Superprofits dans l’agroalimentaire : l’État peut-il riposter ?

Face à une inflation galopante, le gouvernement français promet d’intensifier ses efforts pour réduire tant que faire se peut les prix des produits alimentaires. Une nouvelle loi évoquée par Bruno Le Maire pourrait avancer la période légale des négociations avec les grands groupes agro-alimentaires.

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 5 septembre 2023 à 15h27
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15 % c'est le taux de pauvreté en France en 2023, soit 10 millions de personnes

Les prochaines négociations s’annoncent musclées

Emmanuel Macron, interrogé par le vidéaste Hugo Décrypte, au sujet de « l’avenir des jeunes en France » ce lundi 4 septembre 2023, a reconnu que certains groupes agroalimentaires réalisaient des "surprofits". En réponse, le gouvernement tente de contraindre les « entreprises concernées ». Cette déclaration du président fait référence au projet de loi évoqué par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, sur France 2, le 31 août dernier. Cette loi d’urgence vise à avancer la période des négociations annuelles entre Bercy et les acteurs de la grande distribution : « Il y aura une mission parlementaire pour étudier de manière plus générale notre dispositif de négociation commerciale qui a lieu seulement une fois par an contrairement à d’autres pays qui en ont plusieurs la même année", précise-t-on à Bercy. »  Si elle est votée, les négociations pourraient se tenir dès septembre (contre le 1er novembre habituellement) avec une baisse des prix effective dès le 1er janvier 2024 (contre le 1er mars). « Il s'agit d'un 'one shot', indique-t-on dans l'entourage du ministre. [Il portera] sur le périmètre des 75 plus grosses entreprises industrielles afin d’anticiper les négociations commerciales ».

Tout au long de l’année, Bruno Le Maire n’a cessé de multiplier ses appels auprès des acteurs de la grande distribution pour faire baisser les prix des produits alimentaires. Le ministre de l’Économie a souligné que bien que la majorité des distributeurs aient été coopératifs, la plupart des industriels continuent de faire la sourde oreille. En effet, hors période de négociation, les acteurs de la grande distribution n’ont aucune obligation de baisser leur prix. La plupart se contentent donc de promotions éphémères.

Superprofits : Bercy à la manœuvre 

D’un côté les grands distributeurs accusent les fabricants de ne pas vouloir renégocier leurs prix, de l’autre, les fabricants se disent en incapacité de les baisser. Au final, chacun se renvoie la balle. Pour Alexandre Bompard,  PDG de Carrefour, lors de son passage auprès de Franceinfo, « les cours en moyenne (des matières premières, des énergies) ont baissé de 20 à 25% (…) », et malgré tout « les industriels ont décidé en dépit de ces cours et de la pression des pouvoirs publics de ne pas renégocier ». Il ajoute que « ces baisses ont commencé il y a 9 mois. Les rapports disent tous la même chose. Les Français ont compris que les industriels et les marques nationales n'étaient pas à leur côté".

En conséquence, le ministre de l’Économie a mis en garde les entreprises qui ne « joueraient pas le jeu » en évoquant la possibilité d'utiliser "l'arme fiscale", que le gouvernement ne voulait pas utiliser jusque-là, contre ceux qui maintiendraient des marges excessives : distributeurs et fabricants confondus. Pour ce faire, le ministre souhaite mettre l’accent sur la nécessité « d'élargir le nombre de produits [à 10.000 contre 5.000 actuellement] sur lesquels les distributeurs industriels peuvent faire des efforts ». Pour identifier ceux qui refusent de jouer le jeu, Bercy se basera sur les rapports de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de l’Inspection générale des finances (IGF) pour constater les superprofits et les sanctionner fiscalement.

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin depuis septembre 2023.

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