À l’heure de la rigueur budgétaire, la SCPI devient un paradoxe fiscal

Alors que l’État tente de trouver une issue à la dette publique et œuvre à un retour de l’équilibre budgétaire, un angle mort persiste : une partie croissante de l’épargne immobilière française se détourne du territoire national. Ce phénomène, discret mais massif, interroge à l’heure où chaque levier de croissance et de recettes fiscales devrait être activé.

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By Faïz Hebbadj Published on 25 septembre 2025 5h30
Scpi Chiffres Cles
À l’heure de la rigueur budgétaire, la SCPI devient un paradoxe fiscal - © Economie Matin
23 MILLIARDS €Depuis 2012, plus de 23 milliards d’euros ont été investis hors de France par les SCPI

Les Français restent attachés à la pierre. Elle rassure, protège de l’inflation, génère des revenus complémentaires. Le dernier baromètre Norma Capital / Occurrence IFOP (janvier-février 2025) le confirme : l’immobilier demeure une valeur refuge pour une majorité d’épargnants.

Dans ce paysage, les SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) occupent une place structurante. Elles permettent d’accéder à l’immobilier de manière mutualisée, avec une gestion déléguée et une diversification des risques. Le marché reste solide, avec plus de 86 milliards d’euros de capitalisation au premier trimestre 2025 (source : ASPIM).

Mais derrière cette apparente stabilité se cache une réalité plus troublante. Depuis 2012, plus de 23 milliards d’euros ont été investis hors de France par les SCPI, avec une accélération notable à partir de 2016.

Le rythme des investissements des SCPI à l’étranger s’accentue, il atteint actuellement au premier trimestre 2025 près de 80% des montants investis par les SCPI.

Un chiffre qui interpelle, d’autant que les SCPI sont historiquement associées au financement des territoires, à l’emploi local et s'inscrivent aujourd'hui dans une démarche de transition énergétique.

La cause ? Une distorsion fiscale bien connue des professionnels, mais encore peu discutée publiquement. En France, les revenus fonciers sont fortement imposés : impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux. À l’étranger, ces prélèvements sociaux ne s’appliquent pas. Ce seul écart suffit à orienter les flux, sans même avoir besoin d’un différentiel de performance. Le cadre fiscal, en l’état, pousse mécaniquement les gestionnaires à investir hors de France et les épargnants à favoriser les SCPI dites « Européennes ».

Or, ces décisions ont des conséquences économiques lourdes. Chaque euro investi à l’étranger, c’est :

  • Une perte de droits de mutation (5,1 à 6 %) pour les collectivités ;
  • Moins d’activité pour les entreprises du bâtiment et les artisans locaux ;
  • Moins de fiscalité locale (taxe foncière, déchets, etc.) et de recettes indirectes (TVA, charges, impôts).

In fine, ce sont des milliards d’euros de recettes fiscales qui échappent au pays chaque année.

En dix ans (2015–2024), nous avons estimé que ce manque à gagner cumulé pour les finances publiques avoisinerait 1.6 milliard d’euros hors impôts sur les revenus, dont environ 190 millions pour la seule année 2024. Source Norma Capital.

Ce glissement des capitaux vers l’étranger induit une perte directe pour le budget de l’Etat et des collectivités, mais pose également une question plus large sur l’allocation du capital dans l’économie.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la diversification géographique ni l’ouverture européenne. Mais il devient incohérent – voire contre-productif – de laisser s’échapper notre épargne collective hors de nos frontières sans s’interroger sur les effets induits.

Revoir la fiscalité des revenus fonciers français ne signifie pas alourdir l’impôt. Il s’agit, au contraire, de rétablir une forme de neutralité entre investissements nationaux et internationaux. À défaut, la France continuera d’encourager, malgré elle, l’exil de son épargne et la contraction de ses ressources publiques.

Oui à l’Europe. Oui à la diversification. Mais non à un cadre fiscal qui décourage l’investissement productif sur notre sol. Il est temps de remettre de la cohérence entre politique budgétaire, fiscalité et stratégie économique.

Fhebbadj

Président de Norma Capital

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