Le 13 août 2025, YouTube a lancé une expérimentation nationale d’un système d’intelligence artificielle destiné à évaluer l’âge réel des utilisateurs. Déployé sur une partie des comptes, ce dispositif contourne les données déclarées pour estimer l’âge à partir des vidéos regardées.
Un algorithme qui scrute les habitudes de visionnage
Ce nouveau programme ne repose pas sur la date de naissance fournie à l’inscription. Il examine le type de contenus visionnés, leurs thématiques, ainsi que certaines habitudes d’utilisation. Si l’IA détermine que l’internaute est mineur, YouTube restreint automatiquement l’accès à des fonctionnalités : absence de publicités personnalisées, recommandations limitées, alertes pour faire des pauses, avertissements de confidentialité.
James Beser, directeur de la gestion des produits chez YouTube, a déclaré dans Associated Press :
« YouTube a été l’une des premières plateformes à proposer des expériences spécialement conçues pour les jeunes, et nous sommes fiers d’être à nouveau à l’avant-garde en introduisant une technologie qui nous permet de fournir des protections de sécurité tout en préservant la confidentialité des adolescents. »
Des recours possibles, mais intrusifs
Si un adulte est identifié à tort comme mineur, il peut contester en fournissant une pièce d’identité officielle, une carte bancaire ou un autoportrait. L’accès sans connexion reste possible, mais certains contenus demeurent verrouillés sans preuve d’âge.
Les Numériques souligne que cette technologie « soulève de sérieuses inquiétudes à propos de la vie privée et de la liberté d'expression », en raison du risque de profilage algorithmique, même si aucune image de pièce d’identité n’est stockée pour la majorité des comptes.
Un contexte politique et réglementaire sous tension
La mise en place intervient peu après la décision de la Cour suprême des États-Unis, fin juin 2025, confirmant la loi texane imposant la vérification d’âge pour consulter des contenus pornographiques. Plusieurs autres États préparent des lois similaires, accentuant la pression sur les plateformes numériques.
Selon The Verge, Google adopte des approches similaires pour d’autres services, tandis que des entreprises du secteur défendent l’idée que les boutiques d’applications (Apple et Google Play) devraient assumer ce contrôle. Les deux géants y sont opposés, préférant déléguer cette fonction aux plateformes elles-mêmes.
Entre protection et surveillance numérique
Des organisations comme l’Electronic Frontier Foundation ou le Center for Democracy & Technology craignent que la technologie ne serve à renforcer la surveillance et le filtrage excessif des contenus. Les critiques pointent le risque d’erreurs de classification, notamment pour les jeunes adultes, et l’absence de transparence sur les critères précis utilisés par l’algorithme.
Pour les défenseurs de la vie privée, le défi est d’instaurer des mesures protectrices pour les mineurs sans instaurer une collecte massive et intrusive de données comportementales. L’efficacité réelle du dispositif dépendra de sa précision et de la clarté des explications fournies au public.
Un test qui pourrait redéfinir la frontière entre protection et vie privée sur YouTube
En s’appuyant sur l’intelligence artificielle pour vérifier l’âge, YouTube prend position dans un débat global : comment concilier sécurité des mineurs et respect de la confidentialité ? Cette phase pilote américaine, scrutée par les régulateurs et les associations, servira de test grandeur nature pour mesurer la faisabilité d’une telle régulation algorithmique.
