Le nouveau rapport du SEI et de ses partenaires tire une sonnette d’alarme : la production mondiale d’énergie fossile programmée d’ici 2030 excède de plus de 120 % les niveaux compatibles avec l’objectif de 1,5 °C. Ce « fossé de production » met en péril les engagements climatiques et révèle une incohérence flagrante entre discours politiques et réalités économiques.
Réchauffement climatique : le monde produit deux fois trop d’énergie fossile

Le 22 septembre 2025, à l’occasion de la Climate Week NYC, le Production Gap Report 2025 a été rendu public. Ce document coordonné par le Stockholm Environment Institute (SEI), le Programme des Nations unies pour l’environnement et Climate Analytics montre que la production mondiale d’énergie fossile (charbon, pétrole et gaz) continue de croître, malgré l’Accord de Paris et les engagements de réduction. L’analyse illustre une fracture béante entre les objectifs climatiques et les trajectoires réelles des États.
Une production d’énergie fossile en explosion
Les auteurs constatent que les gouvernements prévoient désormais des volumes supérieurs de 120 % aux niveaux compatibles avec 1,5 °C et de 77 % aux niveaux alignés sur 2 °C pour l’horizon 2030. Comme le résume le rapport : « Les pays produiront plus du double de ce qui est compatible avec une trajectoire 1,5 °C ».
En termes sectoriels, l’écart est abyssal : +500 % pour le charbon, +31 % pour le pétrole et +92 % pour le gaz en 2030 par rapport à la trajectoire 1,5 °C. Même en se limitant au scénario 2 °C, la surproduction atteint +330 % pour le charbon, +16 % pour le pétrole et +33 % pour le gaz. « La production d’énergies fossiles aurait dû culminer et commencer à décliner. Chaque année de retard accroît considérablement la pression », a déclaré Emily Ghosh, directrice de programme au SEI citée par The Guardian.
Des plans nationaux qui aggravent le réchauffement climatique
L’étude se penche sur vingt producteurs majeurs, dont les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil et l’Arabie saoudite. Sur ces vingt, 17 pays projettent d’augmenter la production d’au moins un hydrocarbure d’ici 2030, et 13 planifient une croissance significative du gaz. Pire encore, 11 États affichent des projections de production supérieures à celles de 2023.
Le Guardian note que seuls trois pays, le Royaume-Uni, l’Australie et la Norvège, prévoient un recul de leur production d’hydrocarbures d’ici 2030. Pour les autres, la logique reste expansionniste. « En 2023, les gouvernements avaient reconnu la nécessité de s’éloigner des énergies fossiles… mais beaucoup apparaissent bloqués, planifiant aujourd’hui encore plus de production qu’il y a deux ans », a constaté Derik Broekhoff, principal auteur du rapport.
Plus on investit, moins on va réduire la production d’énergies fossiles
Le rapport insiste sur les conséquences structurelles de cette trajectoire. Chaque année d’augmentation de l’énergie fossile verrouille de nouvelles infrastructures, qu’il s’agisse de centrales électriques, d’oléoducs ou de terminaux gaziers. Ces investissements rendent la baisse ultérieure beaucoup plus difficile et onéreuse.
Le SEI rappelle que le cumul de production fossile sur la décennie 2020 sera déjà supérieur aux scénarios 1,5 °C et 2 °C, même si un effort massif intervenait dès 2030. Autrement dit, la planète a déjà consommé une partie du « budget carbone » autorisé, rendant la marche à franchir encore plus raide. « La production prévue en 2030 dépasse de plus de 120 % les niveaux compatibles avec 1,5 °C, contre 110 % lors du rapport 2023 », a souligné Derik Broekhoff.
Transition énergétique : les États continuent de financer les énergies fossiles
Le rapport relève aussi des contradictions criantes. Beaucoup d’États continuent à soutenir l’énergie fossile via des subventions directes, des incitations fiscales ou des ouvertures de nouveaux gisements. Aux États-Unis, la révocation début 2025 de deux décrets présidentiels fixant des objectifs de neutralité carbone illustre ce recul. Pourtant, quelques avancées apparaissent. La Colombie a adopté une feuille de route de transition juste, l’Allemagne accélère la sortie du charbon et la Chine déploie les énergies renouvelables à un rythme inédit : elle a atteint six ans plus tôt que prévu son objectif 2030 en solaire et éolien.
Le SEI conclut que pour respecter l’Accord de Paris, il faudrait réduire quasi totalement le charbon d’ici 2040 et baisser la production et l’usage de pétrole et de gaz de 75 % d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2020.
