Qui contrôle l’organisation de l’Internet?

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Par Michel Delapierre Publié le 18 avril 2016 à 10h36
Internet Croissance Economie Stagnation Vide Emploi

La réponse n’est pas favorable aux États, USA mis à part, qui semblent se réveiller pour découvrir qu’in fine les clés du camion ne sont qu’américaines.

Et que cette suprématie n’est pas prête à être abandonnée par ses bénéficiaires. Près d’un mois après l’adoption d’une charte qui devait consacrer la fin de la tutelle américaine sur l’Icann, l’organisme qui gère les noms de domaines, la réalité s’impose : non seulement le pouvoir ne change pas de main, mais le rôle des états sur cette question stratégique est toujours réduit à la portion congrue.

Il y a deux ans, suite notamment aux retombées de l’affaire Snowden qui avait mis à jour l’hégémonie américaine et ses turpitudes, les États-Unis, en signe supposé de leur bonne volonté, avaient annoncé leur souhait de remettre en question la tutelle du département du commerce américain sur l’Icann. Mais, après deux ans de négociations, les dindons de la farce sont bien les pouvoirs nationaux, relégués bien loin dans la chaîne de décision et dont les avis ne pèseront pas plus que ceux rendus que par une assemblée de représentants de «  la société civile, de chercheurs et de professionnels » très largement issus d’entreprises ou d’universités américaines.

Selon Mathieu Weill, directeur général de l'Afnic, l'organisme qui gère le «.fr», cité par Le Monde, « ce dispositif a été souhaité pour que les États ne risquent pas de forcer le débat». Il signe également une défaite pour la diplomatie française qui souhaitait renforcer le rôle des états dans les décisions stratégiques de l’Icann. Incapable de parler d’une voix unie, l’Europe n’est pas parvenue à contrer les arguments américains qui présentent comme un danger un rôle accru d’états suspects comme la Chine ou la Russie, pour qui la censure est une règle.

De fait, la nouvelle gouvernance favorisera le secteur privé, grand bénéficiaire de la réforme et acteur désormais privilégié au sein de l’organisme. Et les retombées sont loin d’être anecdotiques. Des exemples ? L’Icann a ouvert ces derniers mois de très nombreux noms de domaine comme le « .paris » ou le « .vin », malgré l’opposition de la France ou de l’Italie, qui voient dans cette extension une atteinte possible aux Indications géographiques protégées. En effet, une entreprise américaine, Donuts, a obtenu le contrôle du « .vin » et se pose en interlocuteur des producteurs, notamment français. Gageons que l’entreprise saura faire monter les enchères pour rétrocéder ces adresses.

Car c’est bien la volonté des Américains que de restreindre définitivement le pouvoir des États par rapport à un secteur privé largement dominé par leurs entreprises nationales. Ainsi, les USA sont farouchement opposés à une tutelle de l’ONU sur l’Internet. Dès lors, le changement de statut de l’Icann, à l’heure des négociations du traité de commerce transatlantique, est révélateur de la stratégie de Washington : brider les États pour valider le pouvoir des entreprises, pourvues qu’elles soient américaines, et consacrer plus encore la puissance des marchés au détriment d’un contrôle démocratique. En son temps, les investisseurs privés de la compagnie des Indes géraient les possessions britanniques du sous-continent. Le cyberespace a pris le même chemin, dont il sera difficile de sortir.

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