Le lundi 4 août 2025, une amende d’une ampleur inhabituelle a été prononcée contre le groupe Fnac Darty. Elle concerne des retards de paiement envers ses fournisseurs, un sujet désormais au cœur de l’agenda économique du gouvernement. Cette amende, d’un montant de 1,9 million d’euros pour l’une des entités du groupe, s’inscrit dans une stratégie de durcissement des sanctions pilotée par Bercy. En toile de fond : la recrudescence inquiétante des retards de paiement en France.
Une amende exemplaire pour des pratiques jugées abusives
Le 4 août 2025, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a infligé une amende de 1 950 000 euros à la société Fnac Darty Participations et Services, sanctionnant des retards de paiement à répétition. Une amende du même montant avait été prononcée le jour même contre une autre entité du groupe, ETS Darty & Fils, portant la sanction globale à 3,9 millions d’euros.
L’entreprise a fait savoir par Le Figaro qu’elle « entend exercer un recours contre cette décision », précisant que « le litige dont il est question concerne des faits anciens survenus en pleine crise sanitaire liée au Covid-19 ».
Une mécanique de trésorerie dénoncée par les autorités
Selon la DGCCRF, les pratiques reprochées à Fnac Darty ne relèvent pas d’un incident isolé. En 2024, pas moins de 217 amendes avaient été infligées à des entreprises pour des retards de paiement. Mais l’ampleur de celle visant Fnac Darty en fait un cas emblématique, qui illustre une tendance inquiétante : la dégradation continue des comportements de règlement. Selon l’Observatoire des délais de paiement, le retard moyen s’établissait à 13,6 jours au dernier trimestre 2024. La moyenne grimpe à 18 jours pour les sociétés de plus de 1 000 salariés.
Dans ce contexte, les TPE et PME se retrouvent en difficulté. « On estime à 15 milliards d’euros le trou ainsi créé dans la trésorerie des TPE et PME françaises », précise Le Figaro.
Cette amende est donc perçue comme un signal politique. D’autant que selon Denis Le Bossé, président du cabinet ARC, « de tels retards augmentent la probabilité de défaillance du fournisseur de 25 %, et même de 40 % en cas de retard de plus de 30 jours ».
Une réponse politique à une crise systémique
Le gouvernement, alerté par l’aggravation du phénomène, entend muscler son arsenal répressif. Lors d’une intervention publique en juillet 2025, le premier ministre François Bayrou a dénoncé ces pratiques qu’il qualifie de « problèmes fondamentaux » pour l’économie. Il a affirmé sa volonté de relever le plafond des sanctions jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires d’une entreprise fautive.
Une proposition de loi, portée par le sénateur LR Olivier Rietmann et soutenue par Bercy, sera examinée à la rentrée. Elle vise à transformer les amendes, actuellement plafonnées à deux millions d’euros, en sanctions proportionnelles au chiffre d’affaires. Objectif affiché : rendre les peines véritablement dissuasives.
« 2 millions d’euros, et même 4 millions, c’est l’épaisseur d’un trait pour des groupes qui font des milliards d’euros de chiffre d’affaires », commente Denis Le Bossé.
Des tensions accrues entre partenaires économiques
La multiplication des retards de paiement révèle une tension croissante entre clients et fournisseurs. Ces derniers, souvent économiquement dépendants, n’osent pas relancer leurs créances face à des donneurs d’ordre dominants. Certaines grandes entreprises « délocalisent la gestion de leurs factures, traitées à l’autre bout du monde, et organisent ainsi véritablement les retards de paiement », note-t-il encore.
Dans la moitié des cas, les retards sont liés à des « défaillances d’organisation comptable », selon la DGCCRF. Pourtant, les conséquences sont lourdes : les petites structures restent les premières victimes de ces déséquilibres.
Une pression réglementaire désormais impossible à ignorer
L’amende infligée à Fnac Darty pourrait bien marquer un tournant. En affichant sa fermeté, l’État cherche à rétablir un cadre plus équitable pour les fournisseurs. Le bras de fer engagé est révélateur d’une mutation dans les rapports économiques. Il reste à voir si le durcissement législatif annoncé saura inverser la tendance.
