Salaire : vers la fin d’un tabou ?

Traditionnellement, le salaire reste un véritable tabou pour les salariés français. On ne parle pas de sa rémunération, que ce soit avec son entourage ou avec son employeur – du moins, jusqu’à présent.

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Par Patrick Barazzoni Publié le 6 décembre 2022 à 6h25
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2,01%En août 2022, le SMIC a augmenté de 2,01%.

Les nouvelles générations de salariés sont désormais beaucoup plus à l’aise avec le sujet : les collaborateurs et candidats n’hésitent plus à l’évoquer frontalement. Cette nouvelle tendance est loin d’être anodine pour les entreprises et impliquerait une évolution globale sur les motivations et reconnaissances salariales. Retour sur un sujet sensible.

À la recherche du meilleur salaire

Pour les entreprises, la guerre des talents se déroule sur tous les fronts. Que ce soit pour attirer de nouvelles compétences dont l’entreprise a besoin (surtout dans certains secteurs en tension) ou pour retenir les collaborateurs tentés par la concurrence, le salaire est un élément non-négligeable pour les actifs. Aujourd’hui, les salariés n’hésitent pas à utiliser les offres d’emploi et les outils d’évaluation sectorielle pour négocier une augmentation salariale avec leur (futur) employeur. Bien que ce ne soit pas une pratique nouvelle, ce phénomène semble prendre de plus en plus d’ampleur 1.

Les entreprises doivent alors s’adapter. En effet, face aux difficultés de recrutement, beaucoup d’entreprises préfèrent proposer une contre-offre plutôt que de recruter un nouvel employé. Pour autant, les dirigeants ont pleinement conscience des limites de l’exercice. S’ils sont nombreux à considérer que l’emploi d’une telle méthode est l’occasion de montrer au salarié la valeur qu’ils lui accordent, cette solution ne représenterait qu’un outil de rétention à court terme et ne ferait gagner que peu de temps aux entreprises.

Cette situation difficile s’inscrit dans une problématique plus vaste et propre à notre société contemporaine : le besoin de transparence - même sur les salaires. Pourtant, il est encore bien rare d’observer des offres d’emploi mentionnant le montant du salaire ou à minima une fourchette encadrant les prétentions salariales. Et pour cause, il peut s’agir ici d’un élément rédhibitoire pour les chercheurs d’emploi, rendant ainsi la recherche de talents encore plus difficile.

La transparence est un engagement fort pour la nouvelle génération de salariés

En France, le fait même de parler ou d’échanger sur sa rémunération peut être perçu comme un sujet sensible voire grossier. Toutefois, les codes sociétaux et les valeurs évoluent grâce aux nouvelles générations, créant un potentiel fossé entre les collaborateurs. Dans ce cas, les professionnels des RH doivent entendre ce signal fort et adapter leur approche face à ce changement de paradigme.

Les entreprises doivent alors s’interroger sur leurs politiques salariales et y inclure des preuves de transparence. Si l’objectif initial est bien de retenir leurs collaborateurs et de séduire de nouveaux candidats, il peut être indispensable d’être plus souple et de mettre la « main à la poche ». Toutefois, cette inflation salariale pourrait accentuer les différences – au profit des nouvelles recrues et des collaborateurs « chassés » par d’autres entreprises. Pis encore, des différences salariales viendraient à être connues en interne, et pourraient générer un sentiment d’injustice, voire engendrer des départs de salariés trop insatisfaits.

Des clés pour une politique salariale globale améliorée

Pour éviter ce type de situations, être transparent est une bonne chose, mais mettre en place des grilles salariales claires, prenant en compte les différentes étapes d’évolution au sein de l’entreprise, semble être une approche appropriée. L’objectif est en effet d’expliquer clairement les raisons de ces différences salariales, et de montrer les possibilités d’évolution – voire de motivation – aux salariés qui souhaiteraient voler vers de nouveaux horizons.

Face au poids du salaire dans le choix des salariés et dans le niveau d’attractivité des entreprises, les dirigeants prennent de plus en plus conscience des enjeux qu’ils soulèvent. Bien que cette tendance semble s’inscrire dans la durée, toutes les entreprises ne disposeront pas de la même capacité à niveler par le haut les salaires de leurs collaborateurs. Par conséquent, celles-ci pourraient mettre en avant d’autres éléments et avantages complémentaires. Dès lors, une très bonne mutuelle à un coût raisonnable, des avantages en nature, la prise en charge de certains frais, ou encore des infrastructures spécifiquement dédiées aux salariés, sont autant d’éléments différenciants à développer pour compenser le manque d’augmentation et/ou de rééquilibrage salarial, au bénéfice de l’expérience RH du collaborateur.

Par ailleurs, dans la mesure où les entreprises doivent rester attractives, les employeurs ont donc tout intérêt à se pencher sur leur politique salariale. Cela passe notamment par des objectifs d’équité entre les salariés, quitte à prévoir des augmentations notables. Cette réflexion globale doit pouvoir s’appliquer à toutes les fonctions et tous les niveaux d’ancienneté, et prendre en compte l’index d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, instauré en 2019.

Ainsi, face aux différents changements sociétaux et attentes des employés, les entreprises doivent s’adapter pour conserver leurs attractivités auprès de leurs salariés et des futurs talents. La transparence vis-à-vis de la rémunération doit s’accompagner d’une stratégie RH plus globale basée sur l’équité, la reconnaissance et les différents leviers d’évolution au sein de l’entreprise, pour préserver le bien-être et la rétention des salariés.

1 Étude Robert Half, publiée le 15 septembre 2022

Patrickbarazzoni

Directeur Général de SD Worx France

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