L’exécutif pensait pouvoir imposer discrètement une réforme, mais c’était sans compter sur la mobilisation des auto-entrepreneurs et des professionnels libéraux. À la suite d’une levée de boucliers chez les concernés mais aussi une partie de la classe politique, le gouvernement a suspendu l’abaissement du seuil d’exemption de TVA prévu pour mars 2025. Un rétropédalage forcé qui soulève bien des questions.
TVA des auto-entrepreneurs : le gouvernement plie face à la polémique qui enfle

Le 6 février 2025, Éric Lombard, ministre de l’Économie, annonçait en direct sur France 2 la suspension de l’abaissement du seuil d’exemption de la TVA pour les auto-entrepreneurs. Initialement prévu dans le budget 2025, ce changement devait réduire de 37 500 euros à 25 000 euros le chiffre d’affaires annuel autorisé pour bénéficier de l’exonération de TVA. Une mesure qui a rapidement déclenché une fronde massive des auto-entrepreneurs, relayée par les professions libérales et des figures politiques de tous bords.
Le projet initial : une réforme de la TVA pour les auto-entrepreneurs
Une réforme passée sous silence
Le gouvernement justifie cette mesure par la nécessité de mettre fin à une "distorsion de concurrence" entre les auto-entrepreneurs exonérés et les professionnels assujettis à la TVA. Selon Bercy, cet ajustement répond aussi à une harmonisation avec les nouvelles directives européennes en matière de TVA. Pourtant, dans les faits, 200 000 entrepreneurs auraient été contraints de collecter la taxe et de modifier leur grille tarifaire.
Tableau comparatif des seuils de TVA avant et après la réforme
| Catégorie d’activité | Seuil avant réforme | Seuil après réforme |
|---|---|---|
| Vente de biens | 85 000 euros | 25 000 euros |
| Prestations de services | 37 500 euros | 25 000 euros |
Conséquence directe ? De nombreux entrepreneurs auraient dû augmenter leurs prix de 20 %, perdant ainsi leur avantage concurrentiel. De plus, les formalités administratives se seraient alourdies pour des milliers de professionnels qui échappaient jusqu’ici aux obligations fiscales lourdes.
Une fronde généralisée : entre grogne et menaces politiques
Les auto-entrepreneurs en colère
Dès l’annonce du projet, les organisations professionnelles et les fédérations d’indépendants sont montées au créneau. Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants et TPE (SDI), a dénoncé une réforme purement comptable qui mettrait en péril les plus petites structures. « Le sujet de la concurrence entre les microentrepreneurs et les autres formes d’exercice d’activité est latent depuis 2009. Sans aucune concertation ni réflexion sur les conséquences, le gouvernement a choisi d’adopter une logique purement comptable de court terme et, pour tout dire, à courte vue. La microentreprise a représenté 64% de la création d’entreprises en 2024. Étouffer ces entrepreneurs en devenir au même titre que les entrepreneurs classiques, est sans doute le pire des signaux qui pouvaient être adressés à l’activité entrepreneuriale dans son ensemble. La microentreprise est désormais ancrée dans le paysage économique. La véritable question devrait être celle de savoir comment développer notre économie dans le respect des intérêts de tous ses acteurs et non de les submerger de charges. »
De son côté, François Hurel, président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE), a fustigé une complexité administrative inutile et une atteinte directe au modèle de la micro-entreprise. Idem du côté de l’ADIE qui « dénonce avec force cette mesure désastreuse et contre-productive qui met en péril l’activité et par conséquent l’emploi, de centaines de milliers d’entrepreneurs aux revenus modestes pour de multiples raison. »
Une mobilisation politique inattendue
L’opposition ne s’est pas fait prier pour enfoncer le clou. Éric Coquerel (LFI) a dénoncé une mesure "scandaleuse", tandis que le Rassemblement National (RN) a qualifié cette tentative de réforme de "racket des indépendants" et d’erreur politique. À droite, certains élus LR se sont également joints aux critiques, soulignant un coup dur pour les petites entreprises en période d’inflation.
Le gouvernement contraint de faire marche-arrière sur la réforme de la TVA
Un rétropédalage embarrassé
Afin d’améliorer son budget d’austérité, l’exécutif espérait 400 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires grâce à cette réforme. Un objectif balayé par la pression croissante. Éric Lombard a annoncé la suspension de la mesure, déclarant : "Nous avons entendu les demandes des auto-entrepreneurs. Pendant la durée de la concertation, la réforme est suspendue." Véronique Louwagie, ministre déléguée au Commerce, est désormais chargée de mener des consultations avec les acteurs économiques afin de trouver un compromis acceptable.
🔴🗣 INFO #JT20h
Le ministre de l'Économie Éric Lombard annonce la suspension de la réforme des seuils de la TVA pour les autoentrepreneurs "pendant le temps de la concertation".@Eric_R_Lombard pic.twitter.com/wkexsb6rpL
— Le20h-France Télévisions (@le20hfrancetele) February 6, 2025
Les conséquences du retrait de la réforme
| Facteur | Impact attendu |
|---|---|
| Recettes fiscales | Perte de 400 millions d’euros |
| Entrepreneurs concernés | 200 000 professionnels préservés de l’assujettissement à la TVA |
| Réputation gouvernementale | Affaiblie par un nouveau recul face à la contestation |
Réforme de la TVA : un abandon définitif ou un report stratégique ?
Si la réforme est suspendue, rien n’indique qu’elle ne refera pas surface sous une forme différente. Certains observateurs estiment que le gouvernement pourrait la relancer après les élections européennes, en prenant soin d’apporter des ajustements pour atténuer les critiques.
En attendant, la fronde des auto-entrepreneurs a montré que toute réforme touchant aux TPE-PME reste hautement inflammable. Une leçon que l’exécutif retiendra peut-être avant sa prochaine tentative d’ajustement fiscal. Le gouvernement voulait réduire les distorsions de concurrence, il s’est finalement retrouvé piégé par la colère des auto-entrepreneurs et des professions libérales.
