Reconnaissance faciale : une standardisation qui soulève des questions

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Par Nicolas Bressant Publié le 16 novembre 2018 à 5h15
Femme Face

La reconnaissance faciale n'a plus rien d'un mythe. Les capteurs voient désormais bien mieux que l'œil humain ; plus loin, avec des angles et dans des spectres plus larges, et tout ce qu'ils enregistrent peut être traité instantanément grâce aux progrès de l'informatique et à la révolution du « Big Data ».

Aujourd’hui nombreux sont ceux, entreprises comme états, à avoir mis cet outil à contribution, toutefois la reconnaissance faciale continue, et continuera toujours, à avoir ses détracteurs.

La reconnaissance faciale se généralise

La reconnaissance faciale a suscité l'intérêt de nombreuses entreprises à travers le monde, qui ont investi considérablement dans le développement de cette technologie. Un investissement plus que rentable, dont les finalités sont diverses et variées.

Les entreprises se servent principalement de la reconnaissance faciale comme outil de marketing. Ainsi, elles séduisent leurs consommateurs, en leur offrant de nouveaux services. Par exemple, depuis plus de trois ans, la reconnaissance faciale est utilisée par certaines banques chinoises pour permettre à leurs clients de retirer de l'argent, et les multinationales Amazon et Master Card pensent aujourd'hui utiliser les selfies comme moyen de valider les paiements. La reconnaissance faciale est aussi utilisée par les entreprises de téléphonie mobile, qui s'en servent comme option de verrouillage et démarrage des téléphones.

Mais les entreprises ont aussi su mettre à profit ce nouvel outil pour gagner de nouveaux consommateurs. Par exemple, depuis 2016, de nouveaux écrans publicitaires sont installés dans l'aéroport de Toronto. Ils sont capables de déterminer l'âge et le sexe des passants qui les scrutent, pour adapter leur publicité.

La reconnaissance faciale permet aussi aux entreprises de lutter contre des pratiques illégales. Uber Eats, par exemple, va mettre en place un système de reconnaissance faciale à partir du premier trimestre 2019. En effet, certains coursiers de l'entreprise sous-louent illégalement leur compte à d'autres personnes, souvent majeures ou sans-papiers, et prélèvent une commission sur leur salaire. À partir du premier trimestre les coursiers devront donc se prendre en photo avant chaque tournée, pour que leur identité soit vérifiée par le logiciel de reconnaissance faciale.

Les états, en revanche, utilisent principalement la reconnaissance faciale pour lutter contre l'insécurité, dans les aéroports ou les écoles. Aux États-Unis, des systèmes de reconnaissance faciale sont installés dans des écoles pour prévenir les fusillades. Ils permettent de reconnaître les élèves expulsés, ou toute autre personne enregistrée dans la base de données des autorités. En France aussi ce système est envisagé, dans deux lycées de Marseille et Nice, bien que l'éducation nationale et le CNIL n'aient pas encore donné leur accord.

La reconnaissance faciale soulève certaines questions

« Faute de garde-fous, la reconnaissance faciale aura les mêmes biais que nous ». Toutes les craintes et les questions que soulève la reconnaissance faciale sont résumées par cette phrase de Jean-Luc Dugelay, professeur à l’école d’ingénieurs de Nice, Eurecom, et spécialiste du traitement de l’image.

Toutes ces questions sont légitimes, et elles concernent aussi bien la reconnaissance faciale exercée par les entreprises que par les états. C'est d'ailleurs l'état, plus que les entreprises, qui préoccupe les populations. En effet, les entreprises utilisent la reconnaissance faciale dans un but commercial, ce phénomène peut être dénoncé, mais il n'en résulte pas de vrai danger. Les états en revanche, même s'ils utilisent le plus souvent la reconnaissance faciale pour la sécurité de leur population, peuvent dévier de leur but premier. Par exemple, en Chine, un homme qui traverse la route alors que le feu est rouge peut voir son nom immédiatement affiché sur des écrans géants, et ce, jusqu'à ce qu'il s’acquitte de l'amende due.

Une question récurrente concerne les algorithmes. Ces outils informatiques sont, en quelque sorte, l’âme de la reconnaissance faciale. Récemment, un algorithme a été créé pour déterminer l’orientation sexuelle des individus. Celui-ci ne fonctionne pas, bien sûr, mais cette idée permet d'illustrer les dérives qui peuvent survenir. Il existe par exemple un algorithme, et c'est une réalité cette fois, qui peut, de façon assez précise, déterminer l'âge d'un individu. Les associations de défense des migrants veulent s'en prévaloir pour protéger les mineurs, mais de même, les états pourraient s'en prévaloir pour expulser les majeurs …

La plus grande préoccupation des individus reste cependant de conserver leur liberté de circuler anonymement et librement. Cette liberté est déjà remise en cause dans certains pays, mais pas en France. En effet, la reconnaissance faciale n'est effective que si la vidéosurveillance est connectée à une base de données d'informations personnelles, ce qui est interdit ici... mais pour combien de temps encore ?

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Nicolas Bressant est chef de projet européen Innovation -Transfert de technologie. Études marketing.

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