Champagne ou Prosecco ? Un choix de vin à bulles, mais aussi de budget, de génération et de stratégie. Derrière les flûtes, deux modèles économiques s’affrontent.
Vin à bulles : Prosecco ou Champagne, qui séduit vraiment ?

Le vin effervescent, ou vin pétillant, n’a jamais été aussi populaire en France. Mais derrière les apparences festives, un bouleversement silencieux s’opère. Depuis 2023, le Champagne, longtemps intouchable, recule dans les ventes. En face, le Prosecco italien poursuit sa percée, porté par une demande croissante. Le 20 juin 2025, Capital révélait une évolution inquiétante pour le roi des bulles : baisse des volumes, hausse des prix, et désaffection de certaines clientèles. Pendant ce temps, le Prosecco explose ses records. Le marché des vins effervescents vit une révolution discrète, mais profonde.
Champagne : l’élitisme au bord de la rupture ?
Pendant des décennies, le Champagne a incarné la fête, la réussite, le prestige. Mais en 2024, la donne change. Selon les données du Comité Champagne relayées par Le Figaro Vin le 9 janvier 2025, les ventes ont chuté de 7,8 % pendant les fêtes. Et la tendance se confirme sur toute l’année : –13,5 % de ventes en grande distribution, soit 1,77 million de bouteilles en moins, selon Meininger’s.
Les raisons sont multiples. D’abord, le prix : “Le prix moyen s’envole de 5 % chaque année, certaines maisons allant jusqu’à 10 %”, explique Capital. Ensuite, la météo. Les conditions climatiques extrêmes ont fait chuter la production de 320 à 270 millions de bouteilles entre 2023 et 2024. Christophe Juarez, DG de Terroirs et Vignerons de Champagne, déclarait à Capital : “Nous sommes passés d’une récolte de 10 000 kilos de raisin à 8 600 kilos en 2024 ; dans la Côte de Bar, certaines parcelles sont tombées à 3 000 kilos, voire zéro.”.
Mais le coup de grâce vient peut-être d’un public en mutation. Les jeunes adultes boudent le Champagne. “Le message véhiculé est trop intimidant”, admet Juarez. Résultat : une perte de 17 millions de clients en deux ans à l’échelle mondiale.
Prosecco : simplicité, accessibilité, domination
À l’opposé, le Prosecco rayonne. En 2024, il atteint un record historique avec 660 millions de bouteilles produites, soit une hausse de 7 % par rapport à 2023, selon Le Figaro. Giancarlo Guidolin, président du Consorzio Prosecco DOC, se réjouit : “Nous envisageons 2025 avec confiance… notre succès repose sur tous les maillons de la chaîne.”
La recette ? Un produit accessible – rarement plus de dix euros la bouteille –, une image jeune, et une alliance gagnante avec le spritz, cocktail devenu emblématique. À l’inverse du Champagne, souvent associé au luxe, le vin italien joue la carte de la convivialité spontanée.
En France, le succès est aussi chiffré : +10,4 % de ventes en 2024, pour atteindre 21 millions de bouteilles d'après Meininger’s. Le Prosecco représente désormais 43 % du commerce européen des vins effervescents, contre 15 % pour le Champagne, selon des données d'Euractiv en avril 2025.
Quand le goût s’efface devant l’étiquette
Mais les consommateurs font-ils réellement la différence entre ces vins ? À la Burgundy School of Business de Dijon, une expérience menée par Jean-Christian Tisserand tente de répondre. Le principe ? Proposer du Champagne, du Crémant et du Prosecco en dégustation à l’aveugle. L’objectif : évaluer ce que les gens sont prêts à payer sans connaître la marque.
Le résultat, selon Le Bien Public ? Les écarts de prix perçus fondent. À l’aveugle, le Prosecco rivalise parfois avec les Champagnes milieu de gamme. Pour beaucoup, le goût ne justifie pas toujours les écarts de prix. Cette perception pèse lourd sur le marché, surtout en période d’inflation.