Rougeole 2025 : un coût sanitaire évitable qui pèse sur les finances publiques

Plus de 650 cas, des hospitalisations en hausse, deux décès. Derrière les chiffres de santé publique, une autre alerte silencieuse se dessine : le coût économique évitable de la résurgence de la rougeole en France.

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By Amandine Leclerc Last modified on 25 juin 2025 19h45
Urgence
Rougeole 2025 : un coût sanitaire évitable qui pèse sur les finances publiques - © Economie Matin

Des dépenses médicales en forte hausse

Entre le 1er janvier et le 31 mai 2025, 658 cas de rougeole ont été enregistrés en France, selon Santé publique France, une hausse de 35 % par rapport à 2024. Derrière cette flambée, les dépenses de santé explosent. Plus d’un tiers des patients infectés ont dû être hospitalisés ou admis aux urgences, selon Le Figaro.

À elle seule, la gestion hospitalière de ces cas représente un fardeau budgétaire. D’après les barèmes de la Caisse nationale d’assurance maladie, le coût moyen d’un séjour hospitalier simple lié à la rougeole est estimé entre 2 500 et 5 000 euros. Pour les 10 cas admis en réanimation, le coût unitaire peut dépasser les 20 000 euros en cas de complications sévères comme l’encéphalite.

Au total, avec environ 220 hospitalisations recensées, la facture hospitalière de cette épidémie approche déjà les 1,8 à 2,5 millions d’euros. Une somme qui ne tient pas compte des coûts annexes : transports sanitaires, diagnostics biologiques, interventions des médecins généralistes et infectiologues.

Une flambée coûteuse… évitable

Pourquoi cet impact économique n’était-il pas anticipé ? La réponse tient en un mot : vaccination.

D’après Santé publique France, plus de 70 % des personnes infectées n’étaient pas vaccinées ou mal vaccinées contre la rougeole. Dans des régions comme le Nord de la France, épicentre de l’épidémie (117 cas), la couverture vaccinale reste inférieure au seuil des 95 % requis pour éviter les transmissions.

Cette faille vaccinale a entraîné des dépenses que les experts considèrent comme évitables. Le coût d’une dose de vaccin ROR (rougeole-oreillons-rubéole), pris en charge par l’assurance maladie, est d’environ 25 euros, administration comprise. Deux doses coûtent donc environ 50 euros par personne.

Si ces 658 cas avaient été évités par la vaccination, le coût total théorique aurait été de 32 900 euros. À comparer aux plus de deux millions d’euros dépensés pour les traitements hospitaliers d’urgence, l’écart est abyssal.

Des répercussions sur les entreprises et les territoires

L’impact économique ne s’arrête pas à l’hôpital. La désorganisation des services scolaires, les absences liées à la garde d’enfants malades, et les congés maladie pour cause de rougeole créent une onde de choc pour les employeurs.

Plusieurs entreprises du secteur tertiaire à Lille et Roubaix ont fait état de pics d’absentéisme parental au mois de mars 2025, période où l’épidémie a atteint son sommet (340 cas en trois mois). Certaines crèches municipales ont dû fermer temporairement après l’identification de plusieurs cas chez de jeunes enfants, faute de statut vaccinal clair chez le personnel.

Du côté des collectivités, les dépenses imprévues s’accumulent. Les Agences régionales de santé (ARS) ont été contraintes de mobiliser des équipes mobiles pour relancer les campagnes vaccinales dans les lycées, collèges et centres de PMI. Coût estimé par l’ARS Hauts-de-France : plus de 380 000 euros entre avril et juin.

Le signal faible d’un déficit de prévention

Pour les économistes de la santé, cette flambée rougeole 2025 constitue un signal faible, mais clair, d’un retournement structurel dans la logique de prévention en France.

« Un euro investi dans la vaccination préventive permet d’en économiser jusqu’à 16 en soins curatifs, selon l’OMS. Pourtant, on continue de sous-financer la médecine préventive, alors qu’elle est la plus rentable », souligne un rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS) publié en mars 2025.

Ce déficit de prévention a un coût direct pour les comptes publics, mais aussi une résonance internationale. Les États-Unis font face, eux aussi, à une résurgence de la rougeole, avec plus de 1 000 cas recensés depuis janvier, selon le Dr Paul Offit, spécialiste américain cité par Le Figaro. Le coût estimé par les Centers for Disease Control (CDC) dépasse les 7 millions de dollars, principalement en interventions d’urgence.

Une gestion budgétaire sous pression

Alors que le gouvernement annonce une révision de la loi de financement de la sécurité sociale à l’été 2025, plusieurs parlementaires, notamment au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, demandent un renforcement du financement dédié à la vaccination infantile, et la création d’un fonds de réponse rapide aux épidémies évitables.

Car ce n’est pas la rougeole en elle-même qui coûte cher : c’est l’absence d’anticipation, et la faiblesse des filets de prévention, qui transforment une flambée maîtrisable en dérive budgétaire non programmée.

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