Carburants : la vente à perte bientôt autorisée ?

La flambée des prix du carburant n’en fini pas. Le gouvernement français envisage donc une mesure inédite : autoriser la vente de carburant à perte. Si cette décision pourrait offrir un répit temporaire aux consommateurs, elle suscite également des inquiétudes quant à son impact sur le marché. Et surtout sur les petits distributeurs qui ne peuvent pas forcément s’aligner sur les prix des géants de la grande distribution… ou de TotalEnergies.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 18 septembre 2023 à 6h00
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2 EUROSLe litre de carburant dépasse les 2 euros dans certains stations-service.

La vente à perte des carburants bientôt en France ?

La flambée des prix du carburant a poussé le gouvernement à agir. La Première ministre, Élisabeth Borne, a annoncé, le 16 septembre 2023, que les distributeurs pourraient vendre du carburant « à perte » pendant quelques mois. Une solution temporaire, bien évidemment. Mais elle représente un bouleversement majeur : la revente à perte est interdite en France depuis 1963.

Quelques exceptions existent toutefois pour certains produits ou à certaines périodes. La vente à perte ne devient donc pas une nouveauté. Mais une telle décision sur l’ensemble du marché de l’essence et du diesel risque de créer quelques problèmes.

Qu'est-ce que la vente à perte ?

La vente à perte signifie vendre un produit à un prix inférieur à son coût d'achat. Habituellement, cette pratique est réservée à quelques exceptions, comme les fins de saisons ou les produits périssables. Avec cette nouvelle mesure, les distributeurs pourront vendre le carburant moins cher que son prix d'achat, une initiative inédite.

Selon Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, une loi pourrait être votée dès le mois de novembre 2023. « La loi va être présentée dans les prochains jours en Conseil des ministres, puis en octobre à l'Assemblée nationale et nous espérons un vote de cette loi courant novembre. Cela permettra aux industriels d'utiliser ce levier supplémentaire pour baisser les prix du carburant », a-t-elle affirmé sur BFMTV.

Le prix des carburants en forte baisse en France ?

Selon Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, cette mesure pourrait entraîner une baisse de près d'un demi-euro par litre. Cependant, tous les distributeurs ne pourront pas s'aligner sur ces prix. Les grandes surfaces pourraient utiliser le carburant comme "produit d'appel", attirant les clients avec des prix bas à la pompe et espérant qu'ils fassent leurs courses sur place.

« On ne dit pas que l'essence va tomber à 1,40€ dans toutes les stations pendant 6 mois. On dit qu'il peut y avoir des opérations commerciales », a affirmé le porte-parole du gouvernement sur RTL le 17 septembre 2023.

Les inquiétudes des distributeurs indépendants

Francis Pousse, président national de la branche "Distributeurs carburants" du syndicat Mobilians, exprime de sérieuses préoccupations. Dans un entretien accordé au Figaro, il s’inquiète : « Nous n’avons de toute manière pas les moyens de proposer de vendre le carburant à perte, même si nous en avions le droit. Seules les grandes et moyennes surfaces le peuvent... C’est donc une mesure carrément inéquitable ! »

Selon lui, il y a un réel risque de dérégulation du marché. Seul TotalEnergies, présent sur l’ensemble de la chaîne de production d’essence et diesel, de l’extraction du pétrole au raffinage des carburants, pourrait en réalité se permettre de vendre à perte. « Les réseaux que je représente, hors TotalEnergies, ne pourront absolument pas s’aligner sur ces prix. En France, Esso et BP ont été rachetés par de gros distributeurs, et, comme Avia, ils achètent tous leur carburant au prix du marché. Or, les marchés internationaux ne vont pas vendre à perte. »

Des pénuries de carburant pour les frontaliers ?

Autre problème, déjà connu : les frontaliers risquent de ne plus trouver de carburant dans leurs stations. Que ce soit au sud, avec l’Italie et l’Espagne, ou au nord, avec la Belgique ou le l’Allemagne, l’opération de baisse des prix des carburants par la vente à perte risque d’attirer les automobilistes étrangers. Exactement comme les Français passent la frontière dès lors que le carburant est moins cher.

Résultat : il y a un risque de pénuries dans certaines zones frontalières. L’affluence de automobilistes européens, attirés par les potentiels prix bas, pourrait conduire à des difficultés d’approvisionnement pour les stations. Une situation bien connue des automobilistes et des patrons de stations-service.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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