 heures durant l’hiver 2024-2025, nous apprend l'Observatoire National de la Précarité Énergétique (ONPE) dans son dernier rapport. C’est plus d’un tiers du pays ! Pire, ce chiffre explose dans certaines catégories : 63% des agriculteurs, 55% des artisans, 48% des moins de 35 ans et 45% des locataires disent avoir subi le froid chez eux. Les ménages les plus modestes sont évidemment les plus touchés, mais la précarité énergétique déborde désormais largement ce seul périmètre.

L’été n’offre aucun répit. 30% des ménages ont souffert d’une chaleur excessive dans leur logement pendant au moins 24 heures à l’été 2024, soit +7 points sur un an. Les jeunes adultes, les ménages modestes, les locataires et les habitants d’appartement sont encore une fois les plus exposés. Pour 79% des ménages concernés, la canicule est la première cause, mais 29% accusent l’isolation et 15% une ventilation insuffisante. Autrement dit, les logements ne tiennent pas la chaleur, pas plus qu’ils ne retiennent la chaleur en hiver.

En utilisant des critères strictement scientifiques, l'ONPE évalue la prépondérance de la précarité énergétique à 10,1%. Mais cette sorte de stabilité macro masque une réalité : le ressenti thermique se détériore, et ce sont les ménages les plus contraints financièrement qui s’auto-imposent le froid. En effet, 37% des ménages ayant eu froid disent avoir coupé ou réduit le chauffage pour raisons financières. Et on apprend également que 11,5 % des ménages déclarent ne pas pouvoir chauffer suffisamment leur logement faute d’argent, contre seulement 5% en 2018.

Factures impayées : les interventions pour impayés et les limitations de puissance se multiplient

Les problèmes financiers ne s’arrêtent pas au thermostat. Les interventions pour impayés ont elles aussi fait un bond : les fournisseurs d'électricité ont comptabilisé 1,2 million d’interventions pour impayés en 2024, soit +24% en un an. Les fournisseurs d’électricité ont par ailleurs accru de 27% les limitations de puissance, un dispositif de plus en plus utilisé pour contraindre les ménages sans les couper totalement du réseau. Le montant médian des impayés atteint 500 euros, mais un quart des ménages doit plus de 1.020 euros . Dans le parc locatif social, la situation est encore plus tendue : plus de la moitié des ménages accompagnés le sont pour des impayés d’énergie.

Le paradoxe est là : alors que les dépenses d’énergie ont légèrement baissé en 2023, passant à 8% du revenu des ménages modestes contre 8,3% un an plus tôt , la pression thermique et financière ne faiblit pas. Les ménages les plus exposés multiplient les arbitrages : limiter le chauffage, différer les paiements, renoncer aux travaux faute de moyens. Et surtout, ils vivent dans des logements qui pèsent sur leur santé : froid et humidité l’hiver, températures excessives l’été. La mauvaise isolation est citée par 32% des ménages ayant eu froid et par près d’un tiers de ceux ayant eu trop chaud.

Sans le bouclier tarifaire ni les chèques énergie, la précarité énergétique aurait concerné 18% des ménages

Lorsque l’ONPE explique que, sans le bouclier tarifaire ni les chèques énergie, la précarité énergétique aurait été multipliée par 1,7 pour atteindre 17,9 % des ménages en 2023 , cela dit tout : la situation est si tendue que les dispositifs publics ne font que contenir artificiellement une crise beaucoup plus profonde. Retirez ces amortisseurs, et une personne sur cinq bascule dans la précarité énergétique.

Enfin, il faut le redire clairement : les jeunes adultes, les ménages modestes, les familles monoparentales, les agriculteurs, les artisans, les locataires et les habitants d’appartement sont les premières victimes d’un système où le logement consomme trop, coûte trop et protège mal. Les logements les mieux isolés, souvent en zone périurbaine ou chez les propriétaires plus âgés, amortissent mieux les chocs thermiques. Pour les autres, chaque vague de froid, chaque canicule, chaque facture devient un test de résistance.

Ce que montrent les chiffres, c’est une France où la précarité énergétique n’est plus marginale mais structurelle. Une France où se chauffer ou se rafraîchir devient un luxe, où les ménages se protègent comme ils peuvent, à coup de pulls supplémentaires, de ventilateurs inefficaces, de nuits trop courtes. Une France où, chaque année, les interventions pour impayés grimpent, où les ménages jonglent avec les factures, et où la température dans le logement dit beaucoup plus que le thermomètre : elle dit la fragilité d’un pays face à son propre parc immobilier.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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