SEL : Fin du vent de panique sur les remontées de dividendes intragroupes

Selon la Réponse Ministérielle publiée le 27 février 2025, les dividendes encaissés par une « holding de SEL » (SPFPL) ne sont pas soumis aux cotisations sociales pour un praticien exerçant dans cette SEL, sauf à réprimer un abus.

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By Célestin Percher Published on 19 avril 2025 10h00
Dividendes Bilan 2022
Les sociétés françaises ont versé un total de 59,8 milliards d'euros en dividendes en 2022. - © Economie Matin

Ce qu’il faut retenir

Dans sa décision du 19 octobre 2023, la Cour de cassation a jugé que les dividendes versés par une SEL unipersonnelle à une SPFPL entrent dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale du praticien qui exerce son activité au sein de la SEL et ce, même si la SPFPL est assujettie à l’IS et quelle que soit sa forme sociale.
En réponse aux réactions des professionnels libéraux et de leurs représentants, il a été affirmé que cette décision ne semble s’inscrire que dans l’hypothèse où l’interposition de cette société holding a pour seul objet de contourner la législation sur la réintégration des dividendes distribués à un TNS au sein de l'assiette de cotisations et de contributions sociales de celui-ci. Aucune portée générale ne peut ainsi être donnée à cette décision de la Cour de cassation.

Conséquences pratiques

Portée sociale

La réponse ministérielle réaffirme le principe d’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes versés uniquement au profit des personnes physiques.
La décision de la Cour de cassation constitue alors une exception. En effet, elle ne s’applique que pour corriger une situation abusive ayant pour objet de diminuer les cotisations sociales dues sur la rémunération provenant de l’exercice d’une activité libérale.

Dans les faits, la Cour a sanctionné le schéma suivant : un seul professionnel exerçait au sein d’une SELARL, assurant donc à lui seul toute l’activité libérale de cette société, et procédait à la distribution de ces bénéfices sous forme de dividendes versés à une holding (SPFPL) dont il était également seul associé avec son épouse. Le schéma a donc été regardé comme abusif et les distributions de dividendes requalifiées socialement.
Ainsi, s’il était craint que cette décision ne remette en cause la distinction entre personnes physiques et personnes morales, tel n’est pas le cas et aucune conclusion générale ne peut être tirée de cette décision. Il ressort donc de la réponse du Ministère que la portée de la décision est assez limitée.
La décision de la Cour ne concerne qu’une SEL unipersonnelle et écarte en réalité un montage permettant de piloter la rémunération et d'éviter les cotisations sociales par l’interposition d’une holding. La présence de plusieurs associés permet d’écarter la décision de la Cour de cassation. La rédaction du nouvel article L. 136-3 du Code de la sécurité sociale réaffirme que les cotisations sociales sont dues sur les dividendes perçus « directement » par les travailleurs indépendants.

Portée fiscale

La décision de la Cour de cassation, comme les précisions apportées par la réponse ministérielle, n’ont qu’une portée sociale et n’impactent en rien le traitement fiscal des dividendes perçus tant par les personnes physiques que morales.

Pour aller plus loin

Contexte

Dans sa décision, la Cour de cassation a jugé que les dividendes versés par une SEL unipersonnelle à une SPFPL entrent dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale du praticien qui exerce son activité au sein de la SEL.

Elle indiquait que :

Les bénéfices (rémunération et/ou dividendes) entrent dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale dont le travailleur indépendant est redevable. En effet, ces bénéfices constituent le produit de son activité professionnelle et sont donc perçus en rémunération d’un travail réalisé et non en tant que revenus du patrimoine.
Au cas d’espèce, le praticien était seul associé professionnel en exercice au sein de la SELARL et donc le seul à générer des revenus permettant de constituer les dividendes distribués à la SPFPL. Son conjoint et lui-même étaient les seuls détenteurs des parts sociales de la SPFPL ;
Les bénéfices distribués à une SPFPL qui détient le capital de la SEL sont soumis à ces cotisations sociales pour le professionnel exerçant en son sein, comme si elles étaient perçues en direct. Le fait que la SPFPL soit dotée d’une personnalité morale distincte ou soit à l’IS est sans « incidence sociale ».

Pour cela, elle se fondait sur l’article L. 131-6 du Code de la sécurité sociale qui concerne :

  • Les cotisations sociales des travailleurs non-salariés, au sens large et non seulement les cotisations d’assurance vieillesse dont il était sujet au cas d’espèce ;

  • Les travailleurs non-salariés, et pas seulement les professions libérales.

Ainsi, même si cette décision ne concernait que l’assujettissement aux cotisations d’assurance vieillesse des bénéfices d’une société d’exercice libéral, au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité, il existait un risque d’extension de cette solution à d’autres types de sociétés, à d’autres professionnels et à d’autres types de cotisations sociales.
La société de participations financières de professions libérales (SPFPL) est une société holding passive ayant pour objet la détention de titres de sociétés d'exercice d'une ou plusieurs professions libérales réglementées. Elle peut prendre la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés anonymes, de sociétés par actions simplifiées ou de sociétés en commandite par actions.

Cette décision posait plusieurs problématiques :

  • Lorsque le résultat de la filiale SEL est distribué à une SPFPL holding soumise à l’IS, ce dernier est assujetti aux cotisations sociales sans que l’associé personne physique de la SPFPL n’appréhende réellement les capitaux. En effet, la SPFPL doit elle-même distribuer les sommes encaissées à ses associés par la suite. Lors de cette distribution, les capitaux perçus par une personne physique constituent des revenus de capitaux mobiliers. À ce titre, celui qui les perçoit serait redevable des prélèvements sociaux (voire de nouvelles cotisations sociales selon la forme cette « holding ») et de l’impôt sur le revenu (PFU ou barème progressif). Cette situation apparaissait évidemment anormale en raison d’un double « assujettissement social » potentiel sur les mêmes sommes ;

  • Lorsque le capital de la SPFPL est détenu par des personnes n’exerçant par leur activité professionnelle au sein de la SEL : les cotisations sociales auraient-elles dû être calculées sur une base proportionnelle à la détention du capital de la holding de SEL ?

  • Lorsqu’une SPFPL a acquis à crédit une SEL, les dividendes perçus pour payer les échéances d’emprunt seraient assujettis à cotisations sociales. Elles auraient pu avoir pour conséquence de limiter le résultat comptable de la SEL, sa capacité à distribuer des flux, et surtout sa trésorerie.

C’est dans ce contexte qu’il a été demandé au Sénat de préciser la portée de cette décision et de confirmer qu’elle était contraire à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

Avec la réponse du 27 février 2025, la situation est clarifiée. La soumission aux cotisations sociales des dividendes versés par la SEL à la SPFPL n’est applicable qu’au cas d’une SEL unipersonnelle dont le seul professionnel exerçant est également l’associé de la SPFPL.

Par conséquent, la portée de cette décision est limitée et ne peut pas être lue de manière extensive, ce qui a été rappelé aux organismes de recouvrement de cotisations et contributions sociales.

Notre analyse

Dans le cas d’une SEL unipersonnelle détenue par une SPFPL, elle-même détenue par le professionnel exerçant dans la SEL, la stratégie d’optimisation et d’« encapsulement » des revenus du professionnel libéral peut être assez limitée.

L’article L.131-1 du Code des assurances prévoit que :

« Les souscripteurs et les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie peuvent choisir entre le règlement en espèces de leur argent ou la remise de titres ou parts en cas de dénouement du contrat. »

En d’autres termes, à défaut de recevoir des liquidités égales au montant des capitaux-décès, les bénéficiaires recevront les titres des fonds auxquels correspondent leurs unités de compte.

  • Le choix de la remise de titres est irrévocable

  • Les titres ou parts qui procurent un droit de vote ne sont pas autorisés

  • Le fonds en euros n’est pas éligible à la sortie en titres

  • Le contractant et ses proches ne doivent pas avoir « détenu directement ou indirectement, au cours des cinq années précédant le paiement, des titres ou des parts de la même entité́ que ceux remis par l’assureur ».

Cpercher

Responsable du pôle Patrimoine de La Financière d’Orion

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