Propriété : les classes moyennes reléguées

L’Institut Montaigne tire la sonnette d’alarme sur l’éviction progressive des classes moyennes du marché immobilier. L’envolée des prix, combinée à la stagnation des revenus, rend l’accession à la propriété de plus en plus inaccessible dans les métropoles. Face à ce désalignement structurel de l’offre et de la demande, le think tank appelle à des réformes profondes et à un changement culturel.

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By Rédacteur Published on 30 septembre 2025 4h00

Une dynamique d’exclusion silencieuse

Dans les métropoles, devenir propriétaire est devenu un horizon de plus en plus lointain pour les classes moyennes. « Depuis plusieurs décennies, l’accession à la propriété des classes moyennes s’est ralentie », observe l’Institut Montaigne dans une étude publiée début septembre. Ce cercle de réflexion libéral dénonce un basculement net en vingt ans, les prix de l’immobilier ayant « bondi de 88 % hors inflation » sur cette période. Résultat : « 24 % des ménages détiennent aujourd’hui 68 % des logements possédés par des particuliers ».

Le problème ne réside pas uniquement dans le niveau des prix, mais dans leur décrochage progressif vis-à-vis des salaires. « Les prix de l’immobilier sont devenus déconnectés des revenus, et les classes moyennes ne peuvent plus acheter dans un certain nombre de métropoles avec leur seul salaire, en particulier à Paris », confirme Corinne Jolly, présidente du site PAP. Elle souligne que cette situation alimente un « très fort sentiment de déclassement des jeunes générations », particulièrement exposées à cette impossibilité de devenir propriétaire.

Le taux d’effort immobilier des classes moyennes françaises atteint désormais 26 %, un niveau nettement supérieur à la moyenne européenne. Le rallongement de la durée des emprunts — aujourd’hui entre 25 et 29 ans en moyenne — illustre la tension extrême du marché. Derrière ces chiffres, c’est un marqueur social central qui vacille : l’accession à la propriété comme moteur d’ascension sociale.

Métropolisation, pénurie et blocages structurels

Pour l’Institut Montaigne, la crise actuelle n’est pas uniquement le fruit d’un déficit de construction, mais d’un désalignement croissant entre l’offre disponible et la demande effective. « Il ne s’agit pas tant d’une insuffisance de l’offre globale, que d’un décalage de plus en plus marqué en matière de localisation, de typologie ou encore de prix », analyse le rapport. Avec 38 millions de logements pour 30 millions de ménages, la France ne souffre pas d’un manque quantitatif mais d’un profond déséquilibre géographique et fonctionnel.

Le phénomène de métropolisation concentre la pression foncière sur les grandes agglomérations, où la demande reste très élevée. Dans le même temps, la décohabitation croissante et la multiplication des résidences secondaires aggravent les tensions. Entre 2005 et 2023, le nombre de logements vacants a augmenté « 2,3 fois plus vite que le nombre total de logements », atteignant les 3 millions. Dans les zones touristiques et littorales, la concurrence pour l’usage du foncier réduit encore les marges de manœuvre.

La politique publique actuelle peine à répondre à ces mutations. « Les dépenses pour le logement atteignent près de 40 milliards d’euros par an, mais restent inefficaces pour favoriser l’accession à la propriété ou la mobilité résidentielle », pointe le rapport. Une large part de ces moyens est absorbée par le logement social — 15,6 milliards d’aides personnelles et 15,8 milliards d’avantages fiscaux en 2023 — sans que cela bénéficie au marché privé. « Malheureusement, le logement social est devenu une forme de Graal inaccessible, avec très peu de sorties vers la propriété », déplore Corinne Jolly.

Quelles pistes pour redonner accès à la propriété ?

Face à cette situation de blocage, l’Institut Montaigne avance une dizaine de propositions. Parmi elles, une politique foncière plus proactive via le renforcement des établissements publics fonciers (EPF), la transformation de bureaux vacants en logements dans les zones tendues, ou encore l’incitation à remettre sur le marché les logements vacants. « Il faut se poser des questions d’urbanisme pour se donner plus de souplesse dans l’usage des bâtiments », insiste Corinne Jolly, soulignant l’impact structurel du télétravail sur les besoins en immobilier tertiaire.

Le think tank appelle aussi à innover sur les modes d’accession à la propriété, en promouvant des dispositifs hybrides comme le démembrement de propriété ou le bail réel solidaire (BRS). Ces solutions, qui consistent à dissocier le foncier du bâti, permettraient de faire baisser les coûts d’entrée. « Ces formes de propriété sont particulièrement pertinentes pour les classes moyennes, car elles sont souvent moins onéreuses – beaucoup ne demandent pas d’apport personnel », soutient l’Institut.

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