Eau : les premières restrictions arrivent en France

Le Nord est désormais sous vigilance renforcée pour cause de sécheresse. Arrosages interdits, industries sous quotas, agriculteurs contraints : les restrictions d’usage de l’eau s’imposent à tous. Un état d’urgence climatique… dont les conséquences auraient pu être anticipées.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 27 juin 2025 16h15
Les Premieres Restrictions Eau Arrivent France
Eau : les premières restrictions arrivent en France - © Economie Matin

Le 27 juin 2025 marque un tournant dans la gestion de l’eau dans le Nord : vigilance renforcée, restrictions sévères, débat relancé sur les bassines, mais surtout, une nécessité urgente de s’adapter à une réalité hydrologique désormais chronique.

L’eau entre en zone rouge

Depuis ce vendredi, le département du Nord est officiellement placé en vigilance renforcée sécheresse. Le préfet a signé un arrêté préfectoral en ce sens, applicable à l’ensemble du territoire départemental. Cette décision n’est pas tombée du ciel : la pluviométrie y est en chute libre depuis plusieurs mois. Entre le 1er février et le 5 mai, les précipitations ont affiché un déficit de 63 % par rapport aux normales saisonnières. Du jamais vu depuis 1959, selon la DREAL Hauts-de-France.

Dans ce contexte d’alerte, les mesures de restriction d’eau, qui s’appliquaient déjà par endroits, deviennent systématiques et contraignantes.

Eau sous contrôle : ce qui change pour les habitants du Nord

Interdictions, limitations, dérogations rares : la liste des nouvelles règles est longue, et concerne tous les usagers.

Pour les particuliers, l’interdiction d’arroser les pelouses, jardins, potagers ou terrains de sport entre 11 h et 16 h est désormais la norme. Le remplissage des piscines privées est interdit, tout comme le nettoyage des véhicules en dehors des stations professionnelles équipées de systèmes économes.

Les collectivités locales doivent suspendre l’arrosage des espaces verts durant les heures chaudes et limiter les ouvertures des fontaines décoratives non recyclantes.

Côté agriculteurs, l’usage de l’eau pour l’irrigation est interdit sur les créneaux critiques du week-end, entre 11 h et 16 h, avec un basculement progressif vers une gestion volumétrique prévue dès 2026. Une mutation qui risque de bouleverser l’organisation de l’irrigation pour nombre d’exploitants.

Quant aux industriels, notamment les ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), ils devront réduire leurs prélèvements d’eau de 5 %, et cela dès maintenant.

Tout le Nord concerné, sans exception

Cette vigilance renforcée ne se limite pas à quelques communes rurales ou zones agricoles. L’arrêté préfectoral s’applique à l’ensemble du département du Nord, du littoral dunkerquois aux plaines de l’Avesnois, en passant par la métropole lilloise.

Le document, consultable sur le site de la préfecture du Nord, précise que ces restrictions resteront en vigueur jusqu’au 30 septembre 2025, sauf révision anticipée.

Une crise évitable ? La controverse des méga-bassines

La sécheresse de l’été 2025 survient après un début d’année exceptionnellement humide. Des précipitations record ont été enregistrées entre janvier et février, mais faute d’infrastructures de stockage suffisantes, l’essentiel de cette eau a terminé… à la mer.

L’ironie est cruelle pour les défenseurs des méga-bassines : ces vastes réservoirs artificiels conçus pour retenir l’eau en période de forte pluie, afin de la redistribuer en période sèche. Si ces dispositifs avaient été davantage déployés, le Nord aurait sans doute pu disposer de ressources tampon. Mais la résistance écologiste est forte : ces bassines sont accusées de menacer les zones humides, de capter l’eau pour une minorité d’agriculteurs intensifs, et de fragiliser les équilibres naturels.

« On sacrifie les écosystèmes pour des logiques productivistes », dénoncent plusieurs collectifs régionaux de défense de la biodiversité. Résultat : un débat figé, des projets au point mort, et une crise de l’eau qui frappe tout le monde.

Une gestion locale, des enjeux globaux

Le préfet du Nord insiste dans son communiqué du 27 juin : « Chacun doit adopter un comportement économe et responsable vis-à-vis de la ressource en eau. » Une évidence qui n’efface pas les tensions. Le passage à la gestion volumétrique annoncé pour 2026 pourrait déclencher de nouvelles frictions, notamment chez les exploitants céréaliers déjà soumis à des pressions économiques fortes.

À cela s’ajoute un constat plus global : les nappes phréatiques du Nord, déjà parmi les plus exploitées de France, peinent à se recharger. Le dérèglement climatique amplifie les effets : sécheresses plus fréquentes, pluies plus rares et plus intenses, sols incapables d’absorber l’eau…

Face à ces défis, plusieurs experts plaident pour une réforme structurelle de la politique de l’eau : tarification progressive, rénovation des réseaux vétustes, recours à la réutilisation des eaux usées traitées, limitation des surfaces imperméabilisées… Des propositions qui peinent à émerger, alors que la situation, elle, ne cesse de se détériorer.

Le quotidien sous contrainte : gestes utiles et pratiques à adopter

Face à cette situation d’alerte, des réflexes simples s’imposent. Les habitants du Nord sont invités à privilégier les douches brèves, à reporter le lavage de voiture, à éviter tout gaspillage lors du brossage de dents ou de la vaisselle.

Les agriculteurs peuvent recourir à l’irrigation de précision, au paillage des cultures, ou à l’utilisation de capteurs d’humidité pour optimiser les apports en eau. Les collectivités doivent, de leur côté, envisager la récupération des eaux pluviales pour l’entretien des espaces verts. Autant de solutions locales, qui ne compenseront pas l’absence de stratégie à long terme.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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